TRAUMA
Italie, États-Unis – 1993
Support : Bluray
Genre : Thriller, Horreur
Réalisateur : Dario Argento
Acteurs : Asia Argento, Brad Dourif, Piper Laurie, Christopher Rydell, Frederic Forrest, Laura Johnson
Musique : Pino Donaggio
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 109 minutes
Éditeur : Extralucid Films
Date de sortie : 14 décembre 2022
LE PITCH
Aura Petruscu, une jeune fille anorexique de 16 ans, s’évade d’un hôpital psychiatrique et rencontre David. Elle est ramenée à ses parents, qui sont décapités le soir des retrouvailles. Aidée par David, la jeune fille va mener l’enquête pour arrêter l’assassin, mais celui-ci continue à tuer d’une façon effroyable tous les témoins d’un drame qui s’était déroulé des années plus tôt et qui semble représenter la clé du mystère…
Réminiscences familiales
Loin d’être le film le plus apprécié de Dario Argento, Trauma est aussi perçu comme une première trahison, éloigné des terres italiennes et des excès picturaux et sanglants qui ont fait sa renommée. Pourtant c’est aussi peut-être l’une de ses œuvres les plus personnelles, et la présence de sa fille Asia au générique est loin d’être anodine.
Après les échecs commerciaux et critiques de Phenomena et Opera et devant le rapide effondrement de l’industrie cinématographique italienne, Dario Argento choisit finalement à la fin des années 80 de répondre aux sirènes américaines et surtout aux invitations de son amis George A. Romero. Une expatriation qui n’aura malheureusement pas vraiment les effets de renaissance attendu, le projet luxueux de film à sketch aboutissant à un timide double programme, Deux yeux maléfiques, et le présent Trauma se réduisant à un budget relativement modeste où les producteurs mettront constamment leur nez dans ses aspirations artistiques. Déplacement des lieux de tournages de Pittsburgh à la froide et trop moderne Minneapolis, imposition du compositeur Pino Donaggio très loin des symbioses connues par Argento avec ses autres compositeurs et surtout insistances pour obtenir un film relativement sobre et adapté au public américain. Inévitablement, cet autre Frissons de l’angoisse, dont il avait ouvertement annoncé une variation moderne et américaine, semble constamment un peu perdue dans des élans étonnements mainstream (un peu de slasher, mais sans trop de gore), une image relativement discrète, une utilisation absente d’une architecture de toute façon peu excitante et une absence presque totale de morceaux de bravoure. Un film en retenue, mais qui pourtant est constamment traversé, habité et nourrie par les obsessions habituelles du réalisateur qui rejoue, entre autres, le meurtre originel où toute la clef de l’énigme est déjà présente, ainsi que le portrait d’une famille névrosée, cadre mortifère par excellence.
La mort dans l’âme
Trauma est ainsi constamment tiraillé entre la personnalité profonde de Dario Argento et un carcan qui ne lui convient jamais vraiment, l’écrase et l’étouffe. Un final un peu plus baroque, une séquence particulièrement habitée par l’excellent Brad Dourif, les apparitions oh combien évocatrice de la mère castratrice servie avec bonheur par Piper Laurie, ressortent inévitablement du lot, mais Trauma manque souvent cruellement d’inspiration. Il y annonce ainsi involontairement la stérilité de ses pires films à venir (Aimez-vous Hitchcock ?, The Card Player…), mais réussit tout de même à maintenir la structure de son thriller, grâce à une enquête qui, pour une fois, se tient plutôt bien et préserve une logique propre et constante, et surtout par cette superposition d’éléments purement biographiques et intimes. Dans le rôle de la jeune Aura, on découvre ainsi pour leur première collaboration sa propre fille Asia Argento, créant un rapport évidement trouble avec certaines allusions du film, ou lors du tournage d’une scène seins nus (ils feront bien pires par la suite), mais dont l’anorexie vient plutôt faire écho à celle d’Anna Nicolodi, belle-fille de Dario et que l’on apercevra dans l’étrange, mais fascinant, plans du générique de fin. Une forme d’exorcisme méta, une tentative de comprendre les causes et symptôme de la maladie et de créer un dialogue à l’écran, qui donne une tonalité à la fois étrangement mélancolique et extrêmement touchante à ce Trauma, fragile, sans jaillissement de génie, mais constamment élégant et sincère.
