THE WOODS
États-Unis – 2006
Support : Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Lucky McKee
Acteurs : Agnes Bruckner, Emma Campbell, Bruce Campbell, Patricia Clarkson, Lauren Birkell, Rachel Nichols
Musique : John Frizzell
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais PCM 5.1, Français PCM 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 90 minutes
Éditeur : BQHL
Date de sortie : 25 mai 2023
LE PITCH
Délaissée par ses parents, la jeune Heather découvre le pensionnat où elle devra passer une grande partie des prochaines années de sa vie. Un lieu à la fois beau et angoissant, construit au milieu d’une forêt de Nouvelle-Angleterre et dirigé par une directrice mystérieuse. Agressée très vite par certaines de ses camarades se montrant hostiles, elle se retrouve soudainement assaillie par des visions cauchemardesques récurrentes qui l’inquiètent. Des visions qui surviennent alors que certaines pensionnaires disparaissent, comme absorbées par la nature, par une puissance invisible et maléfique…
Femme forêt
Privé de sortie en salles après un détour par un purgatoire de trois ans d’attente, The Woods devait marquer l’entrée de Lucky McKee dans la cour des grands. Un deuxième long-métrage, après le superbe May, qui passait déjà par le cadre d’un studio hollywoodien, mais le mal est toujours tapis dans l’ombre.
Véritable révélation du cinéma d’horreur du début des années 2000, Lucky McKee avait certes déjà co-signé un All Cheerladers Must die avec son copain Chris Sivertson (The Lost, I Know Who Kill Me), mais c’est bien entendu avec son portrait troublant d’une jeune fille hors normes dans May qu’il marquait les esprits. Une production indépendante à tout petit budget mais débordante déjà d’une personnalité et d’un regard atypique, dont le succès d’estime lui permit d’apparaitre comme le réalisateur idéal pour le projet de la United Artist (ensuite racheté par Sony) : The Woods. Une énième réinterprétation de la figure de la confrérie de sorcière, du décor du pensionnat pour jeunes filles (difficiles) et des bois étouffants qui certes pioche à droite à gauche ses articulations et ses racines, mais qui faisait aussi écho à des thèmes plus personnels pour le jeune metteur en scène. La question de la normalisation de l’adolescente en premier lieu, ici Heather adolescente aux rapports conflictuels avec ses parents qui semblent se débarrasser d’elle en l’envoyant en internat, et donc McKee embrasse autant la colère, les fragilités que des premiers émois particulièrement touchants, presque angéliques, auprès d’une camarade de classe elle-même harcelée par d’autres élèves.
Des soupirs dans la nuit
Une quête d’indépendance et d’une certaine pureté dans un milieu oppressant, rigide et codifié où le sentiment de sororité est inévitablement perverti par une organisation matriarcale viciée et secrète où l’ingérence d’un liquide laiteux remplace l’offrande de l’Ostie. Difficile de ne pas reconnaitre dans cette exploration d’un monde adulte cachée et opaque, dans cette menace qui pèse constamment sur des lycéennes retrouvées mortes ou disparaissant en pleine nuit et bien entendu dans cette atmosphère méphitique orchestrées par un groupe de sorcière faussement bien intentionnée, des images et impressions directement tirées du film modèle Suspiria. Lucky McKee n’a jamais caché son admiration pour le cinéma de Dario Argento, ni pour celui de Sam Raimi auquel il empreinte les arbres possédés et les branches tentaculaires, ainsi qu’un Bruce Campbell toujours heureux d’échapper un peu à Ash. Une toile de références, une approche esthétique extrêmement élégante et une trame gothique profondément classique, qui auraient pu appesantir le film, si ces caractéristiques n’étaient pas entièrement dédiées au service d’une vision constamment symbolique de la puberté comme un état chrysalide, un entre-deux entre le réel et le rêve, le concret et le fantasme, trouvant des échos immuables et fascinants dans les tréfonds païens du mythe de la sorcière.
Un très joli film, mis en scène avec justesse, élégamment photographié, subtilement monté, mais qui ne fit malheureusement pas échos auprès de la production. En plus d’une petite bataille légale avec la Warner autour du titre (le film de Shyamalan deviendra ainsi Le Village), The Woods dû patienter trois ans dans les cartons avant d’être finalement expédié en DTV sans grands efforts publicitaires. Peu loquace au sujet du métrage, McKee n’a jamais vraiment confirmé non plus la rumeur d’un remontage et de censures du studio expliquant une tonalité beaucoup plus étouffée et suggestive que ses autres films d’horreur. En l’état, The Woods reste pourtant bel et bien une œuvre signée Lucky McKee, célébration animiste et poétique de la force et de la beauté féminine naissante. A redécouvrir certainement.
Image
Même si la copie semble être la même que lors sa première sortie en vidéo en 2006, son transfert sur support HD se fait particulièrement bien. La source est effectivement propre et plutôt pointilleuse et les teintes rejaillissent avec une belle intensité qui révèle constamment le travail sur les matières, la profondeur et les étendues de noir. On pourra regretter un piqué parfois un peu sur la retenue, mais en l’absence d’une nouvelle restauration 4K, c’est certainement le mieux que l’on puisse obtenir.
Son
Comme souvent chez BQHL pas de pistes DTS HD Master Audio, standard plutôt partagé depuis quelques années, mais un traitement LPCM légèrement plus sobre et franc aussi bien pour le doublage français, en 2.0, que la version originale 5.1. Cette dernière, sans en faire trop, délivre tout de même de très belle ambiances et une énergie bien présente lors de l’accélération finale.
Interactivité
Toujours pas de trace de réels suppléments aux USA autour du film, BQHL choisit donc d’inviter le journaliste Stéphane Moïssakis à venir le soutenir. Ce dernier évoque bien entendu la sortie de May et les nombreux désidératas de McKee autour de la sortie de The Woods, mais il s’efforce aussi de souligner les références existantes et les dispositifs thématiques et stylistique qui l’anime. Le propos tourne parfois un peu en rond, mais cela reste intéressant.
Liste des bonus
Présentation du film par Stéphane Moïssakis (24’).