THELMA & LOUISE

Etats-Unis – 1991
Support : 4K UHD & Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Ridley Scott
Acteurs : Susan Sarandon, Geena Davis, Harvey Keitel, Michael Madsen, Christopher McDonald, Brad Pitt, Stephen Tobolowski …
Musique : Hans Zimmer
Durée : 129 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : BQHL Éditions
Date de sortie : 22 février 2025
LE PITCH
Thelma, femme au foyer délaissée par son mari, et sa meilleure amie Louise, une serveuse, prennent la route pour profiter d’un week-end en montagne. Lors d’un arrêt, Thelma est agressée sexuellement sur un parking par un homme rencontré un peu plus tôt et est sauvée in extremis par Louise qui abat le violeur sous le coup de la colère. Terrifiées et sous le choc, les deux femmes prennent la fuite…
Desperates Housewifes
Deux ans après une édition Criterion de toute beauté, les p’tits gars de BQHL déroulent le tapis rouge (en 4K!) aux guerrières de la route de Sir Ridley Scott. Les grands espaces de l’Ouest américain magnifiées par la photographie d’Adrian Biddle, le script remarquable de Callie Khouri, l’alchimie du duo Geena Davis/Susan Sarandon, … Thelma & Louise, film culte et chef d’oeuvre inégalé du « féminisme made in Hollywood » (drôle de formule, convenons-en) trouve enfin un écrin à sa hauteur.
Thelma & Louise, c’est avant tout le bébé de Callie Khouri, une native du Texas avec des rêves de cinéma. Comme tant d’autres jeunes femmes parties à la conquête de la Mecque du 7ème Art, Callie Khouri met ses ambitions à l’épreuve en acceptant un job de serveuse à Los Angeles. De fil en aiguille, elle décroche un poste d’assistante de production sur des vidéos commerciales et des clips musicaux, sans jamais renoncer à son désir de passer à la réalisation. Sur son temps libre, se nourrissant de ses expériences, de ses passions et d’un besoin vital d’émancipation, elle rédige le scénario qui deviendra Thelma & Louise. Le reste, comme disent les américains, « belongs to History ».
La beauté de cette histoire, son efficacité immédiate et sa longévité dans l’imaginaire collectif (féminin, et, on l’espère aussi un peu, masculin), ça n’est pas seulement une question de fond. Car la forme, elle aussi, est exemplaire. Reposant sur une structure de road-movie – similaire, à titre de comparaison, à celle de Sailor & Lula de David Lynch, sorti un an plus tôt – le récit de Thelma & Louise étonne par sa liberté de ton, la légèreté le disputant au tragique, et ses emprunts au western, au film policier et au drame pur et dur. L’humeur du film épouse les soubresauts d’une fuite en avant où la dynamique entre ses deux héroïnes s’inverse avec subtilité. Thelma, femme-enfant négligée et reluquée comme un bout de viande, prend peu à peu l’ascendant sur Louise, célibataire endurcie dont les traumas (un viol, et pas besoin d’en savoir plus) ne lui donnent pas franchement les armes pour se débattre face aux croche-pieds rigolards du destin.
La reconquête de l’Ouest
Sur le papier, Thelma & Louise est donc bel et bien un film au féminisme assumé, toujours pertinent sur le sujet d’ailleurs, plus de trente ans après sa sortie. Notamment lorsqu’il aborde la notion de consentement, en préambule à une agression sexuelle d’une violence insoutenable, ou le sujet délicat de la crédibilité de la parole des femmes face à leurs bourreaux. N’allez pourtant pas parler de féminisme à Ridley Scott. Malgré une fascination constante et revendiquée pour les femmes à (très) fort caractère, le réalisateur d’Alien et de Blade Runner ne conçoit pas la chose comme un acte politique fort ou même une quelconque revendication. Il s’agit simplement de son regard, et de rien d’autre. On y gagne forcément en naturel.
Tombé fou amoureux du scénario de Callie Khouri au point d’en prendre les rênes après une longue période de pré-production, Ridley Scott impose son point de vue sur un projet qu’il dirige à l’instinct, à l’affect. Outre son talent légendaire pour produire de la belle image à la chaîne, Scott emporte le morceau par son sens du casting, du rythme et de l’atmosphère. Le « couple » formé par Susan Sarandon et Geena Davis est bien sûr une évidence, dès leur première scène en commun, tout comme ce petit rôle décisif confié à un débutant nommé Brad Pitt, sidérant de charisme viril à l’état brut. Mais on ne parle pas assez d’Harvey Keitel, de Michael Madsen et de Christopher McDonald : le flic bienveillant, le petit ami rebelle mais droit dans ses bottes de Louise et le mari macho et neuneu de Thelma. Trois portraits de mâles à la fois attachants et désopilants et d’une complexité insoupçonnée.
