Véritables trublions de la comédie américaine ayant su s’approprier les avancées nonsensiques et imperturbables des Monty Python avec une sauce ketchup et deux bonnes tranches de pain (faut-il rappeler qu’ils ont écrit le fameux Hamburger Film Sandwich), Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker, soit les ZAZ, partagent aussi un même esprit frondeur et indépendant. Refusant de mettre en boite la suite de leur carton plein de 1980, ils préfèrent s’atteler au lancement de la trop trop méconnue série Police Squad! mettant en scène les premières turpitudes du Détective Drebin, malheureusement abandonnée au bout de six petits épisodes, avant d’embrayer avec un nouvel opus cinématographique : Top Secret! Comme l’indique parfaitement le titre, il n’est plus question de moquer les clichés du film catastrophe, mais cette fois-ci de détourner les films d’espionnages qui ont tant occupé les écrans américains durant les décennies précédentes. La petite subtilité maison est que si le cadre rappel évidement le contexte de Guerre Froide, de nombreux éléments, comme les allemands de l’est arborant encore le costume et la rigidité nazie, renvoient plus aux films de résistants et pourquoi pas aux films d’évasion lorsque notre fringuant héros s’échappe aux commandes de la moto de Steve McQueen. Une sorte de contraction historique où l’on entend parfois même les soldats germains s’exprimer en yiddish…

Tutti Frutti

Petite ironie crétine mais jubilatoire dont le trio a le secret et qui derrière les gags les plus lourdingues, les vannes en dessous de la ceinture pas toujours des plus élégantes, l’humour à répétition étiré jusqu’à la lie, vient constamment nourrir un film qui manie à la perfection le second degré, le troisième, le douzième et le centième, mêlant grosse artillerie (l’énorme canon vibromasseur anal et ses tristes conséquences), poésie décalée lorsque la visite de la librairie tenue par le grand Peter Cushing se joue intégralement à l’envers, délires cartoons (Omar Sharif encastré dans sa voiture compressé…), coups de coudes de cinéphiles (les regards caméras, la maquette de Superman envahie de souris…) et pastiches hilarants. Le Lagon bleu certainement, Le Magicien d’Oz en cerise finale, les beach movie pour l’ouverture, la sempiternelle bagarre de saloon d’un western (mais ici intégralement sous l’eau), mais aussi les grands divertissements musicaux célébrant les talents de star du rock comme Elvis Presley. Dans Top Secret ! aussi les morceaux musicaux tombent comme une perruque dans la soupe et voient tous les figurants se transformer en rockers en herbe et en danseurs de twist, séduis par le charisme indécent de ce jeune Nick Rivers (hommage à notre Dick Rivers national ?). Une belle gueule et un œil constamment ironique qui marque la découverte du débutant mais déjà incroyablement charismatique Val Kilmer, dont la ferveur du déhanché et les capacités vocales annoncent l’un de ses plus grands rôles : Jim Morrison dans The Doors.

Moins connu que Y a-t-il un pilote dans l’avion ? et Y a-t-il un flic pour sauver la reine ?, Top Secret ! reste l’un des grands moments de la carrière des ZAZ, comédie aux effets redoutables, aux timing pointu et aux excès les plus jubilatoires dont on peine encore et toujours à retrouver une descendance aujourd’hui.