VIOLENT PANIC : THE BIG CRASH & SHOGUN’S SAMURAI
暴走パニック 大激突 , 柳生一族の陰謀 – Japon – 1976 / 1978
Support : Bluray
Genre : Policier, Aventure
Réalisateur : Kinji Fukasaku
Acteurs : Tsunehiko Watase, Miki Sugimoto, Yayoi Watanabe, Kinnosuke Nakamura, Sonny Chiba, Hiroki Matsukata, Toshiro Mifune, …
Musique : Toshiaki Tsushima
Durée : 84 et 130 minutes
Image : 2.39 16/9
Son : Japonais DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Editeur : Roboto Films
Date de sortie : 30 avril 2024
LE PITCH
Takashi et Mitsuo sont braqueurs de banque. Ils préparent un dernier coup avant de s’enfuir au Brésil. Mais la police les guette, Takashi croise la belle Miki, et les choses ne tourneront pas comme prévu.
Le shogun Hidetada est retrouvé mort, empoisonné. Ses fils, Iemitsu et Tadanaga, se livrent une guerre de succession acharnée. Le shogunat est en jeu, et le mentor d’Iemitsu est prêt à tout pour assurer la succession de son seigneur. Autour d’eux, le Japon se divise plus que jamais entre ralliements et trahisons.
Double face
L’arrivée d’un nouvel éditeur en France provoque toujours de la curiosité.
Mais quand celui-ci tape fort, très fort même pour son coup d’envoi, ça force la curiosité. Prenant le créneau du cinéma japonais, Roboto films met direct les mains dans le cambouis, pour exhumer deux films du cinéaste aussi culte que borderline : Kinji Fukasaku. Et lorsque l’on voit la qualité des produits sortis, ça force le respect.
Non, Kinji Fukasaku n’a pas réalisé que Battle Royale (il est toujours bon de le rappeler). Le monsieur a un pedigree à faire pâlir bon nombre de metteurs en scène. Combat sans code d’honneur, Le cimetière de la morale, Guerre des gangs à Okinawa et j’en passe. Tout cela sent bon l’époque bénie où l’éditeur Wild Side nous faisait découvrir tout un pan de la carrière du cinéaste. Depuis… plus rien ou presque. C’est sur ce créneau que Roboto Films lance sa première salve de titres. L’éditeur est un fan et ça se voit. Au-delà du packaging et de l’interactivité que nous verrons dans la section qui leur est consacrée, il nous offre la possibilité de plonger dans deux genres que le metteur en scène affectionne particulièrement. Le polar avec Violent Panic : The big Crash (disponible ici en première mondiale sur support HD) et Shogun Samurai, qui était sorti au sein d’un coffret dvd consacré à Sonny Chiba par HK en 2007. Deux films produits par la Toei. Deux occasions de (re-)découvrir un auteur essentiel du cinéma nippon.
Polar Sushi
Kenji Fukasaku a cette réputation de chien fou. Il n’en fait qu’à sa tête et ça lui réussit plutôt bien. Après avoir œuvré dans les polars précités, il a prouvé à sa manière qu’il savait gérer le chaos des films de yakuza. Violent Panic : The Big Crash est son baroud d’honneur au genre, sa réponse à Bonnie & Clyde et Bullit. Mais son duo en cavale mâtiné de poursuites de voitures porte bien la patte du cinéaste japonais. Nous ne sommes pas dans du policier classique. Le film peut s’apparenter aux polars 70’s italiens ; mais nous sommes bien au Japon. Celui du chaos, d’un pays qui ne sait plus où regarder, d’une société qui perd pied. Tout est noir, l’humeur ambiante est au nihilisme. Fukasaku est engagé, il ne mâche pas ses mots. A l’instar d’un Nagisa Oshima ou d’un Shoei Imamura auxquels il est certainement plus proche, il représente cette nouvelle vague de cinéastes qui se démarque des productions bien pensantes. Ce n’est pas pour rien qu’il fait dire à l’un de ses personnages que « le monde est chiant à mourir » ; un univers qu’il dynamite de l’intérieur. Caméra portée, montage frénétique, il plonge le spectateur au cœur de l’action et de la perversité d’un pays. La violence s’accompagne de sexualité décadente où Miki Sugimoto nous rappelle ses prestations dans les Menottes rouges. Elle est accompagnée de gueules comme Tsunehiko Watase et de l’acteur aux centaines de films Yayoi Watanabe. Cette société perdue se retrouve dans une course poursuite finale où tout le monde poursuit tout le monde dans un chaos représentatif des frontières brisées du bien et du mal. Les voitures tournent en rond, on ne sait plus qui est qui, Fukasaku s’amuse dans sa dénonciation à peine cachée du monde où les luttes de pouvoir ont la part belle.
Ce sera encore plus flagrant avec le film suivant : Shogun’s Samurai.
