WALKABOUT
Australie – 1971
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Nicolas Roeg
Acteurs : Jenny Agutter, David Gulpilil, Luc Roeg, John Meillon…
Musique : John Barry
Durée : 100 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Potemkine Films
Date de sortie : 19 avril 2022
LE PITCH
Dans le désert australien, la rencontre de deux enfants abandonnés et d’un jeune aborigène donne naissance à un voyage initiatique au cœur d’une nature sauvage : un choc entre l’occident et la culture aborigène.
L’Homme qui venait d’ailleurs
Restauré de bien belle manière, le premier film de Nicolas Roeg Walkabout ressort dans une version Blu-Ray chez Potemkine. Une sortie d’actualité tant ce film aborde des thèmes modernes comme l’écologie et la fin d’un monde, le racisme et la peur de l’autre, la folie du système capitaliste… Un chef d’œuvre à voir et à revoir.
Lorsque Nicolas Roeg s’attelle à la réalisation de La randonnée (le titre français de Walkabout) en 1970, le britannique possède déjà un bagage des plus impressionnants avec une carrière de chef opérateur sur des films aussi mythiques que Lawrence d’Arabie ou Le docteur Jivago de David Lean. Des réalisations sur lesquelles il imprimait déjà son style visuel, et l’un des points forts de ce premier film en solo (il tourna Performance un an auparavant en co-réalisation avec Donald Cammel) réside dans la beauté des images déployées et des techniques employées (fondu enchaîné, saturation des couleurs…).
Si les paysages à la fois paradisiaques et mortifères du Bush australien sont les stars de Walkabout, c’est bien un habitant de ce milieu hostile qui leur pique la vedette. Le tout jeune, à peine 17 ans, aborigène David Gulpilil pour une première apparition à l’écran le crève justement littéralement. Parlant à peine anglais, jamais sorti de son univers naturel et traditionnel, celui qui s’était fait repérer pour ses talents de danseur compose une performance impressionnante et dés lors devint une star en Australie, permettant au pays de jeter un nouveau regard sur les aborigènes sans cesse marginalisés. De l’aveu même d’historiens australiens (voir bonus) seul un étranger comme Roeg pouvait donner le rôle titre à un représentant de ce peuple.
Wake in fright
Ce qui fait la force et l’originalité de cette œuvre c’est aussi que cette beauté, sublimée par la B.O. quasi mystique de John Barry, est sans cesse contrebalancée par la dureté du monde, l’histoire démarrant et finissant par un suicide. A la fois contemplatif et dénonciateur, le film est bien de son temps par son tempérament hippie, mais aussi en avance quand on voit à quel point certains thèmes résonnent aujourd’hui. Une sorte de fable écologiste à ranger entre un reportage du National Geographic et un brûlot misanthrope ! On songe ainsi à deux autres films tournés en Australie dans les 70’s, Wake in fright (1971) de Ted Kotcheff qui montrait la folie de l’homme blanc au cœur du Bush et marqua toute une génération pour une scène de combat homme-kangourou qu’on retrouve justement dans le film de Roeg. Ainsi qu’Un long week-end (1978) où un couple se retrouvait confronté à la « vengeance » de la nature suite à son absence de respect envers elle. Le long-métrage de Roeg est bien sûr aussi une magnifique quête initiatique, qui fait d’ailleurs partie de la liste du BFI des 50 films à voir avant d’avoir 14 ans, tant il invite à l’ouverture aux autres et à notre monde. Le jeune Luc Roeg et l’adolescente Jenny Agutter seront ainsi nos guides, nos yeux face à la découverte d’une autre culture et d’un autre monde à la fois terrifiant et magnifique. Un sorte de Jardin d’Eden comme semble nous le signifier l’une des plus belles scènes du film où Jenny Agutter innocente et nue nage dans une mare entouré d’un décor à couper le souffle.
Plus de cinquante ans après sa sortie, Walkabout n’a rien perdu de sa force, bien au contraire. A l’instar d’autres réalisations de son auteur comme Ne vous retournez pas ou L’homme qui venait d’ailleurs, celui-ci est en même temps des plus singuliers et des plus beaux. Voir ce film est donc une expérience que tout cinéphile se doit d’accomplir !
Image
La restauration 2K proposée ici rend un bel hommage à l’œuvre : le haut niveau de détail et de précision, la présence d’un joli grain, les cadres stables et propres… Quant aux couleurs, on retrouve avec délice les teintes rouges et terreuses, malgré quelques images inégales. En bref, un régal.
Son
Le son Mono s’avère plaisant et convaincant, rendant grâce à la magnifique musique composée par Barry. Les dialogues sont clairs. A noter que le film est seulement proposé en version originale sous-titrée.
Interactivité
Pour conclure cette édition de toute beauté, Potemkine Films nous propose des bonus passionnants, mention spéciale pour « Gulpilil : On Red Blood », qui revient sur la carrière de l’acteur aborigène qui nous a quitté en novembre 2021. Entre interviews de Gulpilil et immersions dans son milieu d’origine qu’il n’a jamais quitté, on y découvre une personne solaire coincée entre deux mondes, son milieu traditionnel et le cinéma, que tout oppose. De nombreuses anecdotes sur Crocodile Dundee, son amertume sur le métier, ses rencontres avec Bob Marley ou Dennis Hopper qui nous donnent envie de voir le reste de sa filmographie dont The tracker ou Les chemins de la liberté.
Jenny Agutter nous apprend que les Beatles (!?) devaient produire le film à la base. Elle aime beaucoup l’idée que le trio de jeunes soit une allégorie d’une famille et rappelle l’importance, « le point central », de la scène du bain. Enfin, l’ethnologue André Iteanu nous rappelle la signification du Walkabout chez les aborigènes et l’importance de Gulpilil qui permit aux australiens de voir différemment leurs « frères » aborigènes. Il évoque aussi un film « naïf mais au constat triste et pessimiste. »
Liste des bonus
« Gulpilil : One Red Blood. », documentaire de Darlene Johnson (2002, 56’) ; Entretien avec Jenny Agutter (2008, 20’) ; Entretien avec André Iteanu, ethnologue, spécialiste de l’Océanie (2022, 19’).