UNE AFFAIRE DE FEMMES
France- 1988
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Claude Chabrol
Acteurs : Isabelle Hupper, François Cluzet, Marie Trintignant, Nils Tavernier, Lolita Chammah, Aurore Gauvin…
Musique : Matthieu Chabrol
Durée : 108 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 22 septembre 2021
LE PITCH
Par solidarité en ce début de guerre, Marie, mère de famille d’une trentaine d’années, va aider sa voisine à se débarrasser d’une grossesse non désirée. Bientôt, c’est l’engrenage. Les « services » de Marie se rétribueront et deviendront son gagne-pain. Mais, Marie, la faiseuse d’anges est dénoncée. Sous Vichy, une dénonciation équivaut à une exécution. Marie est arrêtée et condamnée.
Une affaire d’état
Il y a des périodes bien sombres dans notre histoire. Si la Seconde Guerre mondiale n’a été glorieuse pour personne, la France a dû jouer sur deux tableaux. Comme une pièce à double face elle aimerait célébrer ses héros de la résistance côté face en faisant oublier le régime de Vichy côté pile.
Chabrol, à l’instar de cette pièce, a cette faculté à courir plusieurs lièvres à la fois. Son film Une affaire de femmes en est un bon exemple. Tiré de l’histoire vraie de Marie Louise Giraud qui fut la dernière femme guillotinée en France pour avoir pratiqué des avortements illégaux, le cinéaste brosse un portrait peu glorieux de notre pays durant l’occupation allemande. Celui de l’hypocrisie, de la dénonciation et de la collaboration avec l’ennemi.
Au premier abord, l’on pourrait croire que Claude Chabrol s’éloigne de son habituel cynisme de la petite bourgeoisie. Le sujet ne s’y prête pas pourtant… Tout parle de l’élévation sociale dans ce film ; comment améliorer le quotidien en temps de guerre alors que le rationnement est de mise. La solution de Marie est dans l’opportunisme. Elle s‘improvise sage-femme, enfin, avec une spécialité en avortement. Ça lui réussit plutôt bien et surtout ça rapporte. Au plus elle ôte des vies en devenir, au plus elle agrémente son environnement de nourriture et d’espace. Non pas par conviction humaniste mais par confort personnel. Elle déménage, elle voit plus grand, plus spacieux et pourquoi ne pas sous louer une de ses nouvelles chambres pour son amie prostituée (Marie Trintignant); il n’y a pas de petits profits. D’ailleurs, Marie ne voit pas le mal, elle rend service aux enfants non désirés. Isabelle Huppert porte le film. Minéral pour les uns, théâtral pour les autres, son jeu comme son personnage semble aussi détaché et déconnecté qu’un enfant peut l’être de la réalité (elle recevra le prix de la meilleure actrice au festival de Venise). Tout irait bien dans le meilleur des mondes si son homme n’était pas revenu de la guerre. Un handicap plus qu’un avantage. Elle n’a pas d’amour, enfin plus pour lui, elle lui préfère les bras d’un autre, collabo à ses heures. Son mari survit pendant qu’elle étouffe. François Cluzet tout en sobriété bascule dans le désespoir, la jalousie, il n’en peut plus, craque et la dénonce. Elle sera jugée au nom de la France par des magistrats en retraite formant le tribunal d’Etat. Car le pays a des valeurs, il ne peut permettre une telle corruption morale dans le régime de Pétain. Quelle hypocrisie de la part d’un gouvernement qui donne des Juifs aux Boches afin de les déporter…
Collaboration
Le film aurait fait le bonheur de feu l’émission Les dossiers de l’écran tant les entrées en débats sont multiples. Claude Chabrol est investi par le sujet qui fait irrémédiablement écho en lui-même, à son vécu. Lui, fils unique de parents pharmaciens, considéré comme la petite bourgeoisie de l’époque. Ses parents aussi ont déménagé pour un appartement plus grand lorsqu’il était enfant. Son père, résistant durant la guerre, n’était pas toujours là. Et surtout, sa mère enceinte de trois mois devait avorter de lui selon l’avis des médecins. Heureusement pour le cinéma français elle prit le pari de donner la chance à la vie. Autant de