UN CRI DANS LA NUIT
House of Cards – Etats-Unis – 1968
Support : Bluray & DVD
Genre : Thriller
Réalisateur : John Guillermin
Acteurs : George Peppard, Inger Stevens, Orson Welles, Keith Mitchell, Perette Pradier…
Musique : Francis Lai
Durée : 105 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Editeur : Éléphant Films
Date de sortie : 6 juillet 2021
LE PITCH
Écrivain et boxeur, l’américain Reno Davis mène une vie de dilettante à Paris. L’argent venant à manquer, il accepte de devenir le tuteur d’un jeune garçon dont la mère, riche veuve excentrique, semble vivre sous la coupe d’une famille prête à tuer pour protéger ses sombres secrets…
Fluctuat Nec Mergitur
Des trois longs-métrages que George Peppard tourna sous la direction de l’anglais John Guillermin, Un cri dans l’ombre est assurément le plus siphonné du bulbe. Fantaisie pop et sexy au croisement d’Hitchcock et des premiers James Bond, le film compense un certain manque de rigueur dans sa mise en scène par une générosité tout à fait typique du réalisateur de La tour infernale et du remake de King Kong.
Paris, au petit matin. La caméra émerge des eaux troubles de la Seine. Un cadavre flotte, emporté par le courant vers l’île Saint Louis. Depuis un pont, un homme, très certainement l’assassin, contemple le résultat de son méfait avec un sourire sadique en une alternance de plans larges et de cadres plus resserrés. C’est un pêcheur qui ramène le corps sur la berge, par accident, après lui avoir planté son hameçon dans la joue. Malgré le scope et l’attrait du cadre parisien, la mise en image est crue, presque disgracieuse. Un parti pris naturaliste qui entre en collision avec un humour noir de bande dessinée, pas loin d’être souligné au marqueur comme une blague de sale gosse. Le générique qui suit, clairement inspiré par le travail de Maurice Binder pour la franchise 007, met à l’honneur une chanson de Francis Lai, lequel rend un « hommage » appuyé à son collègue John Barry. Le ton, indiscutablement bordélique, est donné. John Guillermin adapte à sa sauce un roman de Stanley Ellin, sacrifiant la cohérence au profit d’un spectacle gourmand et qui n’aura jamais honte de bouffer à tous les rateliers. Grand bien lui fait. Paris, Rome, un meurtre, un mystère, un tueur redoutable. Ce sera sale, ce sera glamour, ce sera excitant, terrifiant, drôle, ironique, sexy et ça ne se cherchera jamais la moindre excuse. Bienvenue à la fin des années 60, point d’orgue d’une décennie qui aura vu le 7ème Art se réinventer en brouillant les pistes entre cinéma populaire et cinéma d’auteur. Echec au box-office à sa sortie en novembre 1968, Un cri dans l’ombre est l’un des rejetons oubliés, difforme et bizarrement séduisant, de cette incessante partouze des genres, des identités et des nations sur pellicule.
Davis, Reno Davis
Héritier improbable de Derek Flint, d’Ernest Hemingway et du Roger Thornhill de La mort aux trousses, Reno Davis est un héros des plus singuliers. Où qu’il soit, on se demande forcément ce qu’il fout là. Sur un ring ? Il y prend une correction, jetant l’éponge au bout d’un seul round. Au domicile luxueux de la famille de Villemont, bourgeois coincés du derche et récemment chassés d’Algérie ? Il vient juste demander des excuses à un gamin insomniaque qui lui a tiré dessus avec un calibre volé à l’armurerie de son paternel décédé. Rien ne colle, mais ça n’empêche pas Guillermin et ses deux scénaristes de nous jeter personnages et situations à la figure avec une témérité et une confiance qui forcent très vite le respect. Tant et si bien d’ailleurs que lorsque la supposée maîtresse de maison engage Reno Davis comme nounou de luxe (WTF!!!) sous prétexte qu’il est « très américain » (WTF!!!!!) et que son fils a besoin d’un modèle de virilité, personne n’ose lever un sourcil. Et pour ceux qui auraient survécu à cette mise en jambes des plus jouissives, le meilleur reste encore à venir.
L’intrigue tourne ainsi autour d’un complot mondial financé par les de Villemont (en gros, un croisement entre la famille Le Pen et le SMERSH) et organisé par un grand méchant interprété avec un je m’en foutisme fascinant par un Orson Welles qui semble déjà se réjouir du gros chèque qu’il pourra encaisser pour un temps de présence de vingt minutes (sans doute moins, mais qui tient les comptes ?) à l’écran. Même s’il aurait pu être tué une bonne quinzaine de fois, Reno Davis s’en sort à tous les coups, sa plus belle pirouette étant très certainement de parvenir à se débarrasser d’un tueur professionnel avec … une canne à pêche ! Accusé à tort du meurtre de son meilleur ami, Reno se lance à la poursuite du gamin dont il avait la charge, le seul témoin capable de prouver son innocence. Son aventure, il la mène en compagnie de la très aguichante Inger Stevens, croisant à chaque étape les incapables à la solde d’Orson Welles. Soit une femme de chambre nymphomane, un couple dysfonctionnel qui pratique l’amour vache, un américain con comme un balai, un tueur déguisé en moine franciscain et une mama italienne qui ne cède que devant la menace que sa fille pourtant très consentante ne soit déflorée par le héros. Le tout se conclut par un duel au Colisée à Rome, sans Bruce Lee ni Chuck Norris mais avec une chute pas loin d’être aussi hilarante et spectaculaire.
Vous l’aurez compris, tout ceci n’est pas très sérieux, mais le plaisir de voir un George Peppard en forme olympique s’amuser comme un gamin devant la caméra pas très habile mais joliment virevoltante de ce brigand de John Guillermin l’emporte haut la main.
Image
Une copie globalement très propre et à la définition acérée mais dont on ne peut s’empêcher de noter l’instabilité et des couleurs un chouia délavée. Points blancs et accrocs de pellicule se fondent dans une compression robuste. Sans viser la perfection, cette sortie en exclusivité mondiale sur support haute-définition (autant que l’on sache) est une preuve supplémentaire du sérieux de l’éditeur.
Son
La piste anglaise écrase le doublage français, frontal, étouffé et faiblard, sans la moindre hésitation. Peu de souffle et une très belle présence de la musique de Francis Lai qui a souvent tendance à dominer les ambiances mais sans empiéter sur les dialogues.
Interactivité
La présentation de Julien Comelli parvient à rassembler en moins de vingt minutes toutes les informations essentielles pour apprécier le film de John Guillermin à sa juste valeur. Soit un concentré de cinéphilie dans la bonne humeur. De quoi faire oublier la prestation un peu moins vivante de François Guérif sur l’antique DVD de Bach Films. La bande-annonce et la fameuse jaquette réversible viennent clore une édition certes un peu chiche mais tout à fait plaisante.
Liste des bonus
Présentation du film par Julien Comelli et Erwan le Gac, Bande-annonce.