TRAITEMENT DE CHOC
France, Italie – 1972
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Alain Jessua
Acteurs : Alain Delon, Annie Girardot, Robert Hirsch, Michel Duchaussoy
Musique : Alain Jessua, René Koening
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Durée : 87’
Éditeur : Studio Canal
Date de sortie : 16 mars 2023
LE PITCH
Hélène Masson part en cure dans un institut de thalassothérapie. Elle y retrouve son ami Jérôme que l’on découvre peu après, mort au pied d’une falaise. Hélène s’aperçoit que le docteur Duvilliers tue des gens pour extraire leurs cellules vitales et les réinjecter à ses patients.
Les démons dans l’île
Certainement le film le plus célèbre, et le plus réussi, de la trop courte filmographie d’Alain Jessua, Traitement de choc place Annie Girardot entre les griffes de la nouvelle médecine jeunesse imaginée par l’inquiétant docteur Alain Delon. Et le film d’horreur n’est jamais bien loin.
Malgré l’excellente réception critique de son premier film, Jeu de massacre, Alain Jessua va mettre six longues années à retrouver les plateaux de tournage. Du temps de perdu, passé à conceptualiser un grand film de science-fiction particulièrement ambitieux qui malheureusement n’aboutira jamais. Imaginé par le cinéaste lors d’un séjour dans une maison de repos en Bretagne, Traitement de choc lui permet de revoir nettement ses ambitions à la baisse et œuvrer sur ce qu’il considère, au départ, comme un simple divertissement, un thriller fonctionnant en huis clos dans une station de remise en forme pour clientèle fortunée. Bien entendu rien qu’en disant cela les habitués du réalisateur savent que rien ne sera jamais simple et surtout que le suspens mis en place, toujours aussi efficace, ne fait que se teindre d’une réflexion politique toujours aussi mordante. A la manière d’un rejeton lointain d’un film de vampirisme gothique, Traitement de choc imagine donc une clinique VIP dont les promesses de jeunesse éternelle se ferait naturellement au détriment des jeunes employés portugais semblant perdre toute force de jour en jour avant de disparaitre des lieux.
les prédateurs
La construction est inévitablement, et sans doute volontairement, classique avec une enquête faite de doutes et d’hystéries et dont on présage rapidement de l’issue finale (avec une image aussi choquante soit-elle) mais c’est comme souvent avec le futur metteur en scène d’Armageddon, Les Chiens ou Paradis pour tous, l’ambiguïté constante, l’étrange détournement d’une réalité en apparence bien ordinaire qui donnent tout le corps à l’œuvre. A l’instar de ce retour à la libéralisation des corps, qui donnèrent un sacré coup de pub au film lors de sa sortie puisqu’on peut y voir l’actrice, mais aussi la star Alain Delon, dans le plus simple appareil, mais que le métrage dévie de sa célébration « naturiste » pour venir illustrer le dévoiement des valeurs soixante-huitarde par une bourgeoisie individualiste. Il est donc bel et bien question d’une certaine haute classe française qui se nourrie de la force des autres, en l’occurrence des populations immigrées, pour mieux ensuite les traiter avec un mépris insupportable et les faire disparaitre… Littéralement. Et si Annie Girardot reste dans une posture de femme ferme et pleine de convictions, Alain Delon étonne fortement en jouant comme rarement de son charisme viril, de sa présence magnétique et de ses airs taciturnes, pour incarner un médecin ténébreux, inquiétant, s’imaginant gourou new wave imposant sa vision (a)morale en pillant les mythes et légendes d’une lointaine tribu amazonienne, revisitant la loi du plus fort avec tout le décorum froid et industriel du capitalisme.
Quelque chose du cinéma de cannibale, de la farce noire et dénonciatrice et de la mise en image des décadences mises en évidences par Karl Marx (oui jusque-là !) qui font définitivement de Traitement de choc un film toujours aussi fort et passionnant.
Image
A l’instar des précédents films d’Alan Jessua édités chez Studio Canal en Bluray, Traitement de choc a lui aussi profité d’une restauration de taille, profonde et soignée. L’éditeur est avare en informations, mais le retour à la source est évident avec des plans désormais débarrassés de la moindre imperfection (en dehors du générique d’ouverture plus marqué), des cadres stabilisés et des couleurs plus vives et contrastés même si elles restent très naturelles.
Son
Le mono d’époque repose désormais dans un DTS HD Master Audio 2.0 plus fluide et légèrement plus dynamique. Quelques dialogues semblent parfois plus lointains (sans doute la captation d’origine), mais l’ensemble se montre bien équilibré avec les partitions étonnantes de René Koening.
Interactivité
Nouveau titre de la collection Nos Années 70, avec le même habillage sobre et la présentation d’un Jérôme Wybon plus à l’aise que sur la première fournée. En sus la galette compile quelques éléments piochés sur l’ancien DVD avec l’excellente, et toujours franche, interview du réalisateur, et d’autres récoltés sur une sortie américaine avec une légère analyse du film et du cinéma de Jessua par Bernard Payen suivi d’une rencontre avec le compositeur René Koering et son retour plus précis sur trois scènes particulières. Lui non plus d’ailleurs ne manie pas la langue de bois et égratigne sans se forcer quelques collègues au passage. Le programme s’achève sur un petit morceau d’archive en noir et blanc prenant la forme d’un reportage dans les coulisses du tournages avec de courtes interventions d’ Alain Delon et Annie Girardot.
Liste des bonus
Préface de Jérôme Wybon (4’), Interview d’Alain Jessua (2004, 23’), Interview de Bernard Payen (19’), Interview de René Koering (23’), 3 séquences commentées par René Koering (8’), Reportage sur le tournage (6’), Bande-annonce (2’).