UN PARFAIT INCONNU

A Complete Unknown – Etats-Unis – 2024
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame, Biographie
Réalisateur : James Mangold
Acteurs : Timothée Chalamet, Edward Norton, Elle Fanning, Joe Tippett, Eriko Hatsune, Peter Gray Lewis…
Musique : Bob Dylan, divers
Image : 2.39 16/9
Son : Dolby Atmos et DTS HD Master Audio 2.0 Anglais, Dolby Audio 5.1 Français, Allemand, Italien…
Sous-titres : Français, Anglais, Allemand, Italien…
Durée : 141 minutes
Editeur : 20th Century Studios
Date de sortie : 4 juin 2025
LE PITCH
New York, début des années 60. Au cœur de l’effervescente scène musicale et culturelle de l’époque, un énigmatique jeune homme de 19 ans arrive dans le West Village depuis son Minnesota natal, avec sa guitare et un talent hors normes qui changeront à jamais le cours de la musique américaine. Alors qu’il noue d’intimes relations durant son ascension vers la gloire, il finit par se sentir étouffé par le mouvement folk et, refusant d’être mis dans une case, fait un choix controversé qui aura des répercussions à l’échelle mondiale…
The Times They Are a-Changin’
Après le portrait éclaté et conceptuel signé Todd Haynes, I’m Not There où plusieurs acteurs et actrices interprétaient chacun une facette de l’artiste, Bob Dylan finit bel et bien par passer à la moulinette du biopic académique. Un exercice que ce dernier n’a surement que peu gouté, mais qui, construit par un James Mangold appliqué et sensible à l’identité du chanteur, finit par approcher une part du mystère et surtout éclairer avec chaleur et passion ses premières années d’artiste folk.
A priori tous les chanteurs, musiciens et artistes ayant marqué le 20eme siècle finiront par y passer : le fameux biopic, exercice hollywoodien par excellence (les Français les font mais en tellement pire) qui s’efforce de capturer l’essence d’une œuvre et d’une personne en deux heures à peine, mélangeant une célébration imperturbable et une tentative, souvent vaine, de découvrir l’âme de l’être humain derrière son art. D’autant plus difficile avec une personnalité comme celle de Bon Dylan, déjà bel et bien vivant, mais ayant surtout toujours cultivé sa part de mystère, n’hésitant pas à écrire et réécrire ses origines en fonctions de ses envies et de ses inspirations, changeant de visage et de style, tel Bowie, au grès des époques. Plutôt intelligent, James Mangold (que l’on préfèrera toujours du coté de Copland que de celui de son bien sage Indiana Jones) adapte le livre d’Elijah Wald, Dylan Goes Electric, qui justement se consacre uniquement à la période 60/64. Quelques années qui correspondent à son arrivée à à New York, sa rencontre avec ses premières idoles (Woody Guthrie et Pete Seeger, figures tutélaires de la folk conscientisée…), ses premières scènes, son ascension fulgurante, sa relation parfois houleuse avec la grande Joan Baez, sa prise de conscience politique auprès de son amie d’alors et progressivement de son émancipation totale qui prendra acte avec un concert mémorable sur la scène du festival de Newport. De petit génie de la folk, plébiscité pour ses textes déjà révolutionnaires et ses mélodies mémorables, Bob Dylan se transforme en nouvelle âme du rock en passant à « l’électrique » et en entonnant pour la première fois Like a Rolling Stone.
The Freewheelin’ Bob Dylan
A ce titre, le film incarné dans une reconstitution luxueuse mais d’une rare justesse, s’efforçant de retrouver les textures et les couleurs particulières d’alors (la photo est magnifique), témoigne brillamment d’un point de bascule dans l’histoire de la musique américaine et de la fougue d’une période ou créativité rimait encore avec revendications et consciences politiques. Tous les passages musicaux sont de grandes réussites (même au niveau de la qualité du son, jamais trop propre) et l’incarnation proposé par la troupe d’acteurs (d’Edward Norton particulièrement touchant de simplicité à une surprenante Monica Barbaro) trouvent une élégante justesse entre l’inévitable « imitation » et la transmission d’une silhouette, d’une certaine véracité. Très attendu au tournant Timothée Chalamet s’en sort une nouvelle fois avec talent, jouant sur quelques mimiques, sur une attitude faussement détachée, des airs suffisants et une certaine mélancolie dans le regard qui correspond parfaitement à cette idée d’un Dylan déjà prisonnier d’une certaine image et d’une gloire qu’il n’a jamais voulu. Mais surtout ce qui fait le charme particulier d’Un Parfait inconnu, c’est cette volonté de ne jamais polir le personnage, de laisser affleurer ses cotés antipathiques et égoïstes, mais aussi et surtout d’accepter de ne jamais réussir à fendre la carapace. Passant son temps, à se cacher à fuir (par la musique, par le silence ou en moto) ce Bob Dylan là sera autant un mystère de la première à la dernière image du film. Presque une ombre, mais intensément lumineuse et dont la musique et la poésie ont tout renversé sur son chemin.
Cinéaste à la forme toujours très académique finalement, James Mangold ne rechigne pas à verser dans toute la sublimation visuelle d’un bon biopic (les images sont magnifiques et les plus de deux heures passent parfaitement), classique et fermement historique, mais touche certainement par la modestie de son aveu d’impuissance. Bob Dylan est encore une fois au-dessus de tout ça.
Image
Entièrement capturé en numérique avec une source 4K, Un Parfait inconnu travaille cependant une image qui tend à se rapprocher constamment de l’esthétique filmique de son époque. Un travail de post-production avec reconstitution d’un grain, jeux de lumières et matières organiques bien présentes qui est particulièrement appréciable sur support UHD (le Bluray présent dans l’édition est de belle qualité mais moins pointu) assurant une restitution ultra précise, vibrante et naturelle. Les images sont véritablement toutes belles, reflet du travail exemplaire de James Mangold et son directeur photo Phedon Papamichael (Indiana Jones et le Cadran de la destinée, Les Sept de Chicago, Le Mans’66…).
Son
Tellement dommage que la version doublée française ne soit disponible que dans un petit Dolby Digital 5.1, soigné mais limité, quand la version originale s’étend avec naturel et énergique dans un Dolby Atmos particulièrement savoureux. L’atmosphère toute particulièrement de l’Amérique de l’époque est admirablement recomposée, les dialogues sont vifs et naturels mais ce sont surtout les nombreuses pièces musicales qui ravissent le plus avec un grain de son, des vibrations et un sentiment d’enveloppement galvanisant.
Interactivité
Le film doit se contenter d’un petit making de moins de trente minutes, compilations d’interviews gentiment promotionnelles (mais pas too much), d’images de tournages, mais où le propos s’efforce tout de même de tirer vers des questions un peu plus profondes, de la réinterprétation de ces artistes connus, le travail de reconstituions minutieux jusqu’à l’enregistrement des diverses chansons effectué avec du matériel de l’époque.
Heureusement, le commentaire audio de James Mangold permet de développer beaucoup plus ses réflexions, technique et artistique, son approche de cette époque musicale particulière et son regard sur Bob Dylan, dans sa jeunesse et plus généralement dans l’ensemble de sa carrière.
Liste des bonus
Commentaire audio de James Mangold, Making of (24’).