UNE ÉPOQUE FORMIDABLE
France – 1991
Support : Bluray & DVD
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Gérard Jugnot
Acteurs : Gérard Jugnot, Richard Bohringer, Victoria Abril, Ticky Holgado, Roland Blanche, Chick Ortega, Zabou Breitman, Charlotte de Turckheim
Musique : Francis Cabrel
Image : 1.85 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Aucun
Durée : 96 minutes
Editeur : Rimini Editions
Date de sortie : 2 mai 2023
LE PITCH
Michel Berthier a tout pour être heureux : une femme qu’il aime, un emploi stable, le projet d’avoir un enfant. Tout s’écroule lorsqu’il est licencié. Il ne dit rien à son épouse, quitte le domicile conjugal et se retrouve à la rue. Désormais, il est SDF et ses compagnons d’infortune s’appellent Crayon, Mimosa ou Le Toubib.
« J’avais des rêves pourtant »
C’est d’une certaine façon le film de la consécration et d’une reconnaissance inespérée. Un vrai succès populaire et l’un des films français les plus plébiscité de l’année 1991 (et on ne parle même pas des diffusions télé) qui pourtant s’éloignait des comédies plus franches des débuts pour s’essayer à la comédie sociale noire à l’italienne. Mais avec Jugnot c’est toujours moins féroce que chaleureux.
Même si Gérard Jugnot reste l’un des personnages les plus appréciés du cinéma populaire français durant toutes les années 80, ses propres films n’ont pas toujours été des triomphes et lui-même reconnait avoir longtemps espéré une véritable reconnaissance du métier. Cela sera enfin chose faite avec Une époque formidable où effectivement le cinéaste change de registre, se dirigeant moins vers la farce qu’on lui connait que vers un cadre beaucoup plus dramatique et réaliste. Celui de la France toujours pas remise de la crise économique (déjà) marquée par une disparition progressive des classes moyennes (déjà). Pas franchement de quoi rire, et d’ailleurs la rapide chute de Michel Berthier, de cadre commercial à sans domicile fixe volant la nourriture à travers les fenêtres des demeures parisiennes est d’une rapidité aussi brutale que tristement crédible. Jugnot s’est toujours efforcé de documenter et de soigner les contextes de ses films, et clairement il touche ici, peut-être plus que jamais, à une réalité des plus cruelles du monde moderne en dépeignant la misère totale de la vie dans la rue, tout autant que les nombreux marchés et trafiques périphériques.
« Quelques vestes froissées »
Cependant, la force d’Une époque formidable est de refuser toute forme de misérabilisme ou de moquerie, le film observant ses personnages avec beaucoup d’humour mais aussi, et toujours, une tendresse accrocheuse et parfois même bouleversante. C’est parce que justement malgré leurs emportements hauts en couleurs, la petite troupe de gaillards qui entoure le protagoniste ressemblent à tout un chacun, dans leur médiocrité autant que dans leurs aspects les plus attachants, voir leur poésie, que le métrage provoque une sensible et constante émotion. Même si une fois encore on est très loin de la cruauté des modèles italiens (le très mignon happy end n’a rien à voir avec le cynisme d’un Marco Ferreri), Une époque formidable… donne enfin un vrai visage à ces figures pestiférées sur lesquels ont détourne constamment le regard dans la rue et rappelle que ce destin peut effectivement arriver à tous. Poursuivant un cheminement déjà bien entamé dans le très beau Tandem de Patrice Leconte, Gérard Jugnot prend définitivement ses distances avec la figure du beauf qui lui collait à la peau et aborde un jeu plus nuancé qu’autrefois, laissant le soin à ses partenaires de s’emporter dans des excès plus théâtralisés.
La distribution est d’ailleurs une nouvelle fois des plus réussies avec la participation de Victoria Abril (toujours en compagne plus que charmante), les apparitions de Charlotte de Turkheim (étonnamment convaincante en pute cradingue), Zabou Breitman, Michèle Laroque ou Chantal Ladesou et surtout les partenaires de tête que son Ticky Holgado en simplet généreux, Chick Ortega en géant sanguin et bien entendu Richard Bohringer formidable en roi de la roublardise et barde du bitume. Le très beau texte que Francis Cabrel a signé pour la chanson du générique de fin aurait d’ailleurs très bien pu venir de lui.
Image
A contrario de Pinot simple flic et Sans peur et sans reproche, Une époque formidable avait déjà connu une sortie Bluray en 2013 chez TF1. Un master convenable à l’époque mais déjà plus très frais et dont la source a manifestement été réutilisée ici. Malgré un nettoyage plus insistant et des couleurs beaucoup plus présentes, les cadres sont constamment marqués par un bruit persistant et des matières un peu grossières. Rien de bien grave, mais le film mériterait vraiment un nouveau scan et une restauration plus moderne.
Son
Malgré les quelques participations de Francis Cabrel à la musique d’ambiance, le film est quand même essentiellement tourné vers ses personnages et leurs dialogues. Quelques petits effets sonores rappellent le cadre réaliste du film (voitures, vie urbaine…) mais les échanges sont toujours clairs et avants. C’est propre et efficace.
Interactivité
Troisième titre donc, Une époque formidable reprend le principe du boitier format DVD avec jaquette réversible (même si ici la différence esthétique entre les deux est beaucoup moins marquée) et conclut dans la foulée la longue interview de « Gérard Jugnot, artisan réalisateur » qui va d’Une époque formidable jusqu’à Rose & Noir. Le chapitre le plus long forcément (plus d’une heure) où Jerome Wybon réussit à nouveau à véritablement discuter cinéma, écriture, direction d’acteurs et constructions dramatiques avec le réalisateur / acteur, qui revient même pour l’occasion sur le fameux projet Astérix refusé par Uderzo. Passionnant et franc, il faut reconnaitre que Jugnot est un très bon client comme le prouve aussi l’archive de l’émission « Profession comique » datant de 1988 où là encore le monsieur se raconte avec sincérité autour de quelques bons petits plats, évoquant longuement ses débuts avec la bande du Splendid jusqu’à ses premiers succès indépendants. De nombreuses anecdotes qui vont ravir les fans de la troupe.
Liste des bonus
Interview de Gérard Jugnot (émission « Profession comique », Archives INA, 1988, 48’), « Gérard Jugnot, artisan réalisateur – Partie 3 » (2013, 70’), Bande-annonce.