ZU LES GUERRIERS DE LA MONTAGNE MAGIQUE
蜀山奇傅・天空の剣 – Hong-Kong – 1983
Support : Bluray
Genre : Fantastique, Action, wu xia pian
Réalisateur : Tsui Hark
Acteurs : Yuen Biao, Sammo Hung, Adam Cheng, Brigitte Lin, Moon Lee, Judy Ongg, Corey Yuen, Mang Hoi, …
Musique : Kwan Sing-Yau
Durée : 98 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0, Cantonais DTS HD Master Audio 2.0 & 5.1
Sous-titres : Français
Éditeur : HK Vidéo
Date de sortie : 21 novembre 2023
LE PITCH
Au Xe siècle, en Chine, un jeune éclaireur de l’armée et un moine novice se retrouvent mêlés au combat mortel que se livrent l’effroyable démon du Sang, qui cherche à détruire l’Humanité, et la souveraine d’un palais céleste dont l’immense pouvoir est le seul capable de combattre la magie du monstre, …
L’Apprenti sorcier
1983. En pleine effervescence créative, Tsui Hark révolutionne le cinéma de l’archipel avec Zu, les Guerriers de la Montage Magique. Succession ininterrompue de morceaux de bravoure en apesanteur, cette production Golden Harvest dépoussière les codes du Wu Xia Pan, ose toutes les ruptures de ton et les mélanges des genres et impose un nouveau tempo au divertissement HK. Et malgré des effets visuels qui ont mal vieilli et un dernier quart d’heure indigeste, ce manifeste n’a rien perdu de son pouvoir de fascination et d’inspiration.
Lorsqu’il parvient à convaincre Raymond Chow d’investir son temps et son argent dans Zu, les Guerriers de la Montagne Magique, Tsui Hark n’est encore qu’un cinéaste débutant à l’avenir très incertain. La comédie All the Wrong Clues for the Right Solution est certes une bonne affaire pour la société Cinema City et rassure sur la capacité du trublion responsable des incendiaires Butterfly Murders (déjà une tentative de relecture et de corruption du Wu Xia), We’re Going To Eat You et L’Enfer des Armes à se plier aux exigences d’un cinéma grand public. Mais son adaptation de « Legend of the Swordsmen of the Moutains of Shu », magnum opus du romancier chinois Huanzhulouzhu, est un pari sacrément risqué. Hark veut offrir au public un spectacle à la facture visuelle totalement inédite pour une production hongkongaise. Le réalisateur est porté par une vision qui le pousse à innover, à inventer sans cesse, sans garantie de résultats. Pour les acteurs et les techniciens, le tournage semble sans fin, le scénario change du jour au lendemain. Mais à chaque fois qu’un plan que tout le monde croyait impossible parvient à être mis en boîte avec succès, le génie de Tsui Hark ne fait plus aucun doute. Pour réaliser le combat final et ses visions célestes, la production fait même appel à l’américain Peter Kuran et son équipe de techniciens, tout juste sortis de L’Empire Contre-Attaque, pour former des novices au secret du tournage sur fond vert. Si les images qui résultent de cet apprentissage à la dure piquent aujourd’hui méchamment les yeux et aggravent le cas d’un dernier acte bordélique au plus haut point, elles relèvent aussi du jamais vu pour un film HK. Et s’il se laisse emporter par le rythme effréné des aventures de Zu, les Guerriers de la Montagne Magique sans lui réserver un triomphe pour autant, le public sait, au fond de lui, que ces 98 minutes de projection viennent de changer la donne. Et pour longtemps.
Faites place !
En prenant pour cadre une version hautement fantaisiste de la Chine moyenâgeuse des Seize Royaumes, le film de Tsui Hark nous laisse d’abord croire qu’il va suivre le chemin d’une épopée satirique sur le ton de la comédie kung-fu. On y suit en effet la rencontre de deux déserteurs d’armées rivales (Yuen Biao et Sammo Hung) s’unissant pour échapper à une guerre incessante. Le ton est à la fois léger et fortement politisé. Mais en séparant les deux comparses et en se concentrant sur le personnage de Yuen Biao, forcé de trouver refuge dans une caverne hantée par des vampires, l’histoire prend un nouveau virage, ouvertement fantastique. Un nouveau duo se forme alors, le jeune soldat en fuite cherchant à devenir le disciple de l’épéiste de légende qui vient de lui sauver la vie. À la faveur d’un combat contre les membres d’une secte d’adorateurs du Démon du Sang, le duo devient quatuor avec l’aide d’un moine guerrier et de son apprenti. Et ainsi de suite. Et ainsi de suite. En mutation constante, l’intrigue de Zu, les Guerriers de la Montagne Magique, est pour le moins difficile à suivre, même si l’on comprend qu’il est ici question d’un démon sur le point de détruire l’humanité et de deux épées jumelles, seul moyen de venir à bout de la menace en question.
