VORTEX
France – 2022
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Gaspar Noé
Acteurs : Dario Argento, Françoise Lebrun, Alex Lutz, Kylian Dheret, Vuk Brankovic, Kamel Benchemekh, …
Musique : Divers
Durée : 142 minutes
Image : 2.35 16/9ème
Son : Français DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Éditeur : Wild Side Video
Date de sortie : 21 septembre 2022
LE PITCH
Le déclin physique et mental d’un couple de personnes âgés dans un appartement parisien et les conséquences sur la vie de leur fils, un junkie qui tente de remonter la pente, …
à la vie à la mort
Marqué par le décès de sa mère des suites de la maladie d’Alzheimer et par un AVC qui faillit l’emporter dans la tombe à la fin de l’année 2019, Gaspar Noé se confronte à la mort, à la déchéance et à la sénilité dans un quasi huis-clos qui renonce à l’électrochoc redouté pour une expérience sensitive d’une oppressante douceur. Hypnotique et bouleversant, Vortex brouille les frontières entre l’éveil et la fin de vie pour un résultat atypique.
La comparaison semblait s’imposer d’elle-même : Vortex serait la réponse du réalisateur d’Irréversible au chef d’œuvre de l’autrichien Michael Haneke, Amour. Les similitudes, il est vrai, sont troublantes. Le point de départ est le même, les deux cinéastes braquant leur caméra sur un couple d’octogénaires cultivés et repliés sur eux-mêmes dans le confort bientôt funèbre d’un grand appartement rempli des souvenirs d’une vie bien chargée. Et dans les deux cas, l’Alzheimer de la vieille femme, le refus de l’hospitalisation par le vieil homme et les répercussions tragiques et douloureuses sur l’enfant unique, lui-même sur le point de céder à ses propres démons, constituent les principaux ressorts narratifs du drame. Au couple emblématique formé en 2012 par les regrettés Jean-Louis Trintignant et Emmanuèle Riva succède en 2021 la rencontre surprenante du réalisateur de Suspiria, Dario Argento, et de l’actrice de La maman et la putain de Jean Eustache, Françoise Lebrun. Quant à la réputation sulfureuse de Gaspar Noé, inutile de rappeler qu’elle s’est bâtie en bousculant, film après film, le « bon goût » notoire des festivaliers de Cannes – l’endroit même où Michael Haneke, film après film, choc après choc, s’est construit une stature de maître du 7ème Art, à grands coups de Grand Prix et de Palmes d’or.
Vortex contre Amour. Amour contre Vortex. Le provocateur nihiliste et virtuose contre le vieil intellectuel, froid et cynique. L’affiche est alléchante mais le combat n’aura finalement pas lieu. Amour est un colosse qui vous pose une arme contre la tempe et vous arrache le cœur et les larmes en vous empêchant de fermer les yeux. Vortex est une expérience en sourdine, un murmure apaisé et terrifiant dont le formalisme pourtant ostentatoire parvient à se faire oublier pour mieux nous envelopper. C’est une chance, Vortex et Amour n’ont finalement rien à voir l’un et l’autre.
Un peu plus qu’hier, un peu moins que demain
Très clairement, Vortex marque une rupture dans le cinéma de Gaspar Noé et dans son approche de la mort. Après lui avoir craché au visage (Carne et Seul contre tous), lui avoir tourné le dos (Irréversible et sa narration à rebours) et l’avoir mis entre parenthèses pour mieux jouer avec elle et la voir affronter sa petite sœur, l’orgasme (Enter the Void, Love et Climax), le trublion à la moustache pose enfin son cul dans un fauteuil pour regarder la Grande Faucheuse droit dans les yeux et en sirotant une infusion que l’on devine amère.
Usant du split-screen pour isoler ses protagonistes dans des cadres dédiés, les faire évoluer en parallèle ou bien exacerber des champs et contre-champs aux axes très sensiblement décalés, soulignant chaque coupe par un bref écran noir et alternant les temporalités en opposant plans séquences et ellipses brutales, Noé fait une fois de plus démonstration de sa maîtrise formelle inouïe. Toutefois, il tempère ses artifices par des choix qui renforcent sa sincérité. Vortex s’ouvre par un bref moment d’accalmie et d’harmonie dans le couple puis enchaîne sur une chanson de Françoise Hardy, « Mon amie la rose », soulignant le caractère éphémère est précieux de la vie. Malgré son réalisme affiché, Vortex est avant tout un poème. Une intention renforcée par le titre, bien sûr, mais aussi par les dernières minutes, fantomatiques et spirituelles et qui renvoient avec une maturité saisissante à l’errance de l’âme du « héros » d’Enter the Void.
Provoquée par un script limité à sa plus simple expression et la participation de nombreux amis et amateurs, l’improvisation permanente des interprètes principaux renforce le naturalisme des scènes et fait naître l’émotion par petites touches. Les hésitations d’Argento (qui se met pourtant à nu de la plus belle des façons et prend de grands risques), le jeu parfois assez maniéré d’Alex Lutz à contre-emploi ou le rapport dévorant à la cinéphilie en rebuteront sûrement beaucoup, ce que confirme l’échec du film en salles, mais Vortex réussit néanmoins son étrange pari et nous abandonne dans un état contradictoire, exsangue et serein dans un même mouvement, gracieux et chaotique.
Image
Tournage en numérique oblige, un bruit vidéo vient marquer les scènes nocturnes, le plus souvent captées en lumière naturelle. Des imperfections voulues et assumées et restituées sans impact sur la définition ou la compression. Le plan final, aérien et majestueux, justifie amplement la satisfaction apportée par ce transfert solide.
Son
Misant tout sur l’atmosphère et la clarté des dialogues, qu’ils soient murmurés ou pas, le mixage prend aux tripes avec des basses et des infrabasses qui peuvent remuer et surprendre. Organique est le qualificatif qui vient en premier à l’esprit.
Interactivité
C’est une petite déception. Si elle prolonge l’expérience, les scènes coupées n’ont aucun impact significatif et éclairent bien peu sur le processus de montage. Quant à l’entretien entre Gaspar Noé et Dario Argento, il est malheureusement aussi court que laborieux, malgré quelques pépites cinéphiles extraites au forceps du maestro italien. Un ensemble cohérent mais malheureusement assez chiche.
Liste des bonus
2 scènes coupées / Entretien avec Gaspar Noé et Dario Argento (12 minutes).