UNE VIE DIFFICILE
Una vita difficile – Italie – 1961
Support : Bluray
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Dino Risi
Acteurs : Claudio Gora, Alberto Sordi, Lea Massari, Franco Fabrizzi
Musique : Carlo Savina
Image : 1.85 16/9
Son : Italien DTS HD Master Audio mono
Sous-titres : Français
Durée : 119 minutes
Éditeur : Studio Canal
Date de sortie : 23 novembre 2022
LE PITCH
Vingt années de la vie de Silvio Magnozzi, depuis la Seconde Guerre mondiale où il officie comme journaliste aux côtés de partisans jusqu’au Boom économique qui enivre toute l’Italie du début des années 1960. Les idéaux de cet homme qui se veut incorruptible sauront-ils résister au vent matérialiste qui souffle alors et à sa femme Elena qui semble plutôt vouloir profiter pleinement de la dolce vita.
Pauvres mais dignes
Encore assez méconnu de nos jours, Une Vie difficile représente pourtant un moment majeur dans la filmographie de Dino Risi, un tournant qui annonçait ses futurs chefs d’œuvre de la comédie à l’italienne que seront Le Fanfaron et Les Monstres notamment. Cette sublime édition de la collection Make my day nous permet donc de redécouvrir dans une superbe version HD ce que Jean-Baptiste Thoret considère comme « l’un des plus beaux films du monde »… tout simplement !
Lorsque Dino Risi s’attaque à Une Vie difficile en 1961, le cinéaste milanais a déjà derrière lui une belle carrière auréolée d’une dizaine de films, des comédies « optimistes » souvent classées dans le courant du « néoréalisme rose ». Parmi ces films, on retrouve par exemple la trilogie légère et à succès Pauvre mais beaux, Beaux mais pauvres et Pauvres millionnaires.
Mais ici, Risi change de braquet et insinue dans son œuvre la verve, l’ironie mordante et le goût de la satire qui demeureront sa marque de fabrique. Avec l’apport de l’ancien résistant Rodolfo Sonego au scénario, le film se veut à la fois fresque historique retraçant les soubresauts de l’Italie de 1943 à 1960 (résistance, chute du fascisme, instauration de la République, le miracle économique…), ainsi que la chronique d’un couple magnifique porté par un Alberto Sordi engagé et exalté, et une Lea Masari ne supportant pas que les idéaux de son mari les obligent à une vie de misère, sans compromissions.
Alors que dans Nous nous sommes tant aimés (qui peut être vu comme une sorte de remake, un jumeau du film de Risi), Scola pouvait dire « nous voulions changer le monde, mais c’est le monde qui nous a changés. », Sordi au contraire refuse de perdre sa dignité en suivant le train en marche, de se conformer à ce nouveau monde qui ne lui rappelle que l’ancien, où les vaincus de la Guerre (monarchistes, fascistes…) reprennent finalement le leadership via la politique et l’industrie. Une analyse finalement très proche de celle de Pasolini qui voyait dans le Boom économique et la société de consommation l’apparition d’un néo-fascisme…
Alberto Sordi ou l’italien « modèle »
Longtemps boudé en France, sorti en 1977, notamment pour son aspect italo-italien, Une Vie difficile se révèle être une des comédies les plus amères de Risi, toujours prêt à jeter son regard cruel sur ses contemporains. Qui de mieux qu’Alberto Sordi, l’homme aux mille visages qui ne cessa d’incarner l’italien moyen durant sa carrière, pour incarner ce Silvio idéaliste mais lâche, irresponsable qui ne sait ni s’empêcher ni se conformer. Il trouve ici sans doute l’un de ses plus beaux rôles à la lisière du dramatique, et on ne cesse de s’émerveiller de son talent, de cette manière indescriptible de faire passer les émotions.
Comédie amère et désespérée s’il en est (le « happy-end » n’en est pas un, une fois sa revanche accomplie et sa dignité retrouvée, Sivio et Elena en un instant retournent à leur vie de misère), le quatorzième film de Risi est également une œuvre politique à ranger près de celles de Petri ou Damiani. L’ancien psychiatre délivre ici une radiographie de la société italienne, avec inserts d’image d’archives, parfaitement lucide : la pauvreté, l’évolution de la place de la femme, les prisons, l’apparition d’une nouvelle classe dirigeante… A ce titre, le personnage d’industriel « premier en tout » et préoccupé de politique joué par Claudio Gora semble anticiper Silvio Berlusconi… Une vision habituelle chez Risi qu’on retrouve par exemple dans Au nom du peuple italien, nouvelle farce au vitriol, avec un Gassman en industriel omnipotent.
Durant près de deux heures, les scènes cultes s’accumulent (le repas chez les royalistes, Silvio à Cineccità, la rencontre de Silvio et Elena, l’examen d’architecture…), Sordi en fait des tonnes, nous fait rire et pleurer, et Risi nous plonge dans peut-être son meilleur film, où tout le carburant qu’il utilisera pour ses prochaines réalisations est déjà présent.
Image
Restauré et scanné en 4K par l’institut Luce à partir du négatif original, le film s’offre sa première version HD et c’est un régal. Image stable, définition impeccable, défauts disparus ainsi qu’une tonalité plus claire tout en gardant une belle définition et un grain appréciable. Autant vous prévenir que l’édition DVD de 2007 peut céder sa place désormais…
Son
Également restauré ce Master audio 2,0 DTS HD est de très bonne qualité. Les dialogues sont clairs, la musique de Savina est bien rendue grâce à un mixage bien équilibré. A noter que comme en 2007, l’édition ne comprend pas de Vf.
Interactivité
Pour ce quatrième Hors-Série de la collection Make my day, Studio Canal a fait fort avec une édition très complète qui la rend indispensable. Le packaging, dont l’imagerie s’avère sage pour une fois, délivre deux blu-rays et près de 4h de bonus !
Jean-Baptiste Thoret donne évidemment de sa persone avec son habituelle préface et une analyse de séquences. Il rappelle que la carrière de Sordi constitue « une sorte de biographie sociale de l’italien » et souligne la force du montage et « ses contrastes violents ». Les interventions de Bernard Benoliel et de Jean A.Gili sont passionnantes. Le directeur de l’activité culturelle de La cinémathèque française rappelle la sortie tardive du film en France (suite au succès de Parfum de femme en 1976, qui souleva le voile sur la carrière antérieure de Risi) ainsi que l’influence de la sortie de La dolce vita de Fellini en 1960 qui changea le cinéma italien d’alors. De son côté l’historien du cinéma italien évoque les caractéristiques de la comédie à l’italienne, le génie de Sordi et son admiration de Risi.
Enfin, cerise sur le gâteau, on retrouve six courts-métrages de Dino Risi, véritables documents historiques restés inédits en France jusqu’alors. Certains s’avèrent plutôt être des documentaires, alors que d’autres comme Verso la vita et Tigullio minore convoquent le néoréalisme.
Liste des bonus
Préface de Jean-Baptiste Thoret (9′), Une vie difficile revu par Bernard Benoliel (55′), Dino Risi et la comédie italienne par Jean-A. Gili (69′), analyse de séquences par Jean-Baptiste Thoret (24′). Courts-métrages de Dino Risi : Verso la vita (1946, 12′), Tigullio minore (1947, 9′), La provincia dei sette laghi (1948, 9′), 1848 (1949, 11′), La miniera di luce (1950, 12′), Come nasce il kilowattora (22′).