UNE ÂME PERDUE
So Evil My Love – États-Unis – 1948
Support : Bluray & DVD
Genre : Thriller, Film Noir
Réalisateur : Lewis Allen,
Acteurs : Ray Milland, Ann Todd, Geraldine Fitzgerald, Leo G. Carroll
Musique : William Alwyn
Durée : 109 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Anglais DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Rimini Editions
Date de sortie : 05 juillet 2022
LE PITCH
Londres, à la fin du XIXè siècle. Olivia Harwood rencontre le charmant Mark Bellis, qui ne tarde pas à louer une chambre dans la pension de famille que vient d’ouvrir la jeune femme. Très vite, ils deviennent amants. Mais Mark est un escroc qui pourrait l’entraîner sur la voie du chantage et du meurtre.
L’Emprise
Adapté d’un roman à succès des 30’s lui-même inspiré d’un authentique fait divers faisant acte d’amants maitres chanteurs et assassins, Une âme perdue à tout du grand film noir, mais qui reste farouchement implanté dans ses racines anglaises et victoriennes. Un drame criminel sulfureux.
Réalisateur d’un mémorable et atmosphérique The Uninvited (La Falaise mystérieuse), Lewis Allen semble quelque peu oublié aujourd’hui, éclipsé certainement par une fin de carrière s’achevant dans les tréfonds de la télévision comme beaucoup d’autre, mais la progressive redécouverte de sa filmographie n’en est que d’autant plus enthousiasmante. Etrange ici qu’un film comme So Evil My Love (titre original) n’est pas une postérité plus marquée ne serait-ce que pour la précision et l’élégance de sa tenue esthétique. Admirablement mis en valeur par le solide chef opérateur Mutz Greenbaum (Les Forbans de la nuit) et un noir et blanc particulièrement sculpté, constamment composé avec une rigueur d’enlumineur, l’objet reconstruit un contexte historique bien établie, l’ère victorienne, mais avec le maniérisme et les ténèbres du Film Noir. Dans ce décor de mélodrame où une gentille veuve retrouve l’amour dans les bras d’un charmant artiste un peu canaille, tout deux devant fait fi du carcan des bonnes mœurs de l’époque, le récit vrille immédiatement vers l’amoralité des films criminels implacables et cruel. Car le séduisant Ray Milland, alors au fait de sa gloire, s’offre avec un malin plaisir un rôle d’arnaqueur professionnel, petit truand amoral, infidèle et peintre raté, qui va user de sa séduction pour mettre l’effacée Ann Todd (formidable, entre autres, dans Le Mur du son) sous son emprise et l’amener à faire chanter le mari de l’une de ses amis d’enfance.
L’homme araignée
Un rapport de prédation, une relation trouble où le scénario a la justesse de montrer tout l’attrait et l’excitation que peut offre cette nouvelle vie de criminelle amoureuse. Des accents de mélodrame dans une atmosphère de tragédie gothique, Lewis Allen dépasse aisément les dialogues parfois trop théâtraux et une étude de caractère qui met en danger l’apparition d’un authentique suspens, pour jouer, comme dans The Uninvited, sur une construction volontairement lente, progressive, jouant sur l’attente et une ambiance générale de plus en plus étouffante qui se resserre comme un étau sur la pauvre héroïne. Une structure d’autant plus réussie et inextricable qu’un jeu constant de pouvoir se met en place entre les personnages, elle obéissant à son amant tout en manipulant sans vergogne sa meilleure amie, tandis que l’époux de celle-ci, victime de leur chantage, renversera la table en exposant des documents compromettant contre le maitre-chanteur Mark Bellis. Un slowburn comme disent les anglo-saxon, mais parfaitement allumé et constamment entretenu où le fiel distillé de scène en scène finit par prendre à la gorge devant l’engagement d’Oliva, douce ange déchue, dont on ne sait si elle ira au bout de cette spirale infernal… Et la dernière scène est plus que satisfaisante affirmant d’ailleurs cette inversion des rôles du Film Noir, faisant de cette femme jusque-là sans histoire la victime bouleversante d’un « homme fatal », irrésistiblement dangereux.
Image
Nouvelle restauration pour Une âme perdue présenté ici dans son nouveau master 2K solidement développé par Kino Lorber aux USA. On retrouve encore quelques plans légèrement flous et des transitions en fondus enchainés moins stables, mais la qualité d’image permet véritablement de redécouvrir le film dans des conditions certes pas optimales mais on ne peut plus appréciables. Les cadres sont effectivement très propres avec quelque griffures et poussières persistantes, la définition finement dessinée et les contrastes noir et blancs sont joliment négociés. Un grain organique est encore bien présent, les reflets argentiques délicats, mais quelques plans hésitent encore entre un léger flou et une patte plus floconneuse, en particulier dans les habituels plans de transitions en fondus enchainés.
Son
Rien à redire sur la piste DTS HD Master Audio 2.0 qui offre un écrin chaleureux pour le mono anglais d’origine, plus clair et équilibré que jamais. Pas de version française cependant.
Interactivité
Déjà présent sur l’édition Bluray du Salaire du diable chez le même éditeur, Florent Fourcart revient pour développer une nouvelle présentation des plus efficaces. On y discute de la carrière de Ray Milland forcément, des grandes réussites de Lewis Allen, du producteur Hal B. Wallis, mais aussi et surtout du mélange des genre, du croisement entre film noir et atmosphère victorienne, des quelques bribes de psychanalyse et des échos actuels du genre.
Liste des bonus
Interview de Florent Fourcart, spécialiste de l’Histoire au cinéma (2022, 23’05”).