U-TURN
Etats-Unis – 1997
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Oliver Stone
Acteurs : Sean Penn, Jennifer Lopez, Nick Nolte, Powers Boothe, Claire Danes, Billy Bob Thornton, Jon Voigt, Joaquin Phoenix…
Musique : Ennio Morricone
Durée : 124 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : L’Atelier d’images
Date de sortie : 21 septembre 2021
LE PITCH
Un petit escroc tombe en panne de voiture en plein désert. Il rencontre Grace et son mari Jake et est entraîné par les deux époux dans une intrigue meurtrière. Il n’aura qu’une seule idée : s’échapper de l’enfer…
The Promised Land
Avant de décrocher à nouveau la lune avec l’électrisant L’Enfer du dimanche, Oliver Stone se remet de l’échec cuisant de son biopic Nixon en tenant la tête de Sean Pean dans la fange d’un trou paumé d’une Amérique de cauchemar. Grinçant.
Même si U Turn ressemble de prime abord à une œuvre de commande, ou en tout cas un pas de côté dans la filmographie frontalement politisée d’Oliver Stone, elle en est pourtant l’une des étapes les plus remarquables. Un film né de la colère, de la frustration, du dégoût, auquel le cinéaste découvre un écho direct dans le roman noir Stray Dog de John Ridley, et en particulier dans la trajectoire catastrophique de son anti-héros Bobby Cooper. Une tête à claque, un petit con condescendant, un parvenu tentant de regagner Las Vegas pour rembourser un mafieux russe, dont le destin va se briser lentement mais sûrement dans les recoins de Superior, patelin oublié de l’Arizona. Une simple panne de voiture et c’est le début du calvaire, d’une odyssée grotesque où la hantise du garagiste-truand (Billy Bob Thornton) prend une dimension épique et d’une découverte d’une communauté de déglingués dont la seule occupation semble être d’empêcher cet étranger de s’échapper. De charybde en scylla, d’un clodo philosophe se disant vétéran du Vietnam (Jon Voigt) à un couple d’ados formé par une Claire Danes saute au paf et un Joaquin Phoenix déjà habité par Johnny Cash, un Sean Penn masochiste rencontre les rebuts de l’Amérique, le visage de son échec retentissant et en fait les frais jusque dans sa chair, son corps se dégradant à chaque coup de malchance, à chaque mise à l’amende. Héritier du film noir sulfureux Le Facteur sonne toujours deux fois, et voisin de palier du Hot Spot de Dennis Hopper et du Red Rock West de John Dahl, U-Turn se doit d’achever sa virée entre les bras d’une femme fatale et sous les coups de son époux libidineux et psychotique.
Natural Born Looser
Un couple totalement dérangé et malsain interprété par une sublime Jennifer Lopes (torride et brisée) et un brutal Nick Nolte qui parachève de mettre à terre dans leurs étreintes incestueuses ce qui reste du mythe américain. Peu connu pour sa retenu, voir sa subtilité diront certains, Oliver Stone repousse le cadre du film noir, fait vriller ses figures vers la caricature, le grotesque presque cartoonesque même, mais ne perd jamais de vu la charge rageuse et apocalyptique qu’il libère sur ce paysage de western. Sous la violence barbare et la trivialité, U Turn fait des viols sordides subis par la jolie Grace une allégorie de la spoliation du continent américain par les colons, et de Superior un avant-goût du déclin culturel célébré dans le tout aussi visionnaire Idiocracy. Certainement le film le plus désespéré de son auteur, le plus noir, le plus acide mais aussi le plus drôle, conscient de ses excès constamment au bord du gouffre. C’est aussi l’un des plus excitants dans sa forme, retrouvant les expérimentations de Tueurs nés tout autant que sa photographie solaire et éblouissante, multipliant les effets de montage syncopés, les superpositions et les inserts délirants, pour approcher un rendu hypersensitif, éprouvant et harassant.
Un contraste entre les ténèbres du récit et l’omniprésence d’un soleil assassin, qu’accompagne à la perfection l’inattendu Ennio Morricone hésitant sans cesse entre un thème principal impeccablement vénéneux et un déluge de dissonances, de reprises semi-avouées et de curiosités sonores qui ne s’effacent que pour quelques morceaux de classique country sur le juke-box. Noyé sous un flot d’image et de sons, le spectateur subit U-Turn autant qu’il en jouit.
Image
U Turn arrive enfin en Bluray en France avec une difficulté de taille, réussir à offrir une image propre et restaurée tout en préservant la nature très particulière d’une captation effectuée sur une pellicule réversible (Reversal en anglais) et non sur un négatif classique, et ce pour toutes les séquences diurnes. Un moyen de rendre de manière plus chaude et plus vive encore les teintes ensoleillées et transmettre une sensation de chaleur, voir caniculaire. Des rouges mordants, des peaux couleurs pêches, des bleus aveuglants, des jaunes incandescents voir cramés… Tout cela est rendu ici à la perfection, et ce sans jamais diminuer un grain naturellement marqué et envahissant. Une image profondément organique qui n’est peut-être pas toujours aussi pointue dans son piqué qu’un film classique, et qui est encore traversé de quelques défauts de pellicules (spots, traces de griffures…) mais les sensations sont intactes.
Son
Désormais proposée en DTS HD Master Audio 5.1 la version originale profite du format pour exploiter plus généreusement encore les expérimentations sonores de Stone, jouant régulièrement sur les dissonances, les sources déplacées et décalées. Une expérience solidement reproduite ici avec une vraie clarté d’écoute et un mariage toujours habile entre les ambiances, étouffantes, les dialogues et la présence fantomatique d’Ennio Morricone.
Plus sobre, la version française s’en sort honorablement mais n’a pas autant d’énergie.
Interactivité
Joli mélange de suppléments inédits et d’exclusivités, l’édition française de U Turn voit cependant l’absence de deux bonus notables de l’édition américaine (épuisée depuis des lustres) : la bande originale en piste audio séparée et le commentaire audio du réalisateur. De ce dernier il en reste cependant des traces puisque quelques séquences commentées semblent avoir survécus jusqu’à nous, permettant au cinéaste d’évoquer les origines du film, le contexte personnels de sa création, le travail sur la photo et sa collaboration avec les acteurs. Une sorte de condensée qui complète aisément la petite introduction de Stone visible, en option, en ouverture. Mais l’éditeur français se fend aussi d’une longue présentation enregistrée par Samuel Blumenfield qui revient sur le passage à vide de Stone après Nixon, sa réappropriation d’un exercice de commande, son regard sur l’Amérique et sur le film noir.
Joli cadeau aussi de retrouver ici la Masterclass du bonhomme enregistré en 2018 au Forum des images à l’occasion de la sortie de son autobiographie A La Recherche de la lumière. Si on n’y parle effectivement jamais de U Turn, la sympathie toujours intacte du monsieur, son plaisir communicatif de parler de cinéma mélangé à quelques auto-analyses et anecdotes sont un véritable régal pour ses fans.
Liste des bonus
« Un concentré d’Amérique » : présentation du film par Samuel Blumenfeld journaliste au Monde (24’), Masterclass d’Oliver Stone du 27 janvier 2018 au Forum des images animée par Fabien Gaffez (77’), Introduction du film par Oliver Stone (3’), Flashback sur le film : 8 séquences commentées par Oliver Stone (14’), Bande-annonce.