UNE VRAIE JEUNE FILLE
France – 1976
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Catherine Breillat
Acteurs : Charlotte Alexandra, Hiram Keller, Rita Maiden, Bruno Balp, Georges Guéret, Shirley Stoler…
Musique : Mort Shuman
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Aucun
Durée : 93 minutes
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 juin 2024
LE PITCH
Août 1963 – Alice Bonnard, quinze ans, lycéenne dans un internat, doit passer les vacances d’été chez ses parents, occupant une ferme dans les Landes. Entre une mère acariâtre et un père rustre, la jeune fille s’évade par le biais d’un journal intime. Elle y expose ses problèmes liés à la puberté, ses troubles conduisant à une sexualité déviante. L’arrivée de Jim, embauché dans la scierie du père d’Alice, va l’entraîner dans des fantasmes inavouables.
Éclosions
Adapté du quatrième romande Catherine Breillat, Le Soupirail, Une Vraie jeune fille devait marquer la naissance d’une cinéaste anticonformiste et l’ouverture à un regard féminin trop souvent dissimulé. Il faudra pourtant attendre plus de 20 ans pour que ce dernier ne sorte en salles et ne livre toutes ses clefs.
Comme un fantasme de cinéphile, un film inédit, interdit, bloqué pour d’intriguantes raisons de droits et de censure, sans doute trop sulfureux même en provenance d’une personnalité comme Catherine Breillat. Il faut reconnaitre que dans une période du cinéma français où le cinéma d’érotique était en plein ébullition, avec la forte montée du porno-soft, le regard porté sur la figure adolescente, et surtout la découverte de sa véritable sexualité, avait de quoi surprendre les spectateurs biberonnés aux esthétiques douçâtres (et douteuses) de David Hamilton ou effusions lisses, voir antiseptiques, d’un Emmanuelle de Just Jaeckin. Des visions d’hommes, porteuses de leurs fantasmes idéalisés, peuplées de corps parfaits, propres et offerts sans autre épaisseurs que celle que leurs partenaires veulent bien leur donner. Produit un peu naïvement par Guy Azzi (Le Cri du coeur) dans l’espoir d’une nouvelle sensation de ce type, Une vraie jeune fille va bien entendu à contre-courant. Semi autobiographique, mais surtout nourri des frustrations et des véritables poids ressentis par Breillat tout au long de son adolescence, le film embrasse totalement l’écriture fortement métaphorique et terriblement crue à la fois du quatrième roman de son autrice, offrant le portrait sans fard d’une adolescente, qui aurait préféré la mer et qui meurt d’ennui dans la campagne française des années 60.
Sous le soleil (juste en dessous)
Une atmosphère asphyxiante, une famille franchement beauf, un village qui la scrute comme une créature étrange, indécente certainement, des hommes qui s’attardent sur cette gamine au corps presque trop développé et dont elle ne sait pas toujours quoi faire… Alice erre, traverse l’espace, au naturalisme qui verse vers le sordide (la plage recouverte de détritus et de cadavres de chiens…), et s’efforce d’échapper à la honte d’être simplement une adolescente, une femme en devenir. Se réapproprier ses envies, ses désirs, ses erreurs, ses fantasmes, ses questionnements et surtout ce corps, transformé, incommodant, terre étrange à explorer, à fouiller et à goûter. Un corps, un vrai, qui exsude d’humeurs et de sécrétions (vomi, pisse, cérumen, cyprine, sang…), pas toujours propres, pas toujours beau, même dans les scènes de franche nudité. Pas grand-chose d’érotique ici, la sensualité est systématiquement détournée vers le trivial, le ridicule, le pragmatique (cette fameuse pilule qu’on ne trouve qu’en Suisse), et les exhibitions d’Alice, faire du vélo les fesses à l’air comme dans un Tinto Brass, sont plus maladroites qu’autres-choses. Un regard cru mais littéraire qui, comme le dit la protagoniste, « n’a pas peur du symbolique » porté par cet aspect rentre-dedans des premiers films qui ne s’embarrassent pas de la bienséance, de la forme parfaite, d’une direction d’acteurs rigoureuse ou d’une structure aimable.
Le film ne manque pas de défauts, mais reste inévitablement intriguant, marquant, habité par la beauté sauvage de l’étonnante Charlotte Alexandra, découverte dans le Contes immoraux de Borowczyk, qui en passera par un Good-Bye, Emmanuelle avant d’aller refaire sa carrière en Angleterre sous le nom de Charlotte Seeley. Trajectoire étonnante pour un film qui ne l’est pas moins.
Image
Le Chat qui fume entreprend de réunir tous les films de Catherine Breillat dans une même collection (avec au passage un habillage aussi simple qu’élégant) et de leur offrir de nouvelles restaurations dans la foulée. Premier dans tous les sens du terme, Une Vraie jeune fille prouve une nouvelle fois le sérieux à toute épreuve de l’éditeur qui lui a ainsi offert un scan 4K des négatifs suivi d’un nettoyage éprouvé des cadres et un réétalonnage de belle envergure. Si forcément par ses origines assez modestes, la persistance de plans plus abimés ou zoomés éclatant le grain, l’image ne peut être parfaite, s restitution est exemplaire, avec une solidité admirable, des couleurs éclatantes et un grain naturel et organique.
Son
Essentiellement postsynchronisé à l’époque pour des raisons techniques, Une Vraie jeune fille est ici accompagnée par une piste sonore DTS HD Master Audio 2.0 qui reste au plus proches des volontés initiales. La restitution est sobre et frontale, mais bien entendu toujours claire et aussi équilibrée que possible.
Interactivité
Proposé dans un simple boitier scanavo mais avec une petit surjaquette sur la tranche qui retirée laisse apparaitre une jaquette sans écriture, Une Vraie jeune fille ouvre donc la collection dédiée à l’œuvre de Catherine Breillat. Une bonne entrée en matière avec son petit livrets très joliment rempli par l’analyse signée Murielle Joudet (Le Monde). Les réflexions sur la figure féminine, l’affirmation du corps et l’éclosion du style de la cinéaste sont repris dans la très enthousiaste présentation signée Philippe Rouyer (Positif) multipliant les liens avec les autres films de la réalisatrice, et creusant constamment les particularités du film pour mieux en souligner la singularité. Le disque contient aussi une toute nouvelle interview de Catherine Breillat qui avec son franc-parler habituel et une grande lucidité revient sur le parcours compliqué de cette première réalisation et plus généralement sur le regard porté dans les années 70 sur une aspirante réalisatrice dans un milieu nourri de misogynie ordinaire.
Liste des bonus
« Une vraie jeune fille » par Murielle Joudet (8 pages), « Une vraie jeune fille » par Catherine Breillat (33’), « Une vraie jeune fille » par Philippe Rouyer (39’).