UNE FEMME INDONÉSIENNE
Nana – Indonésie – 2022
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Kamila Andini
Acteurs : Happy Salma, Laura Basuki, Ibnu Jamil, Arswendy Bening Swara, Rieke Diah Pitaloka…
Musique : Ricky Lionardi
Durée : 103 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Indonésien DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Spectrum films
Date de sortie : 4 juin 2024
LE PITCH
Quinze ans après avoir été séparée de son mari, Nana a refait sa vie auprès d’un homme riche qui la gâte autant qu’il la trompe. C’est pourtant sa rivale qui deviendra pour Nana l’alliée à laquelle elle confie ses secrets, passés et présents, au point d’envisager un nouvel avenir…
In the Mood for Blues
La dernière fois que nous avons entendu parler de Kamila Andini, c’était pour la sortie de son film The Seen and the Unseen déjà chez Spectrum Films. Fidèle à sa ligne éditoriale nous poussant à la découverte et encore plus aux auteurs qu’il défend, l’éditeur nous invite aujourd’hui à remettre le couvert pour Une femme Indonésienne.
Ce n’est pas tous les jours que l’on a la possibilité de s’inviter dans le cinéma indonésien. Entre guerre et régime totalitaire, le pays a traversé des traumatismes qui ont forcément mis le septième art en stand-by. Revenu timidement en début de millénaire selon la réalisatrice, peu de film arrivent à s’exporter jusque chez nous. Si les The Raid de Gareth Evans ont capté toute l’attention, les longs-métrages de la cinéaste Kamila Andini naviguent dans des eaux bien différentes, plus en phase avec son pays et son passif. Riche en non-dits, elle se permet d’aborder avec intelligence, sous couverts de traditions ancestrales, le poids du patriarcat et de la polygamie (pour les curieux, on ne peut que vous conseiller Marlina: la tueuse en quatre actes de Moly Surya pour avoir un point de vue encore plus radical sur le sujet. Film également disponible chez Spectrum Films). Sa vision ne s’arrête pas à un pamphlet féministe. Déjà parce que ça n’en est pas un, mais surtout par un discours qui se veut un témoin désabusé de son époque où nous pouvons lire en filigrane les ravages de la guerre civile et du fanatisme islamiste.
Dans le secret
Nana, l’héroïne du film, vit un peu sa vie par procuration, comme dit la chanson. Remariée à un homme aussi attentionné que polygame, elle ne cesse de voir son premier époux aimant dans des songes aussi présents que sa réalité est trompeuse. Contre toute attente, c’est auprès de la concubine de son second mari que le réconfort la cueillera. C’est effectivement à son contact que le goût à la vie reprendra son essor. Kamila Andini fait de sa mise en scène un vecteur jamais explicite sur l’interaction trouble entre ses deux personnages. Leur éveil flirte avec l’amour. Bouffée d’air pur dans une société gavée de secrets. Pour symbolisme, la protagoniste raconte qu’une femme garde ses secrets dans son chignon qu’elle porte serré. Ça l’aide sûrement à supporter les petites piques de la société à l’heure du thé. La caméra navigue en douceur dans ce monde fermé, elle se veut discrète, raffinée, elle nous charme par la beauté de ses cadrages, par ses décors grand cadre en opposition avec ses acteurs souvent filmés face caméra. La cinéaste use de toute la grammaire cinématographique pour nous perdre dans les phantasmes de l’amour perdu de son héroïne. Déjà, sur The Seen and the Unseen où elle abordait le thème du deuil, elle planait entre le rêve et la réalité. On est obligé de penser à Wong Kar-wai avec ses ralentis et sa photo léchée, même si ici elle est moins maniérée et tape à l’œil.
Une femme indonésienne contient toute la composante du cinéma de Kamila Andini ; faire passer des sujets sensibles et personnels avec une once d’onirisme. Ainsi, les choses sont dites, les secrets sont démêlés et les cheveux enfin dénoués comme ceux de Nana enfin émancipée.
Image
La réalisatrice a fait un beau travail pictural qui se remarque avec une photo en adéquation avec la mise en scène. L’image se relève plus d’une fois d’une pureté iconographique et ce, dès le plan d’ouverture avec des détails et des contrastes de belle qualité. L’alchimie des couleurs, elle aussi est très travaillée même si on aurait préféré un master plus pimpant de ce côté-là.
Son
Si le film est intimiste, il n’en oublie pas la piste sonore. Faisant la part belle aux ambiances, Une femme Indonésienne se pare de sonorités et de musiques dépaysantes. Les canaux sont également largement utilisés pour les voix qui, si elles ne sont pas démonstratives, jouent parfaitement avec la spatialisation des enceintes.
Interactivité
La parole est donnée à Maxime Bauer, du site East Asia. Il revient forcément sur la réalisatrice mais surtout sur la condition de la femme en Indonésie et la difficulté d’évoquer en pays musulman le mouvement LGBT. Il nous rappelle avec raison les traumatismes de la guerre civile qui a ébranlé le pays permettant de mieux appréhender l’onirisme du film pour l’évacuer. S’ensuit l’interview de Kamila Andini et un making of riche en interviews avec notamment celle de l’auteur du scénario et des éléments très biographiques qu’elle y a insérés.
Comme souvent chez l’éditeur, une deuxième galette enrichit l’expérience avec un second film en guise de bonus. Celui-ci sur un sujet radicalement diffèrent (celui du wu xia pian) lorgne du côté des productions chinoises (ce n’est pas pour rien que le méchant de The Blade de Tsui Hark intervient ici comme chorégraphe). Anecdotique, The Golden Cane Warrior réalisé en 2014 offre en dépit d’une histoire assez passe partout, le plaisir d’être tourné dans de magnifiques paysages indonésiens. En dehors de cela, le film a comme principal intérêt d’être réalisé par Ifi Isfansyah. Si ce nom ne vous dit rien, il est le producteur et surtout l’époux de Kamila Andini. Le film a également droit à son making of et à sa présentation de Maxime Bauer. Des bonus de luxe pour prolonger la curiosité.
Liste des bonus
Présentation de Maxime Bauer (12’), Interview (10’), Making of (17’),Bande annonce (1’), The Golden Cane Warrior (2014, 111′), Présentation de Maxime Bauer (9′), Making of (16′), Bande annonce (1’).