TIREZ SUR LE PIANISTE
France – 1960
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame, Film noir
Réalisateur : François Truffaut
Acteurs : Charles Aznavour, Marie Dubois, Nicole Berger, Michèle Mercier, Boby Lapointe, Albert Rémy…
Musique : Georges Delerue
Durée : 82 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Français DTS-HD Master Audio 1.0 mono
Sous-titres : Aucun
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 15 octobre 2024
LE PITCH
Charlie Kohler, pianiste dans un petit bar parisien, voit sa vie basculer lorsque son frère, poursuivi par des gangsters, se réfugie sur son lieu de travail. Alors que la menace s’intensifie, Charlie doit faire face à son passé trouble, tout en naviguant les sentiments de Léna, la serveuse amoureuse de lui. Déterminée à l’aider, Léna tente de le soustraire aux démons qui le hantent, entraînant Charlie dans un tourbillon d’émotions et de dangers.
Entre les lignes et les ombres
Avec Tirez sur le pianiste, François Truffaut signe un exercice de style aussi léger que brillant, imprégné d’un esprit ludique et insolite. Ce deuxième long métrage embrasse avec une désinvolture joyeuse l’influence des polars américains tout en célébrant la créativité propre à la Nouvelle Vague.
Après le choc que fut Les 400 Coups, révélant un talent aussi singulier que prometteur, François Truffaut décide d’adapter le roman noir Down There de David Goodis. Loin de se contenter de reproduire le modèle américain, Truffaut absorbe les éléments du film noir – ambiance, mystère et exploration des tourments de l’âme humaine – tout en y insufflant son lot de digressions, dialogues spontanés, et changements de ton oscillant entre comédie, drame et poésie. Ce sont précisément ces ruptures de ton, changements de perspective et audaces visuelles qui transforment le film en un manifeste de liberté propre à cette Nouvelle Vague en pleine effervescence. Cette dimension expérimentale, avec son goût pour l’imprévu et le mélange des genres, influencera plus tard des réalisateurs américains comme Brian De Palma ou Quentin Tarantino. En haut de l’affiche, Charles Aznavour, avec son visage mélancolique et son charisme discret, incarne Charlie Kohler, un héros loin des stéréotypes à la Mike Hammer. Son personnage ne possède qu’une distinction notable : celle d’être un pianiste virtuose. Mais sous son apparente banalité, Charlie dissimule un passé lourd et une sensibilité à fleur de peau. C’est à travers ce personnage de musicien tourmenté, tiraillé entre son talent et ses blessures, que Truffaut exprime la voix d’une génération sensible à la poésie des marginaux, cherchant à s’éloigner d’une masculinité adepte du bourre-pif. Si le prétexte du film noir s’efface rapidement, il resurgit par moments, maintenant un soupçon de tension dans une intrigue qui se concentre finalement sur les relations humaines. Ce cadre sert de toile de fond à des explorations des rapports hommes-femmes, un thème cher à Truffaut. À travers les rencontres de Charlie avec trois femmes (enfin, surtout deux), chacune incarnant un aspect différent de l’amour et des relations, Truffaut dépeint les multiples facettes de l’attachement : la fougue des débuts, les sacrifices silencieux, les trahisons amères et l’inévitable tragédie finale.
