UN PISTOLET POUR RINGO
Una Pistola per Ringo – Italie, Espagne – 1965
Support : Bluray & DVD
Genre : Western
Réalisateur : Duccio Tessari
Acteurs : Giuliano Gemma, Fernando Sancho, Lorella De Luca, Susan Scott, Antonio Casas, Francisco Sanz…
Musique : Ennio Morricone
Image : 2.35 16/9
Son : Italien et français LPCM 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 98 minutes
Editeur : Artus Films
Date de sortie : 02 avril 2024
LE PITCH
À la suite du hold-up d’une banque, des bandits mexicains commandés par Sancho se réfugient dans une hacienda, tenant les occupants en otage. Les notables de la ville font alors appel à Ringo pour les délivrer et régler leur compte aux bandits. Ringo va devoir user de ruse pour gagner la confiance de Sancho.
« Mon royaume pour un colt »
Pour la France, le western italien a explosé avec le Pour une poignée de dollars de Sergio Leone. Pour l’Italie, la véritable déflagration sera le beaucoup plus enjoué et « familial » Un Pistolet pour Ringo, ce qui fera au passage de Giuliano Gemma la plus grande star du genre pour nos voisins transalpins.
Dans l’absolu si Un Pistolet pour Ringo entendait bien en partie profiter un peu du premier élan de la re-visitation du genre par Sergio Leone, il s’est aussi construit partiellement en opposition. Du décorum décadent, de l’effort de déconstruction de l’école américaine, de la théâtralisation d’un décors rempli de gueules patibulaires et crasseuses et de la violence baroque, il ne reste déjà plus grand-chose ici, remplacé par un esprit déconneur, léger, sans doute bien plus proche il est vrai des attentes du public italien de l’époque. Une cible que le très efficace artisan Duccio Tessari connait à la perfection puisqu’il lui avait déjà offert un péplum particulièrement divertissant avec Les Titans, rapidement devenu un classique, où déjà trônait un débutant du nom de Giuliano Gemma. Trois ans plus tard l’opération est presque la même puisqu’il est question de s’emparer d’un genre plutôt sérieux, souvent pétrie de grandes ambitions artistiques, voire politiques, et d’en faire un pur spectacle rythmé, amusant et accessible à tous. Déjà en voit de concrétisation, Gemma (renommé Montgomery Wood sur les affiches pour faire plus crédible à l’internationale) incarne ici le parfait anti-héros, présenté dès les premières minutes comme une fine gâchette, jouant à la marelle avec les gosses du village avant de dessouder habilement quelques truands qui voulaient sa peau, jeune mercenaire insolant ne jurant que par l’argent et qui fait rapidement un détour par la case prison.
» c’est une question de principe «
C’est cependant lui qui est engagé pour aller infiltrer un gang de braqueurs, retranché dans une riche hacienda avec leurs otages (dont la jolie fiancée du shériff) et leur tendre un piège savant. Charmeur, beau parleur, charismatique, toujours aussi dynamique (il fut un excellent cascadeur), Gemma est véritablement le moteur du film, celui par qui arrivent les meilleurs dialogues, les bons mots, les castagnes ou les cabrioles les plus impressionnantes, marquant outrageusement sa différence avec le taiseux et imperturbable Clint Eastwood. Son antithèse serions-nous tentés de dire. On ne cherchera pas alors ici de grandes envolées lyriques, d’héroïsme tragique, de fatalisme poétique, puisqu’Un Pistolet pour Ringo, en insufflant des éléments de la comedia de l’arte et du burlesque, annonce déjà les futurs westerns spaghetti parodiques à venir. Heureusement, on n’est pas encore ici dans la pantalonnade, mais plutôt dans le spectacle gamin où le beau héros, malin comme un singe, mène par le bout du nez le méchant pataud joué avec outrances par Fernando Sancho (Colorado, La Nuit du massacre, Sartana…), se sort habilement de tous les dangers, sauve la fille et récupère in fine sa part du magot. Et tout cela sans pouvoir mettre la main sur une arme à feu pendant près d’une heure du métrage ! Une belle prouesse célébrée avec efficacité par Tessari qui n’affiche jamais la prétention de certains esthètes du genre, mais soigne admirablement le produit avec une réalisation sobre et propre, plutôt rythmée, bien aidé par la photographie solaire de Francisco Marin (Les Longs jours de la vengeance, Trois pour un massacre…) et bien entendu la bande sonore enlevée et épique d’Ennio Morricone, orchestrée par son associé Bruno Nicolai.
Et le succès sera tel à travers le monde, et en particulier en Italie, que les ersatz de Ringo vont éclore par dizaines au sein d’une industrie toujours prompte à la capitalisation et au sens de la copie impressionnant et faire définitivement passer Giuliano Gemma de sympathique second rôle à tête d’affiche capable de faire vendre n’importe quelle production. Quand à la vraie suite espérée des aventures de ce « gueule d’ange », elles n’arriveront jamais vraiment, Tessari préférant changer son fusil d’épaule avec le suivant Le Retour de Ringo, plus sérieux et moins mémorable.
Image
Artus Films peut se vanter de présenter ici une superbe nouvelle restauration du film effectuée à partir d’un scan 4K des négatifs 35mm. Superbe prestation qui aboutit à des cadres extrêmement propres, à une profondeur inédite et un mariage admirable entre le grain organique et les argentiques. La définition est optimale, avec un piqué des plus pointus et un effort tout particulier pour redonner vie aux sensations cinéma d’origines. La copie offre des sensations chaudes, peut-être un chouia trop parfois lorsque les effets de saturations donnent la sensation de baigner certaines séquences dans un filtre jaune un peu trop poussé.
Son
La piste originale est excellente, claire, franche et joliment équilibrée, mais on lui préfèrera pour une fois la version française, excellemment bien doublée et dotée d’une atmosphère plus truculente et chaleureuse. Dommage que quelques morceaux de dialogues, coupés pour la première exploitation du film chez nous, doivent alors laisser place à la vost.
Interactivité
Sorti dans le commerce en même temps que l’édition consacrée à l’excellent Le Dernier Jour de la colère, le digipack avec fourreau cartonné d’Un Pistolet pour Ringo intègre avec élégance la collection Western Européens d’Artus Films. Toujours un joli objet (avec reprise de l’affiche originale), que l’éditeur complète avec une nouvelle présentation du taulier Curd Ridel. Si on y passe forcément par les habituelles descriptifs des filmographies de chacun, le propos prend le temps d’évoquer la longue collaboration entre Giuliano Gemma et Duccio Tessari ainsi que le long défilé de dérivées et copies qui suivront le succès du film en Italie.
Le programme se poursuit avec une interview croisée de la star et de l’actrice Lorella De Luca, qui reviennent sur les débuts du western italien, le tournage sous la chaleur espagnole et délivrent quelques sympathiques anecdotes.
Liste des bonus
« L’Arme fatale » : Présentation du film par Curd Ridel (27’), « On l’appelle Ringo » : Entretien avec Giuliano Gemma et Lorella De Luca (20’), Diaporama d’affiches et photos (2’), Bande-annonce originale (3’).