Une vindicte qui fut si forte que le réalisateur Fred Schepisi refusa, dans un premier temps de s’occuper de la réalisation du film tant les réactions étaient encore à vifs en Australie. C’est sur l’insistance de la productrice anglaise Verity Lambert qu’il accepta de se lancer sur ce sujet, accompagné de Meryl Streep et Sam Neil (qu’il avait déjà dirigé sur Plenty) tout autant pour raconter le calvaire de Lindy Chamberlain, qui fut accusée à tort et emprisonnée, que pour décrire les mécanismes d’escalade dans l’opinion public.

Gone Baby

Et pour illustrer tout ça, Schepisi fait preuve d’une jolie maitrise puisqu’il ne s’interdit jamais de faire de la mise en scène autour de ses sujets. Dès le commencement d’ailleurs, puisque les premières minutes du film, qui nous montre la famille Chamberlain en week-end sur les lieux où le drame va se produire, les séquences joyeuses de vie de famille sont constamment interrompues par des coupes brutales (autant au niveau de l’image que du son) sur des Dingos qui envahissent petit à petit les lieux. Un découpage purement orienté vers la tension et qui n’a pour but que d’annoncer le drame à venir : dans ces lieux, le moindre manque d’attention peut être fatal.

Cette alternance de point de vue prendra ensuite une autre forme tout en gardant le même propos puisqu’après l’émoi collectif que la disparition du bébé a engendré, la vie des Chamberlain sera entrecoupée de scènes de citoyen lambda qui commentent l’affaire. Le couple refusant de montrer leur chagrin en public, ils vont s’attirer la méfiance des spectateurs qui vont devenir de plus en plus agressifs dans leurs commentaires. Ce sont eux qui vont faire basculer de nouveaux la vie de la famille dans le cauchemar, aidé par cela par les médias (dont Schepisi ne minimise pas l’impact et l’avidité) avec lesquels va se créer un cercle vicieux de dépendance entre l’audience et le sensationnalisme. À voir à ce titre les scènes ubuesques de talkshow où le public vote à main levé sur la culpabilité de Lindy ou les discussions de bar où chacun a un avis d’expert sur la situation. Un bloc d’adversité qui sera illustrée par les nombreux plans d’ensemble de la ville où résonnent les journaux télé.

Même s’il n’atteint pas la qualité d’un Network de Sidney Lumet dans sa critique féroce du système médiatique et de ses spectateurs (bien que son plan final ne laisse aucun doute quant à la vision de Schepisi sur eux) Un Cri dans la Nuit, avec sa mise en scène élégante et le duo Meryl Streep, Sam Neill en tête, est une belle redécouverte et un rappel malheureux que les temps n’ont pas vraiment évolués.