THE PAINTED BIRD
République Tchèque, Slovaquie, Ukraine – 2019
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame, Guerre
Réalisateur : Václav Marhoul
Acteurs : Harvey Keitel, Udo Kier, Stellan Skarsgård, Barry Pepper, Julian Sands, Petr Kotlár
Musique : Aucun
Image : 2.35 16/9
Son : Version originale (Tchèque, Allemand, Russe) DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titre : Français
Durée : 179 minutes
Distributeur : Spectrum Films
Date de sortie : 26 janvier 2023
LE PITCH
Confié par ses parents persécutés à une mère adoptive âgée, un jeune garçon brûle accidentellement sa maison et cherche un foyer pour l’accueillir, tandis que progressivement se rapprochent les dangers de la Seconde Guerre Mondiale, qui fait rage non loin de là…
Morts les enfants
Projection choc de la Mostra de Venise en 2019, fresque malaisante confrontant trois heures durant les spectateurs à l’effondrement de l’humanité au cœur de la Seconde Guerre Mondiale, The Painted Bird est enfin distribué en France grâce à Spectrum Films. Une œuvre cinématographique puissante et repoussante.
Si le film a rapidement été auréolé d’une aura sulfureuse à cause de la réception particulièrement glaciale délivrée par de nombreux spectateurs et critiques à Venise, quittant la salle devant un spectacle qu’ils estimaient gratuit et nauséeux, The Painted Bird ou L’Oiseau bariolé trainait déjà quelques relents de scandale derrière lui. Celui d’un roman que Jerzy Kosinski présenta en 1965 comme un récit autobiographique faisant état des sévices dont il fut victime et témoin durant la Seconde Guerre Mondiale, mais qui ne s’avéra finalement qu’un mélange de témoignages extérieurs et d’imaginations. Est-ce que tout cela amoindrit véritablement la portée du livre et du film ? Pas vraiment puisque la véracité des faits n’est jamais en question dans The Painted Bird. Il y a d’un coté le cadre historique, purement cathartique et apocalyptique, et de l’autre le voyage allégorique au travers d’une terre hantée par la mort, la folie et les ténèbres. Le métrage renvoi alors aussi bien à la description d’une guerre vue par le regard d’une innocence qui ne cesse de se faner à la façon de Requiem pour un massacre (l’acteur enfant de ce dernier est d’ailleurs aussi acteur dans le second) et la mise en image dévastatrice d’une disparition presque totale de toute forme d’humanité digne de La Route de John Hillcoat. Le film s’ouvre d’ailleurs sur un monde presque totalement détaché historiquement, sorte de Oliver Twist particulièrement sadique dans un décorum aux lisières du médiéval avant qu’une séquence centrale montrant des juifs tentants de s’échapper d’un convoi ferroviaire viennent rappeler tout aussi brutalement au spectateur que l’action se situe bel et bien aux pires heures du XXème siècle.
Seul au monde
The Painted Bird est donc un film qui ne fait que nous confronter aux pires ténèbres de l’âme humaine et la facilité avec laquelle l’espèce peut rapidement retourner à une animalité vorace, à une bestialité terrifiante. Moins film de guerre que film sur l’horreur trop ordinaire, l’œuvre de Václav Marhoul (préparant actuellement un biopic très attendu de Joseph McCArthy) plonge ainsi totalement dans sa propre folie et ne détourne jamais le regard des actes de cruautés, des tortures, actes d’incestes, viols, meurtres ou massacres qui se déroulent presque constamment, et avec une rare crudité, devant les yeux d’un pauvre gosse sans nom. Formidable Petr Kotlár, qui grandit littéralement de séquences en séquences (le film a été tourné chronologiquement) en même temps que les dernières traces d’innocence et que son étincelle de vie s’éteint peu à peu. Éprouvant, mais non pas dénué de quelques rares notes d’espoir lorsque quelques adultes semblent encore capables de montrer des élans de tendresse ou de compassion comme Stellan Skarsgård en officier nazi qui lui laissera pourtant la vie sauve, ou Barry Pepper qui vient ici faire écho son personnage de sniper dans Il faut sauver le soldat Ryan (même si on pense ici surtout à La Liste de Schindler et L’Empire du soleil du même Spielberg). Et c’est peut-être ce qu’il y a de plus troublant dans The Painted Bird, cette ambition purement cinématographique, cette proposition esthétique affirmée.
Là où d’autres auraient opté pour un réalisme forcé digne du final d’Allemagne Année Zéro tourné dans les gravats de l’après-guerre, Václav Marhoul travail un noir et blanc particulièrement léché qui sculptent les paysages et les visages (impressionnant gros plans d’un Udo Kier plus métallique que jamais), des plans longs et fluides où l’horreur peut surgir à chaque instant pour étirer l’univers du film vers une universalité déchirante qui justement s’étend au-delà d’une seule et unique guerre, et vient forcément trouvé un résonance retentissante avec les évènements récents en Ukraine. Un film important tout simplement.
Image
Capturé sur pellicule 35mm et puis monté au format 4K, The Painted Bird nous parvient dans une copie numérique HD de très haute qualité. Rien de surprenant ici l’alliance entre la perfection numérique et le rendu viscéral de la pellicule aboutit à une précision redoutable et un rendu organique et vibrant des matières et subtilités de teintes. Le noir et blanc est délicieusement argentique et la définition pointu et ferme vient constamment creuser les plans et redessiner les contours. Splendide de bout en bout.
Son
La version originale et son étrange mélange de langues de l’est est très naturellement incarné dans un mixage DTS HD Master Audio 5.1. De quoi donner un coffre concret aux séquences les plus « spectaculaires » avec une dynamique ample et fluide qui accompagne les plans habités de centaines de figurant ou de scène de destructions terribles. La piste se montre naturellement tout aussi soignée pour les longues séquences plus calmes, voir froides, avec quelques notes d’ambiances naturelles (vent, bruissement…) et de rares dialogues toujours clairs et bien posés.
Interactivité
Même en dehors de leur corps de catalogue (les films asiatiques), Spectrum Films s’efforce de produire de superbes éditions. La preuve ici avec le coffret de The Painted Bird dont le fourreau cartonné (peut-être un poil trop fin) contient une toute nouvelle édition du roman original de Jerzy Kosinski. Un bel objet dont le boitier amaray glissé à ses côtés recueil trois disques. Une version DVD du film, la copie HD Bluray du métrage avec une introduction passionnée du cinéaste (qui porte le film depuis plus de dix ans) et un second Bluray consacrés aux bonus. Seulement deux, mais de tailles. A commencer par la rencontre avec le réalisateur Fabrice du Welz, grand défenseur du film, qui s’efforce dans souligner la poésie au-delà de la crudité, d’en exprimer la portée allégorique et de rappeler la nécessité de ce type de cinéma. L’autre suppléments est le passionnant making of du film qui avec ses deux heures bien tassées retrace presque au jour le jour l’aventure du tournage en prenant, là encore, le plus souvent le parti du regard du jeune Petr Kotlár. Mise en place des scènes, protection du jeune acteur, entrainement au piano, soirées post-tournage, maquillages, tournages des passages plus difficiles, rencontres avec les acteurs « célèbres », traversée des paysages européens… L’aventure et la passion sont palpables ici aussi.
Liste des bonus
La réédition du roman « L’Oiseau bariolé » de Jerzy Kosinski, Présentation du film par Vaclav Marhoul, « 11 Colors » : documentaire sur la genèse du film (120′), Intervention de Fabrice Du Welz (20′), Bande-annonce