Après avoir exploré de nombreux genres, de la comédie sentimentale (Les Femmes des autres) au western (El Chuncho), s’est véritablement en se tournant vers le thriller et le récit policier que Damiano Damiani semble avoir véritablement trouvé pleinement sa voie. Et tout particulièrement en s’attaquant au problème de la Mafia, sujet privilégié auquel il va offrir parmi les plus belles et passionnantes réussites du genre parmi lesquelles La Mafia fait la loi, Seule contre la Mafia ou Confession d’un commissaire de police au procureur. Peut-être un peu moins réputé que ces derniers, Un Homme à genoux est pourtant lui aussi indéniablement marqué par le savoir-faire de son auteur. Renouant comme il sait si bien le faire avec les sirènes apparentes du cinéma populaire, s’assurant la participation du très plébiscité Giuliano Gemma en tête d’affiche. Empruntant quelques oripeaux aux polars urbains aux accents Poliziottesco par son réalisme et sa violence sèche, il plonge cependant le spectateur dans une enquête des plus opaques. Celle où un ancien repris de justice, désormais petit propriétaire d’un cabanon à boisson, devient sans trop savoir pourquoi la cible d’un tueur professionnel qui le suit et l’observe inlassablement à tous les coins de rues.

Résiste, prouve que tu existes !

En toile de fond l’enlèvement d’une épouse d’un avocat lié à la mafia, une liste de huit personnes qui auraient été impliquées et qu’un parrain a décidé d’éliminer « pour l’exemple ». Dans un Palerme étonnement hivernal, froid, gris, triste et même inquiétant, Damiano Damiani décrit un petit monde vicié, constamment sur la défensive, dans le secret, dans la peur de déplaire à la pieuvre pour des raisons avérées ou non. Une véritable descente aux enfers s’abat alors sur Nino (Gemma donc, particulièrement brillant), brave chef de famille qui pensaient justement en avoir fini avec le monde de la délinquance, à qui tout va peu à peu être arraché : son commerce, son honneur, son honnêteté… jusqu’à son ultime liberté. Le film montre une machine implacable, sournoise, destructrice et absurde définitivement incrustée dans l’ADN d’un décor paranoïaque à souhait. Un homme seul face à la mafia, sujet classique du policier italien de l’époque, mais avec comme autre subtilité cette relation incertaine qui se tisse entre le protagoniste et son tueur, joué par un Michele Placido (futur réalisateur de Romanzo Criminale), assez insaisissable passant de la froideur professionnelle à l’hystérie pathétique. Un jeu de miroir ambiguë et complexe qui va trouver son aboutissement dans un lent final anticlimax mais suffocant où toute la perte d’identité du peuple sicilien sous le joug de la Mafia frappe comme une évidence.

Avec sa mise en scène calme mais fiévreuse, sa mise en image aux lisières parfois du documentaire (quelques plans « volés » dans les rues) et une intensité psychologique et humaine constante, Damiano Damiani livre avec Un Homme à genoux une autre grande réussite du thriller dépressif, dénonciation frontale et engagée, mais qui se sait tristement vaine.