VIRGIN SUICIDES
États-Unis – 1999
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Sofia Coppola
Acteurs : James Wood, Kathleen Turner, Kirsten Dunst, Michael Paré, Scott Glenn, Danny DeVito, A.J. Cook, Hanna Hall, Josh Hartnett, Chelse Swain, Hayden Christensen
Musique : Air
Image : 1.66 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 5.1 & 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 97 minutes
Éditeur : Pathé
Date de sortie : 16 août 2023
LE PITCH
Dans une ville américaine tranquille et puritaine des années soixante-dix, Cecilia Lisbon, treize ans, tente de se suicider. Elle a quatre soeurs, de jolies adolescentes. Cet incident éclaire d’un jour nouveau le mode de vie de toute la famille. L’histoire, relatée par l’intermédiaire de la vision des garçons du voisinage, obsédés par ces soeurs mystérieuses, dépeint avec cynisme la vie adolescente. Petit à petit, la famille se referme et les filles reçoivent rapidement l’interdiction de sortir. Alors que la situation s’enlise, les garçons envisagent de secourir les filles.
La part des anges
Déjà actrice, scénariste, productrice, photographe, Sofia Coppola passait à la réalisation en 1999 avec Virgin Suicides. Attendue au tournant, la « fille de » prouvera avec délicatesse, mélancolie et énormément de justesse qu’elle avait clairement l’étoffe d’une vraie cinéaste.
Une image semble encore et toujours habiter toute la filmographie de Sofia Coppola. Celle de Kirsten Dunst, son visage en surimpression sur un ciel fantomatique, adressant, espiègle, un clin d’œil au spectateur, une étoile esquissée venant l’appuyer. L’adolescence qui s’échappe, la féminité qui s’éveille, et déjà une forme d’inaccessibilité ou perce l’ennui. C’est presque la première image de Virgin Suicides, adaptation du roman de Jeffrey Eugenides dont elle a des plus naturellement creusée le point de vue féminin tout en laissant de coté les débordements et les réflexions les plus sombres. Les quatre témoins masculins, quatre adolescents dont on comprend l’obsession perpétué jusqu’à l’âge adulte, Sofia Coppola les laissent en périphérie. Des narrateurs perdus, souvent bêtas et plus que maladroits, quettant le moindre signe de ces cinq sœurs fascinantes, mystérieuses et séduisantes qui de par leur blondeur et leur pureté apparentes, cristallisent pour eux ce fameux « mystère féminin ». Un portrait élégiaque qui ne fait aucun mystère sur leur destin funeste, mais où il semble surtout évident que personne n’arrive véritablement à définir les sœurs, à s’approcher de qui elles sont vraiment : fantasme évanescent, sujet en or pour une journaliste de télévision, projections sexuelles pour les ados en effervescence, victimes de jugements divers et variés pour les voisins, les psychologues, le prêtre de la famille, de jalousie et de craintes pour une mère réac et maltraitante…
Créatures diaphanes
Le portrait des sœurs ne s’écrit brillamment que par leur absence, par les contours que les autres dessinent et par le profond ennui qu’elle laisse transparaitre. La tragédie de Virgin Suicides, au-delà de leurs suicides annoncés comme seule évasion possible à un foyer construit dans la répression morale et sexuelle, est justement cette totale incompréhension du monde de ce qu’est profondément une adolescente, une jeune femme, et ce que signifie cette incroyable transformation chez elles. S’inspirant très fortement, et ouvertement, du Pique-nique à Hanging Rock de Peter Weir, la réalisatrice fait de l’Amérique des années 70, un univers moins nostalgique qu’onirique, à la lisière du cauchemar nourri de forces brutes et d’errances existentielles et atemporelles. Une imagerie parfaitement comprise par le jeune groupe frenchy Air, capturant par nappes planantes, parfois pétillantes, parfois inquiétantes, cette émulsions des sentiments. Elle est aussi admirablement porté par un casting de haute volée où les « vétéran » solides (James Wood, Kathleen Turner, mais aussi Danny DeVito ou Scott Glenn en apparitions) s’effacent avec élégance devant les interprètes plus jeunes, souvent débutants comme Hayden Christensen, futur Darth Vader de George Lucas, déjà éclatants comme Josh Hartnett en séducteur pathétique et bien entendu Kirsten Dunst, bêcheuse sentimentale et paumée qui en aurait fait rêver plus d’un.
Image
Un peu plus de dix ans après la précédente sortie Bluray chez Pathé, Virgin Suicides renait enfin sous la forme d’une tout nouvelle restauration 4K. Un nouveau scan des négatifs 35mm et un nettoyage minutieux mais respectueux ont permi de véritablement permettre une redécouverte du film. Même si le précédent master était honorable, cette copie UHD délaisse la restitution floconneuse pour offrir des cadres étonnements nets, précis et profonds, mais où le grain très présent et naturel garde toute sa fermeté. Les plans à contre-jours, les inserts comme sortis d’un film de famille et les textures nostalgiques s’incarnent à merveille ici.
Son
Nouvelle prestation là aussi pour le mixage original 5.1 dont la restitution est certes moins spectaculaire que celle de l’image, mais qui affirme tout de même un joli petit gain dans la clarté de la restitution et l’ouverture des canaux. Une bande sonore plus enivrante et planante que jamais, rêve légèrement assourdi où surnage forcément la bande sonore inoubliable d’Air.
Interactivité
Une édition combo UHD / Bluray qui reprend très logiquement le petit making of d’origine, certes aujourd’hui vieillissant dans son image mais toujours aussi chaleureux et complet sur l’origines du film, le regard qu’il apporte sur le tournage et la relation de Sofia Coppola avec ses acteurs, tout cela sous le regard bienveillant du paternel. Ce dernier est désormais complété par un sujet rétrospectif tourné par Criterion en 2018 où on retrouve la réalisatrice, le chef opérateur Ed Lachman et les acteurs Kirsten Dunst et Jash Hartnett qui se remémorent avec plaisir l’expérience, mais aussi leur état d’esprit de l’époque en particulier pour les trois plus jeunes et presque débutants, encore proches de leur adolescence.
Moins indispensable, le sujet réservé à Tavi Gevinson, blogueuse tendance qui créa son site Rookie, fortement influencée par Virgin Suicides ne parlera pas forcément à grand monde. La rencontre inédite avec Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin, soit Air, semble bien entendu bien plus pertinente puisqu’elle raconte autant la collaboration très libre du groupe avec la réalisatrice et la création et la réception de l’album éponyme.
Dommage cependant de ne pas retrouver ici le court métrage Lick The Star présent chez Criterion et beaucoup plus bizarrement le clip de Playground Love réalisé par Sofia et Roman Coppola.
Liste des bonus
Making of (23’), « Soundtrack by Air » : entretiens avec Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin (25’), « Revisiting The Virgin Suicides » : entretiens avec Sofia Coppola, Kirsten Dunst, Josh Hartnett et Ed Lachman (26’), « Strange Magic » : analyse du film par Tavi Gevinson (13’).