Notes noires et touches blanches
L’art du cinéaste réside dans sa capacité à camoufler une véritable gravité sous une légèreté apparente. À travers le parcours de Charlie, se révèle un récit de quête identitaire, d’héritage pesant et d’aspirations contrariées. Ce protagoniste fragile et silencieux, accompagné par une distribution féminine mémorable (Marie Dubois, Nicole Berger et une Michèle Mercier d’une sensualité obsédante), incarne un décalage constant entre l’individu et les conventions. Georges Delerue enrichit le film d’une partition jazzy et mélancolique. Là encore, pas question de copier le style américain ! Ses compositions ne sont pas faites pour les cabarets enfumés du Sunset Strip de Los Angeles, mais pour les bistrots parisiens où l’on croise Boby Lapointe. Truffaut, à travers ce ballet sonore, compose une œuvre où chaque note enrichit cette toile fragile des émotions humaines. Tirez sur le pianiste dévoile un François Truffaut qui, derrière une apparente insouciance, interroge la complexité des relations humaines. On ressent aussi l’excitation du cinéphile passionné de films américains, qui insuffle à sa mise en scène un regard à la fois admiratif et ludique. Fasciné par des œuvres comme En quatrième vitesse de Robert Aldrich, Truffaut laisse parfois transparaître cette influence – notamment dans les premières minutes de son film –, alliant mélancolie et énergie typiquement américaine. Une création intemporelle, riche en émotions et en nuances, née d’une véritable soif de cinéma.
Fort d’une filmographie riche en œuvres profondes mais parfois intimidantes, François Truffaut se positionne avec Tirez sur le pianiste du côté du cinéma populaire. Ce film léger et inventif représente une porte d’entrée idéale pour celles et ceux qui souhaitent explorer son univers et découvrir un réalisateur à la fois ludique et audacieux.
Image
Carlotta sort le grand avec une édition blu-ray et une édition 4K Ultra HD ! Et pour l’occasion, Tirez sur le pianiste bénéficie d’une nouvelle restauration 4K réalisée par MK2 Films. Le master Haute-Définition offre une qualité visuelle remarquable avec un vrai gain comparé au premier bluray édité par MK2 en 2015. Bien que l’image puisse osciller légèrement en fonction des séquences, souvent due aux conditions de prise de vue d’époque, la qualité générale est impressionnante. Le grain d’origine est préservé avec soin, ce qui permet de maintenir une texture filmique authentique. Les contrastes sont bien maîtrisés, offrant des noirs profonds et des lumières vives. Ce travail de restauration constitue un hommage respectueux à l’œuvre de François Truffaut.
Son
La bande sonore est proposé en DTS-HD Master Audio 1.0 mono. Les voix sont claires, nous permettant d’apprécier la finesse des dialogues de François Truffaut avec une joie non dissimulée. Les ambiances sonores sont bien rendues également, restituant parfaitement l’atmosphère du film. Efficace !
Interactivité
Certes, les suppléments ici présents apportent un plus par rapport à la précédente édition HD de 2015… mais il convient de noter qu’ils reprennent à l’identique le contenu du DVD MK2 de 2001. On y trouve deux commentaires audios : l’un avec Serge Toubiana et Marie Dubois, et l’autre avec Toubiana et Raoul Coutard (chef opérateur emblématique de la Nouvelle Vague), qui offrent des perspectives enrichissantes sur le film. La présentation audio du film par Toubiana (4 minutes) et les extraits des essais de Marie Dubois (3 minutes) apportent un éclairage intéressant.
On trouve également un extrait d’une émission TV de 1965 où François Truffaut commente le film (4 minutes), ainsi qu’un entretien de 1982 avec François Guérif, où le cinéaste parle de David Goodis (15 minutes). L’interactivité se conclut par deux bandes-annonces, dont une de 2024, seul véritable contenu inédit de cette édition.
Bien qu’il n’y ait pas de nouveauté significative, il faut reconnaître que tout le nécessaire est déjà présent, ce qui en fait une ressource précieuse pour les amateurs de l’œuvre.
Liste des bonus
Commentaire audio de Serge Toubiana et Marie Dubois, Commentaire audio de Serge Toubiana et Raoul Coutard, Présentation du film par Serge Toubiana (3’), Bouts d’essai de Marie Dubois (3’), « Cinéastes, de notre temps : François Truffaut ou l’esprit critique » (4′), « Étoiles et toiles : David Goodis par François Truffaut » (15’), Bande-annonce originale (2′), Bande-annonce 2024 (1’).