WATERSHIP DOWN
Royaume-Uni – 1978
Support : Bluray
Genre : Aventure, Drame, Animation
Réalisateur : Martin Rosen
Acteurs : John Hurt, Richard Briers, Michael Graham Cox, John Bennett, Ralph Richardson, Simon Cadell, Roy Kinnear, Denholm Elliott…
Musique : Angela Morley
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 92 minutes
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 juin 2024
LE PITCH
Marqué par de terribles visions, Fiver, jeune lapin, prédit, en ce beau mois de mai, la destruction imminente de sa garenne. Incapable de convaincre le patriarche du danger, il décide, avec son frère Hazel, de quitter le terrier avec quelques autres lapins, dont Bigwig et Silver, pour se mettre en quête d’un nouvel endroit sûr où s’installer. Il leur faudra bientôt lutter pour survivre dans un environnement hostile.
Run Rabbit, Run !
Redécouvert par chez nous il y a un peu plus de dix ans grâce à une ressortie en salle via Splendor film et une réédition du livre chez Monsieur Toussaint Louverture, Watership Down, est pourtant le plus grand succès du cinéma d’animation anglais et un authentique classique reconnu autant pour son sens de l’aventure et sa poésie, que ses réflexions matures et ses accents sinistres.
Même si Les Garennes de Watership Down de Richard George Adams fut immédiatement un bestseller de la littérature british et connu un véritable plébiscite autant par la critique que par les jeunes lecteurs, l’idée de le transformer en long métrage ne fut pourtant pas une évidence. Dans les années 70, malgré quelques rares tentatives comme celles de Ralph Bakshi (Fritz the Cat), le cinéma d’animation est encore et toujours perçu uniquement comme un art enfantin. Pourtant l’adaptation qu’en signe Martin Rosen, jusque-là surtout producteur (Love de Ken Russell) entend bien préserver toute l’épaisseur du roman quitte même à en accentuer à plusieurs occasion la violence et la cruauté. Cela aurait pu être essentiellement un charmant divertissement animalier, la quête d’une poignée de lapins recherchant malgré l’adversité une nouvelle lande accueillante où s’installer, mais le métrage est constamment traversé par une atmosphère inquiète, une menace omniprésente. Une sensation de danger finalement extrêmement réaliste quand on pense à la vie fragile de ces charmants herbivores chassés par tous les prédateurs du coins, chiens, rapaces, hommes… Le film ne s’ouvre d’ailleurs pas sur une charmante scène bucolique mais bien sur une introduction au design stylisé, symbolique, contant la grande légende de Shraavilshâ, ancêtre malicieux qui en narguant le dieu unique attira sur lui sa colère et en fit une proie pour le reste du monde animal. L’origine de la terrible condition de l’espèce, qui sera suivi par la vision prophétique de Fiver, qui en reniflant un mégot de cigarette sera témoin d’un tableau cauchemardesque annonçant la destruction de leur prairie.
L’odyssée de l’espèce
Watership Down n’est donc pas simplement une aventure, mais bien un exode nourri de racines bibliques et fortement inspiré par L’Odyssée d’Homère, où les péripéties incluent parfois les morts brutales de certains de nos gentils rongeurs, une atmosphère régulièrement lourde et inquiétante, et surtout des épisodes qui confrontent la petite troupe à ce qui se cache sous la campagne verdoyante. La présence de l’homme, toujours en amorce que ce soit par l’apocalypse initiale (on devine des bulldozers préparant un nouveau site de construction), un collet qui attrape l’un deux l’étranglant dans une longue agonie, quelques chasseurs et leur carabine ou un chien bien dressé, mais aussi des communautés de leur espèce qui viennent servir de reflet à des systèmes sociétaux on ne peut plus reconnaissables : un dirigeant de communauté qui se terre au fond de son trou préférant l’immobilisme à la survie, plus loin des groupes acceptant l’esclavage en échange d’un confort illusoire et enfin la horde d’Efréfa. Une organisation fasciste célébrant le contrôle, la violence et l’obéissance à un vieux tyran, là où Hazel et ses camarades prônent plus volontiers la paix et un équilibre démocratique. Une bataille finale à la tension palpable, emportée par l’astuce plutôt que la barbarie, qui est bien entendu un combat schématique du bien contre le mal, mais qui comme le reste du film ouvre le jeune public à des réflexions profondes, complexes et pertinentes.
Si l’animation peut sembler aujourd’hui un peu rudimentaire (les décors restent splendides) et la mise en scène encore un peu trop rigide, Watership Down parait aujourd’hui toujours aussi perspicace, film cousin du fameux La Ferme des animaux d’après Orwell, et séduit par son climat sombre et mystique. Un ton très particulier que ne retrouveront d’ailleurs que très partiellement les deux autres adaptations du roman, elles aussi produites par Rosen : la série animée de 1999 pour le coup très enfantine, et la mini-série produit par Netflix en 2018, La Coline aux lapins, dont les images de synthèse ne peuvent retranscrire efficacement le, terrible, réalisme champêtre.
Image
La copie présentée ici est de très bonne qualité, témoignant d’une restauration soignée à partir des négatifs 35mm et d’un nettoyage consciencieux s’étant efforcé de retirer les plus gros défauts de pellicule, les instabilités les plus visibles, sans dénaturer le grain et les aspérités du métrage. Très convaincant même si on dénote encore quelques petites taches de-ci de-là ainsi que certains plans à la luminosité vacillante. Cela n’empêche pas heureusement le grand retour de tous les détails qui habitent les superbes décors peints, des effets de profondeurs multiplans (qu’on avait un peu perdu avec le temps) et de la rugosité picturale.
Son
Les pistes sonores sont tout aussi appréciable avec des DTS HD Master Audio 2.0 fermes et équilibrés, qui ne laissent entendre aucune faiblesse importante et une clarté constante. La version anglaise, avec la voix mémorable de John Hurt est celle qui a le plus de gravité mais le doublage français est très soigné.
Interactivité
Le film n’ayant jamais eu en France le même impact que dans les pays anglo-saxons, cela explique peut-être un traitement éditorial beaucoup plus chiche qu’aux USA (Criterion) ou en Angleterre (BFI) où il est accompagné de diverses interviews et documents d’archives. Ici donc le journaliste Justin Kwedi (La Septième obsession) qui sur un ton un peu laconique évoque tour à tour les évolutions du cinéma d’animation durant les années 70-80 et surtout son versant aux tonalités plus sombres, avant de revenir sur les origines du roman et du film et d’en souligner les grandes particularités.
Dans les menus on trouve aussi un accès en piste musicale isolée aux très belles compositions enregistrées pour le film dont une chanson terriblement mélancolique d’Art Garfunkel.
Liste des bonus
Piste musicale isolée (DTS-HD Master Audio 2.0), Watership Down » par Justin Kwedi (33’), Bande-annonce originale (4’).