Intrigues de palais
L’histoire prend place au cœur du Shogunat où le maître des lieux est assassiné. La succession conflictuelle doit se dérouler, mais l’heureux élu n’est pas encore désigné. Complots, associations, trahisons, intérêts personnels, tout entre en jeu comme en politique moderne. Pour sa transition vers le Jidai-eiga, Fukasaku ne change pas son fusil d’épaule en termes de discours, contrairement à sa mise en scène. Si celle-ci est reconnaissable dès que l’action rentre en jeu avec son sens du décadrage et sa frénésie du montage, le réalisateur s’adapte à son sujet montrant par la même occasion son appropriation du genre. Il fait passer la dramaturgie avant sa mise en scène. Il faut dire qu’avec l’ampleur des moyens mis à sa disposition et l’explosion de son budget, il est forcément moins expérimental. Et ça lui va bien. Il fait du cinémascope un usage judicieux en rendant grandioses ses paysages pour les extérieurs. Il étudie ses cadrages éloignant d’un bout à l’autre ses acteurs au sein du même cadre lors des confrontations verbales en intérieur. Il les isole avec la même distance que leurs avis divergent. A l’instar des films catastrophes américains, il s’entoure du gratin de stars de l’époque. Hormis l’acteur des Street Fighter, Sonny Chiba (non crédité au scénario), le casting s’étoffe de Kinnosuke Nakamura (Contes cruels du Bushido), Tetsuro Tanba (Harakiri) ou l’iconique Toshiro Mifune qu’on ne présente plus. Tout ce beau monde se retrouve dans une histoire fort complexe qui risque de laisser sur le carreau pas mal de monde en manque de concentration. Ceci dit, le metteur en scène semble nous prévenir dès son préambule en nous présentant les enjeux et une foule de personnages dans la même séquence. Si l’ensemble peut sembler confus pour le spectateur non averti, nous sommes embarqués par la beauté plastique et l’énergie que déploie le film. Il peut trôner sans complexe aux cotés des classiques d’Akira Kurosawa et d’Hideo Gosha. Le spectateur ne s’y trompera pas en encensant le film par des millions de yens. Forcément, le succès engendrera une série TV et relancera le genre.
L’héritage de Kenji Fukasaku perdure, le pouvoir et la domination décadente seront toujours au goût du jour. A l’instar des Bava (Mario et Lamberto) le fiston Kenta a pris la relève de papa (avec le navet Battle Royale 2), le panache en moins. Pour ceux qui veulent revoir les bases, voici deux belles éditions à ne pas manquer qui trôneront fièrement sur vos étagères.
Image
Les films de la Toei s’offrent ici deux belles copies. Violent Panic s’accompagne d’un piqué réjouissant où la pellicule garde ses contrastes et une excellente gestion des nuances. Même la séquence finale à la frénésie chaotique assure totalement le spectacle. Shogun’s Samurai bénéficie d’un transfert 4k. La pellicule est nettoyée de fond en comble et est immaculée de toutes griffures passées. Néanmoins certains plans larges ont tendance à devenir flous sur les côtés du cadre.
Son
Violent Panic possède une spatialisation très dynamique pour un film de cette époque. Il n’y a qu’à écouter la poursuite finale pour s’en convaincre. Idem pour Shogun’s Samourai, brillant dans les détails et puissant dans les combats.
Interactivité
Il est dur d’imaginer que les deux premiers films sortis par le nouveau venu Roboto Films sont un coup d’essai. Les coffrets sont une leçon balancée aux majors de plus en plus minimalistes dans les éditions.
Accompagné chacun d’un livret richement documenté par des spécialistes du genre et de Fukasaku en particulier, les films savent s’agrémenter de bonus passionnants et passionnés. Un entretien en deux parties avec Jean-François Rauger, (directeur de la programmation à la Cinémathèque de Paris) qui commente la carrière de Kinji Fukasaku. De sa jeunesse en période de guerre à ses idéaux politiques, une excellente approche pour appréhender ses films. Violent Panic se complète par une intervention du journaliste Stéphane du Mesnildot qui prolonge l’analyse sur l’importance du polar chez le cinéaste et le parallèle entre le passif répressif du Japon et de l’Italie. C’est l’auteur du livre « Un cinéaste critique dans le chaos du XXe siècle » Olivier Hadouchi qui prend en charge l’interactivité sur Shogun’s Samourai. Spécialiste du cinéaste, nous retrouvons dans son analyse les points communs dans l’approche de ces films de Yakuza et de chanbara. Les luttes de pouvoir et les enjeux politiques se masquant derrière ces personnages sont toujours les mêmes.
Enfin, outre les bandes-annonces de l’éditeur, il est toujours agréable pour nos yeux de retrouver des menus animés et des digibook sérigraphiés.
Liste des bonus
The big Crash : Entretien avec Jean-François Rauger, directeur de la programmation à la Cinémathèque de Paris (1ère partie), (17’), Entretien avec Stéphane du Mesnildot, journaliste, Auteur et expert du cinéma asiatique (15’), Bande-annonce exclusive Roboto (1’)
Shogun’s Samourai : Entretien avec Jean-François Rauger, directeur de la programmation à la Cinémathèque de Paris (2nde partie) (18’), Entretien avec Olivier Hadouchi, Auteur de « Un cinéaste critique dans le chaos du XXe siècle », Bande annonce originale (4’), Nouvelle bande-annonce exclusive Roboto (1’).