C’est par le rythme et l’abandon de la logique au profit de la poésie et d’une imagination qui ne se pose pas de barrières que Tsui Hark dynamite le Wu Xia Pan. S’il respecte la portée mythologique et les spécificités culturelles de sa source, le cinéaste refuse de se soumettre à la petite musique littéraire et théâtrale du genre pour lui imposer son énergie et son langage purement cinématographique usant de grands mouvements d’appareils, de couleurs primaires et de raccords foudroyants.
Entre les lignes de cette histoire sans queue ni tête, Tsui Hark dessine pourtant un fil rouge, purement méta. D’une péripétie à l’autre, le cinéaste dresse le portrait de vieux sages aux talents extraordinaires mais incapables de s’unir pour vaincre. Corrompus par le démon et figés pour l’éternité dans un temple de glace, la vieille garde cède finalement la place à la jeune génération, un trio de disciples gaffeurs, frondeurs ou impétueux mais capables d’agir comme une seule force et de déplacer des montagnes. Par sa seule volonté et son instinct de créateur, Hark transforme son grand spectacle bariolé en terrain d’expérimentation et en modèle à suivre pour les générations futures. L’année suivant la sortie de Zu, les Guerriers de la Montagne Magique, Tsui Hark s’en ira fonder la Film Workshop, concrétisant sans tarder son rêve, son empire, sa révolution. Plus qu’un film, une déclaration !
Image
Se pourrait -il que HK Vidéo sorte enfin de sa torpeur et cherche à récupérer sa place de leader dans la distribution du cinéma asiatique en général et des objets de culte HK en particulier ? La sortie au mois d’août d’un digipack consacré au Iron Monkey de Yuen Woo-Ping semblait le suggérer, cette édition de Zu, les Guerriers de la Montagne Magique (qui fut l’un des tous premiers titres de l’éditeur à sortir en DVD en 2001, rappelons-le) en est peut-être la confirmation. Plutôt que de nous refiler à la hâte un master daté et (mal) gonflé en HD, HK Video opte pour une vraie mise à jour et nous propose la même restauration en 2K visible sur la très recommandable galette anglaise d’Eureka sortie en 2020. Le format est respecté, les couleurs sont pimpantes, la définition est traversée d’un grain cinéma tout à fait convaincant et la compression est robuste. Il reste quelques défauts de contrastes et un peu de bruit vidéo et de DNR mais c’est une vraie résurrection pour cette œuvre emblématique de la filmographie de Tsui Hark.
Son
Plutôt dynamique et soignée, la version française et son doublage qui tient la route creuse significativement l’écart avec des mixages cantonais un peu limités, que ce soit en stéréo ou en 5.1. Rien d’exceptionnel ou de vraiment fâcheux pour un film dont le potentiel acoustique est exploité sans artifices.
Interactivité
On retrouve au sein d’un digipack qui rappelle de bien beaux souvenirs les suppléments du DVD avec une interview aussi brève que foutraque d’un Tsui Hark au débit mitraillette et des scènes commentées par notre génie en sur régime. La bonne nouvelle, c’est que l’on récupère aussi certains bonus du DVD hongkongais de Fortune Star dont une interview de Yuen Biao, une de Mang-Hoi et une dernière de Moon Lee, le trio nous éclairant sur un tournage marathon et sans équivalent pour l’époque.
Dernière surprise, le cut international du film, infâme bidouillage répondant au titre de Zu : Time Warrior et où un Yuen Biao visiblement plus âgé est renvoyé dans le passé pour les beaux yeux de Moon Lee via de nouvelles scènes tournées à l’arrache, dans un mix entre Le Magnifique et Quelque part dans le temps. Présentée en définition standard dans une copie trop sombre et mal étalonnée, en version anglaise sous-titrée, cette version a valeur d’archive et rien d’autre. Le tout est complété par un générique d’ouverture alternatif et une bande-annonce. On attend à présent qu’HK Video exploite le reste de son vaste catalogue avec le même soin. Croisons les doigts.
Liste des bonus
Livret de 8 pages, « Zu, Time Warrior » montage alternatif de 1985, Crédits d’ouverture alternatifs, 5 scènes commentées par Tsui Hark, Interviews de Yuen Biao, Mang Hoi et Moon Lee, Bande-annonce cinéma originale.