UN AMÉRICAIN BIEN TRANQUILLE
The Quiet American – États-Unis – 1958
Support : Bluray & DVD
Genre : Thriller, Espionnage
Réalisateur : Joseph L. Mankiewicz
Acteurs : Audie Murphy, Michael Redgrave, Claude Dauphin, Giorga Moll
Musique : Mario Nascimbene
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 122 minutes
Éditeur : Rimini Editions
Date de sortie : 18 avril 2023
LE PITCH
Automne 1952, en pleine guerre d’Indochine. Un jeune américain, idéaliste, chargé d’une mission humanitaire, débarque à Saïgon, au plus fort de la résistance vietnamienne contre la présence coloniale française. Il sympathise avec le reporter anglais Thomas Fowler, pour qui le Vietnam n’a plus de secrets. Mais il est bientôt attiré par Phuong, la jeune maîtresse vietnamienne de ce dernier, aussi belle et mystérieuse que la ville et Saïgon…
Un pays bien charmant
Toujours en distance avec le système américain, le grand Joseph L. Mankiewicz (Eve, La Comtesse aux pieds nus, On murmure dans la ville…) adapte, avec quelques trahisons, Graham Greene (La Puissance et la gloire) pour Un Américain bien tranquille, mélodrame d’espionnage qui annonçait avec acuité la débâcle de Diên-Biên-Phu et le marasme de la guerre du Vietnam.
Lui-même resté correspondant de presse britannique stationné en Indochine pendant quelques années, Adam Greene s’est largement inspiré de sa propre expérience professionnelle et des rapports de force dont il a témoigné pour rédiger son roman Un Américain bien tranquille. S’incarnant assez facilement dans le costume du reporter Thomas Fowler, il y décrivait l’échec annoncé du colon français, et d’une certaine part de l’ancienne politique de la vieille Europe, et l’ingérence grandissante d’une Amérique pétrie d’idéaux naïfs et de méthodes beaucoup plus pragmatiques. Taxé, pas totalement à tort, d’anti-américanisme primaire, son livre est relativement remanié par Mankiewicz qui apporte plus de subtilité dans la peinture de ce jeune et bel américain, soi-disant simple humanitaire venant porter la bonne parole, mais rapidement suspecté d’œuvrer pour la CIA et de soutenir une troisième force en action dans le pays. En plein cœur d’une guerre froide émergente, Mankiewicz film les changements avec comme point brulant une Indochine tiraillée entre forces communistes et « monde libre », où la veille Europe, autant finalement que le jeune empire US, jouent des coudes, de débats idéologiques, voir philosophiques, pour tirer la couverture à eux. Pendant ce temps, le pays lui s’enfonce dans la guerre civile, les attentats et les morts inutiles.
Les envahisseurs
Si étrangement le film se recentre bien souvent sur le triangle amoureux naissant entre les deux protagonistes, avec la mignonnette Giorgia Moll (grimée lourdement en asiatique) au milieu, c’est moins pour faire appel aux feux de la passion, que pour accentuer la métaphore évidente des deux nations (forcément viriles) se déchirant pour les beaux yeux d’une autochtone en apparences docile. Cinéaste aux accents souvent féministes, et ce jusqu’à son Cléopâtre, Mankiewicz ne laisse pas souvent la parole à cette dernière, le plus souvent reléguée en courtisane en détresse ou concubine soumise, mais in fine lui offre une liberté symbolique qui manque définitivement aux deux hommes. Indochine ou Vietnam, des bras de l’un à l’autre, cette nation reste de toute façon indomptable, mais victime d’enjeux politique et économique qui la dépasse. Une analyse brillante et passionnante que le réalisateur réussit à tourner directement dans les rues de Saïgon s’offrant un réalisme parfois troublant, aux lisières de la capture documentaire, lorsqu’il filme sans détour les voitures en flammes et les nouvelles victimes d’un attentat en pleine rue. S’entamant avec les contours d’un film noir (héros déjà mort, voix off qui vient habiter la structure en flashback…), glissant vers le drame romantique pour se diriger vers le thriller d’espionnage sans jamais vraiment s’y inscrire, Un Américain bien tranquille s’efforce constamment de déjouer les attentes et dépeindre un cinéma et une réalité tout en ambiguïté.
Un peu dommage que le cinéaste se laisse parfois un peu aller à ses petits élans trop bavards (il aime toujours autant les longs dialogues) et qu’il n’ait trouvé pour s’opposer à Michael Redgrave, formidable en vétéran de la presse faussement blasé, le très fade Audie Murphy, héros de western et de films de guerre, surtout connu pour avoir été un authentique héros de la Seconde Guerre Mondiale. Si l’idée de jouer sur cette icône patriotique est plutôt bien vu, son absence de charme et ses talents d’acteurs des plus limités amoindrissent fortement les rapports de force au cœur du film.
Image
Comme beaucoup de films indépendants de l’ère hollywoodienne, Un Américain bien tranquille n’a ni été préservé dans les meilleurs conditions ni restauré avec un grand luxe. La source d’origine n’est plus toute fraiche mais plutôt que d’abimer le piqué et le grain de pellicule, le choix a été fait de laisser la plupart des stries, points blancs et légères griffures apparaissant dans le cadre. Un aspect cinéma bien préservé avec des noirs profonds mais jamais envahissants et des détails bien marqués au sein des noirs et blancs sobrement contrasté. Quelques plans plus flous apparaissent parfois, mais cela semble surtout être dû à la production d’origine.
Son
La version originale mono en DTS HD Master Audio se montre étonnement assez performante avec une bonne balance entre les dialogues, les effets et les ambiances. Aucune détérioration de notable d’ailleurs. Le doublage français, très bien interprété, est sans doute un peu moins net et équilibré mais reste très agréable à l’écoute.
Interactivité
Pas grand-chose à se mettre sous la dent sur l’édition américaine, si ce n’est la bande originale de Mario Nascimbene en piste séparée malheureusement absente ici, Rimini Edition comble donc le manque avec une nouvelle intervention d’un spécialiste. Journaliste à Positif, N.T. Binh retrace avec beaucoup de précision la carrière de Joseph L. Mankiewicz et la place de celui-ci dans sa carrière, revient sur le choix des acteurs, les modifications de la trame du livre et les thèmes géopolitiques étudiés. Une intervention assez complète et très intéressante.
Liste des bonus
Interview de N.T. Binh, critique de cinéma à la revue Positif (35’).