points communs avec son film auraient pu l’entacher de lourdeurs. Pourtant le réalisateur sait s’effacer devant son sujet. Il ne juge pas plus qu’il ne condamne. Sa mise en scène est aussi discrète qu’implacable (regardez son commentaire en bonus pour avoir une leçon de cinéma !). Sans effet apparent il relate l’histoire réalisant son film selon les techniques de narration de l’époque des faits. Il s’entoure d’intimes pour construire son film. Ami de longue date avec Bertrand Tavernier avec qui il collabora aux Cahiers du cinéma, il engage la femme de celui-ci pour l’aider au scénario, il offre à Niels Tavernier un rôle d’importance et demande à son fils Matthieu Chabrol de mettre en musique ses images. La famille s’agrandira encore sur le plateau avec la rencontre Cluzet/Trintignant (de cette union naîtra un petit Paul). Chabrol n’en est pas non plus à sa première collaboration avec son producteur. Marin Karmitz se battra pour faire exister son film de l’autre côté de l’Atlantique. L’avortement et la peine de mort font fuir les distributeurs, mais sa patience et sa détermination lui permettront de poursuivre l’aventure via MK2cinema qu’il créera pour l’occasion. Bien lui en a pris. Le film sera aux Golden Globe et triomphera au festival de Venise.
Cette affaire de Femmes est avant tout une histoire de pays. Celui troublé par une époque obscure où son reflet dans un miroir n’est malheureusement en rien déformant. Une réalité qu’il faut savoir affronter pour ne pas oublier.
Image
Restaurée en 4K à partir du négatif, l’image perd naturellement les imperfections du master précédemment sorti en DVD. Elle y gagne naturellement en stabilité et en contraste, mais le grain très prononcé et la photographie grisâtre laisse à voir des quelques fourmillements ont la peau dure. Néanmoins la définition et la texture argentique du film sont bien à la hauteur.
Son
Les bonus sont identiques à l’édition sortie chez MK2 en 2001. A savoir plusieurs courtes présentations du film dont celle de Francis Szpiner (l’auteur du livre dont le film est tiré) qui revient sur le régime de Vichy et le rôle du tribunal à cette époque. Son intervention permet de mieux saisir les enjeux politiques derrière cette histoire. Très bonne interview de Marin Karmitz qui revient sur son chemin de croix pour faire distribuer son film à l’étranger (Dommage que le module concernant cette aventure ait disparu sur cette édition). Enfin Chabrol analyse lui-même quatre séquences du film en y expliquant ses choix de mise en scène.
Interactivité
Le film est proposé dans une édition digipack avec disque bluray, DVD et un livret d’une vingtaine de page réunissant une excellente critique signée Jean-Louis Bory datant de la sortie du film, et un récit plutôt sobre et efficace de sa production.
Sur les disques, Tamasa a produit une rencontre avec Bernard Payen, responsable de la programmation à la Cinémathèque française, qui revient sur les premières années de la carrière de Claude Sautet, son rapport difficile avec le film en question, les différents avec le roman et quelques bribes d’anecdotes connues autour d’un tournage un peu compliqué. Il en profite aussi pour analyser la mise en scène et souligner la différence avec les films français de l’époque (plus bavards) et le rapprocher parfois de ses œuvres plus personnelles à venir.
L’édition se conclue sur un extraordinaire document tourné pour l’émission Grand écran et diffusé en 1965, avec une visite très franche et assez fascinante du tournage en studio. On y reconnait le jeune assistant Yves Boisset, on profite des interviews du cinéastes, de Ventura et Silva Koscina, évoquant personnages, atmosphères et singularités.
Liste des bonus
Présentation du film par Joël Magny (2’), Commentaires de Claude Chabrol : explications sur 4 scènes du film (24’), Entretien avec Marin Karmitz, producteur du film (4’), Entretien avec Francis Szpiner, auteur du livre « Une affaire de femmes » 8’, Bande-annonce originale (1’).