Nous faisant plus d’une fois regretter que Ridley Scott ne se soit pas encore essayé au western façon John Ford, Thelma & Louise navigue avec une aisance folle entre plages contemplatives, moments de tension à l’issue toujours inattendue, explosions d’action et de violence bigger than life et un humour qui préfigure les sous-estimés (et même mal aimés) Matchstick Men et A Good Year. Une folle embardée à la reconquête (au féminin) de l’Ouest américain et qui se paie – paradoxe magnifique – la plus joyeuse des fins tragiques. Par la grâce d’un équilibre miraculeux entre le score country rock pas subtil pour un sou de Hans Zimmer et un montage aux petits oignons qui substitue à la brutalité et au désespoir d’un suicide à deux le triomphe d’un ultime doigt d’honneur à un rêve américain qui ne peut se vivre qu’avec une grosse paire de bollocks et le doigt sur la gâchette.
Image
Lui-même issu d’un DVD collector très solide en son temps, le bluray de 2011 édité sous le pavillon de la maison-mère MGM conserve de solides arguments avec un transfert haute-définition sans chichis mais sans défauts rédhibitoires. La galette 4K qui nous occupe aujourd’hui propose aux cinéphiles de passer un cran au-dessus avec un tout nouveau transfert réalisé à partir du négatif original en 35mm, le même que celui distribué par Criterion. Le grain est adouci (parfois un peu trop), les défauts sont totalement absents et la palette chromatique est encore plus riche que dans nos souvenirs avec un dynamisme de l’image très appréciable. Impossible de faire mieux, surtout si vous avez le matériel adéquat.
Son
La mise à jour est moins probante sur la bande-son. La musique gagne en présence et en clarté mais les dialogues et les atmosphères stagnent à un niveau d’efficacité très « basique ». Les vraies différences se situent au niveau du traitement accordé à la voiture des héroïnes, avec des vrombissements de moteur que l’on discerne mieux et un dernier quart d’heure vraiment explosif.
Interactivité
Commençons par les suppléments qui n’ont pas survécus au changement d’éditeur. Le clip de la chanson de Glenn Frey « Part of Me, Part of You », le matériel promotionnel (featurettes, spots TV et bandes-annonces) ainsi que les galeries de photos manquent donc à l’appel, mais seuls les complétistes et les archivistes obsessionnels y trouveront à redire. On aurait par contre bien aimé trouver sur cette nouvelle galette certains des suppléments inédits produits par Criterion, à savoir de nouveaux entretiens avec Ridley Scott et Callie Khouri. L’éditeur américain avait également cru bon d’inclure deux courts-métrages du cinéaste, à savoir le bien connu « Boy & Bicycle » et une publicité pour Guinness datant de 1977. Afin de concentrer son interactivité sur le film et sa postérité, BQHL a fait le choix, tout à fait cohérent, de se passer de ces petits à-côtés. Deux entretiens inédits ont toutefois été réalisés exclusivement pour cette galette hexagonale et il mérite le déplacement. Dans le premier, Gilles Penso revient longuement sur la genèse et la production de Thelma & Louise, multipliant les anecdotes et les analyses passionnantes. Le décryptage du sous-texte féministe du film revient à la dramaturge, écrivaine et critique Marion Guilloux dans un module tout bonnement incontournable, à la fois didactique, pédagogique et engagé. Pour le reste, ce steelbook au look plutôt élégant et réussi contient les deux commentaires audio (sous-titré en français, yes!), les nombreuses scènes coupées et la fin alternative avec son analyse en multi-angle ainsi que le making-of d’une heure, « The Last Journey ». Et ce n’est pas fini, puisqu’un livret plutôt bien foutu accompagne le tout. Le prix de vente est sans doute un peu élevé (40€) mais le collectionneur en aura pour son argent.
Liste des bonus
Commentaire audio de Ridley Scott, Commentaire audio de Susan Sarandon, Geena Davis et Callie Khouri, Scènes coupées, Fin alternative, avec ou sans commentaires de Ridley Scott, Storyboard de la poursuite finale, Comparaison entre le storyboard de la poursuite finale et le résultat à l’écran, « Le Dernier Voyage », making-of (60’), « Le regard de Ridley Scott » par Gilles Penso (49’), « Redonner aux femmes leur dignité » par Marion Guilloux (40’).