Image
Reprenant la nouvelle copie restaurée présentée par Vinegar Syndrome en 2021, Extralucid nous ravie avec ce superbe master reconstruit à partir d’interpositifs 35mm et de quelques éléments moins reluisants récupérés sur la copie d’exploitation italienne. Les petites minutes supplémentaires apparaissent forcément un peu moins performantes avec une définition plus sobre et un grain plus proéminent, mais elles s’intègrent assez bien au programme. Pour l’essentiel donc le film nous parvient dans des conditions optimales affirmant une définition extrêmement précise, creusée mais naturelle, venant s’incarner dans une photographie certes moins baroque que les autres films d’Argento, mais avec des rehausses de couleurs bien présentes et des noirs à l’intensité impeccable. Les cadres extrêmement propres, le léger grain de pellicule et les reflets argentiques redorent clairement nos souvenirs, finalement un peu trompeur, d’un film triste et presque fauché.
Son
Pas de retouches modernistes sur les pistes sonores qui préservent leur restitution stéréo d’origine, mais avec cette fois-ci des mix DTS HD Master Audio qui apportent une plus grande clarté et une légère hausse de dynamique. Là encore les quelques plans ajoutés laissent échapper un son plus plat, mais cela reste très court.
Interactivité
Certainement un rêve de cinéphile pour nos têtes pensantes derrière Extralucid qui ont clairement décidé de se dépasser encore afin de proposer une édition évènement pour ce film de Dario Argento : un fourreau en carton dur au design très réussi, un boîtier double amaray et un livret d’une vingtaine de pages compilant des textes produits pour la rétrospective Argento à la Cinémathèque française, du livre Une étude en jaune et des biographie du réalisateur et de sa fille.
Sur les deux Blurays, en plus des deux montages du film, cut et uncut, on trouve de nombreux suppléments totalement inédits à commencer par une nouvelle interview du réalisateur (pas toujours facile à suivre les années avançant) autour du film et l’intégralité de son intervention (plus d’une heure) aux cotés de Jean-François Rauger à la cinémathèque dans laquelle il évoque avec plaisir de nombreuses étapes de sa carrière, avec forcément une très grande insistance (logique) sur Les Frissons de l’angoisse. Un joli moment, sincère et passionnant. On peut aussi faire un détour du coté de la carrière hautement gore de Tom Savini avec l’excellent David Scherer, toujours aussi précis et didactique, avant de retrouver des suppléments déjà aperçus sur l’ancien collector DVD : le making of d’époque très à l’américaine (un peu con donc), une visite de la maison centrale enregistrée quelques jours avant le début du tournage et une rencontre pas évidente avec une Asia Argento un peu sur la réserve, mais qui permet de remettre parfois en cause les propos de son paternel (sur le régime alimentaire de l’actrice en particulier). Mais comme souvent, le segment essentiel de l’édition reste la présentation et l’analyse du film par Jean-Baptiste Thoret (qui a au passage signé le meilleur ouvrage existant sur le cinéaste) qui brasse à merveille le dépaysement américain, la répétition des obsessions thématiques et picturales, les liens avec Les Frissons de l’angoisse et Phenomena et bien entendu les notions plus personnelles qui donnent au film sa texture si particulière.
Liste des bonus
Livret, Entretien inédit avec Dario Argento (23′), Analyse du film par Jean-Baptiste Thoret (41′), Portrait de Tom Savini par David Scherer (24′), Retour sur le film avec Asia Argento et Yves Montmayeur (18′), Dialogue avec Dario Argento à la Cinémathèque Française (69′), Making-of (8′), Visite des décors de Trauma (11′), Bandes-annonces