TOMAHAWK
Etats-Unis – 1951
Support : Bluray & DVD
Genre : Western
Réalisateur : George Sherman
Acteurs : Van Heflin, Yvonne De Carlo, Susan Cabot, Alex Nicol, Preston Foster, Rock Hudson, Jack Oakie, Tom Tully…
Musique : Hans J. Salter
Durée : 82 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Français & Anglais Dolby Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Editeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 5 juillet 2024
LE PITCH
En 1866, dans le Wyoming, le trappeur légendaire Jim Bridger est contacté par l’armée américaine pour mener à bien des négociations avec le peuple Sioux qui s’oppose à la construction d’un fort et d’une route sur son territoire. En tuant par caprice un jeune indien, un officier raciste et haineux, le lieutenant Dancy, va mettre le feu aux poudres, menaçant une paix plus que fragile, …
Indians Lives Matter
Largement oublié aujourd’hui, Tomahawk, western de série B réalisé par le mésestimé George Sherman, emboîtait le pas à La Flèche Brisée de Delmer Daves, réhabilitant à son tour l’image des Indiens d’Amérique sur grand écran. En dépit d’un budget limité qui bride le spectacle et d’une intrigue qui manque sensiblement de consistance, ce film mettant en scène plusieurs épisodes authentiques de la guerre menée par le chef Sioux Nuage Rouge mérite amplement d’être redécouvert, ne serait-ce que pour sa sincérité inébranlable et ses superbes décors naturels.
Menteurs, voleurs, assassins, lâches, ennemis jurés d’une civilisation éclairée en pleine construction, les Indiens d’Amérique ont traversé le western de l’âge d’or hollywoodien tels des caricatures ambulantes, des clichés racistes comme pour mieux masquer le génocide dont ils ont été les victimes et ne pas trop entacher le mythe de la conquête de l’Ouest.
Bien avant Little Big Man, Soldat Bleu, Un Homme nommé Cheval et, plus tard, Danse avec les loups, La Flèche Brisée cherche, dès 1950, à inverser la tendance et à dresser un portrait plus juste des tribus indigènes d’Amérique du Nord. Illustrant l’amitié bien réelle du chef Apache Cochise et de l’éclaireur Tom Jeffords, le film de Delmer Daves prêche l’apaisement et le métissage et sanctionne le racisme et l’inculture des colons. Un peu naïf sur les bords, La Flèche Brisée marque pourtant les esprits et doit une bonne partie de son succès à la réalisation énergique de Delmer Daves et à la présence de James Stewart en tête d’affiche, l’acteur incarnant à lui tout seul la bonne conscience de toute une nation.
Produit par les studios Universal, Tomahawk s’engouffre dans cette nouvelle brèche l’année suivante en s’appuyant à son tour sur des faits historiques, même si les dates et les lieux s’emmêlent les pinceaux, histoire de rendre le propos plus facile à digérer pour un long-métrage d’une heure vingt, générique compris. Le scénario de Sylvia Richards et de Maurice Geraghty résume sur quelques mois de l’année 1866 les affrontements entre les guerriers du chef Nuage Rouge et l’armée américaine pour le contrôle du territoire du Wyoming et fait du personnage mythique de Jim Bridger un médiateur, parlant les langues indiennes et exprimant sans détour sa méfiance des colons et des militaires, le résultat d’un traumatisme lié au massacre des indiens Cheyenne de Sand Creek dans le Colorado.
Pas de fumée sans feu
Tourné au printemps 1950 dans les magnifiques paysages de plaines du Dakota du Sud, Tomahawk met en vedette un Van Heflin très crédible dans le rôle de Jim Bridger. Bien entouré par Yvonne De Carlo (moins starlette qu’à l’accoutumée) et Susan Cabot, l’acteur campe un héros plus complexe qu’il n’y paraît. Cachant sa peine et sa désillusion derrière une volonté de fer et un physique taillé à la serpe, le Jim Bridger de Van Heflin n’est là que pour limiter la casse dans un conflit qui ne peut que dégénérer. La scène où il se confie sur le massacre de Sand Creek est un moment fort du film, le récit étant à la fois émouvant et d’une sécheresse impitoyable (et, malheureusement, fidèle à la réalité). La tristesse qui émane de ce monologue, du meurtre du jeune indien qui lance Nuage Rouge sur le sentier de la guerre ou encore d’une bataille finale dont personne ne sort véritablement gagnant témoigne de l’honnêteté d’un George Sherman qui croit en son histoire et en son propos pacifiste. Souvent vu comme un tâcheron ou un yes-man, Sherman prouve ici qu’il ne manquait pas de talent, soignant la représentation des dialectes indiens ou de leur culture, emballant son film sur un rythme solide avec un sens du cadre percutant.
Dommage que le cadre en question ne soit rempli que par une poignée de figurants éparpillés, au grand dam d’un script qui refuse des envolées épiques pourtant attendues et qui se retranche petit à petit dans un fort où les personnages tournent vite en rond, faute de péripéties substantielles. L’antagonisme entre Bridger et le lieutenant Dancy (un Alex Nicol impeccable en petite frappe au sourire Colgate et à la tignasse blonde de néo-nazi propre sur lui) ne fait pas non plus les étincelles attendues et leur ultime confrontation est carrément expédiée. À trop vouloir brider ses belles ambitions pour rentrer dans le moule d’un double programme de drive-in, Tomahawk se tire plus d’une fois une balle dans le pied. Ce qui ne devrait pas toutefois vous empêcher de lui offrir une place de choix dans votre vidéothèque, entre La Flèche Brisée et L’Expédition du Fort King de Budd Boetticher.
Image
Cette nouvelle édition propose un bond qualitatif évident par rapport au DVD sorti en 2011 chez le même éditeur. La définition est tout à fait digne du support haute-définition (les gros plans sur les visages, les plans larges), la copie est toujours caviardée de petits défauts de pellicule et de quelques plans instables mais le bruit vidéo est bien moindre, les contours sont stables et propres et les contrastes sont plus doux. Nous sommes loin d’une restauration grand luxe mais pour un film de cet âge et aussi peu connu, c’est une très bonne pioche.
Son
Oubliez la version française relativement propre mais nasillarde et à la traduction problématique et faîtes confiance à une version originale qui tient assez bien la route, sans relief mais sans accrocs majeurs, avec des dialogues clairs et une piste musicale qui ne sature pas.
Interactivité
Au sein d’un boîtier au format DVD avec sur étui, on retrouve donc un combo de disques où trois présentations de spécialistes se bousculent et se complètent. Les interventions de Bertrand Tavernier et de Pascal Brion datent de la précédente édition de 2011 tandis que celle de Jean-François Giré a été mise en boîte spécialement pour cette nouvelle sortie. Le réalisateur de L’Horloger de Saint Paul revient longuement sur George Sherman, analysant sa mise en scène et louant certains de ses mouvements d’appareil, regrettant au passage de l’avoir sous-estimé dans un de ses ouvrages quelques années plus tôt. Nettement plus factuel, Brion se contente de commenter la fiche technique du film. Encore plus volubile, Giré revient sur l’arrière plan historique du film de George Sherman, louant sa sincérité et rattachant les wagons avec certains films de Kevin Costner, notamment Danse avec les loups et le récent Horizon. Passionnant.
Liste des bonus
Présentation du film par Patrick Brion, Bertrand Tavernier et Jean-François Giré.