THE VALIANT ONES
忠烈圖 -Taïwan, Hong-Kong – 1975
Support : Blu Ray 4K UHD & Blu Ray
Genre : Wu xia pian
Réalisateur : King Hu
Acteurs : Hsu Feng, Bai Ying, Roy Chiao, Sammo Hung, Yuen Biao, Wen-Tai Li…
Musique : Yun Dong Wang
Durée : 102 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Mandarin DTS-HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Spectrum Films
Date de sortie : 4 juillet 2024
LE PITCH
En Chine au 16ème siècle, un procureur général est nommé gouverneur de deux provinces se situant sur les côtes. Sa tâche est très difficile : éradiquer les clans de pirates et de ronins japonais, tout en déjouant la corruption qui s’est installée jusque dans les plus hauts rangs de l’empire. Il va alors faire appel à un ami d’enfance, ancien colonel de l’armée et fin stratège et un petit groupe de guerriers déterminés.
L’obsession de la perfection
Après deux coffret luxueux réservés au cinéaste, Spectrum Film continue son exploration du grand maitre du cinéma chinois, et du wu xia pian en particulier, avec la sortie en 4K de The Valiant Ones, autrefois connu sous le titre Guerriers et Pirates, aventure plus tournée vers l’action qu’à l’accoutumée, mais toujours aussi riche et méticuleuse.
The Valiant Ones n’aura pas été un tournage de tout repos. Perfectionniste jusqu’au bout des ongles, King Hu (L’Hirondelle d’or, Dragon Inn, A Touch of Zen), est un réalisateur qui aura vraiment apporté sa pierre à l’édifice avec maestria au cinéma asiatique, notamment le wu xia pian, donnant même au genre ses vraies lettres de noblesse. Un cinéaste majeur mais qui aura quand même eu beaucoup de difficultés pour boucler son film. Plus que jamais perfectionniste obsessionnel, King Hu, producteur de son propre film, se verra obliger d’aller quêter les investisseurs afin d’augmenter le budget d’un tournage qui, comme cela deviendra ensuite une habitude, commença à s’éterniser. Un premier montage de 150 mn sera présenté lors du festival de Cannes, puis ramené 102 mn, le film sortira en 1976 en France mais sans grand succès, car il ne sortira pas dans les salles habituellement dédiées aux films d’arts martiaux. Autant dire qu’il aura connu une très courte exploitation chez nous, et c’est tout à fait regrettable car The Valiant Ones s’avère être un film extrêmement soigné sur tous les plans.
Opération côtes nettes
Et effectivement, c’est une très belle (re)découverte que ce wu xia pian maîtrisé à la perfection. Ce qui fait notamment la réussite de ce film, ce sont l’utilisation et la mise en valeur des décors naturels d’une part, et la dynamique du montage lors des scènes de combats. Le cadre du récit taïwanais offre une opportunité en or. On est au 16ème siècle sous la dynastie Ming et l’empire chinois est assailli par les pirates japonais qui ravagent les côtes du royaume : l’empereur missionne un petit groupe de guerriers pour sécuriser la zone du littoral par tous les moyens, ce qui offre à King Hu un décor tout trouvé, avec ces régions côtières battues par les vagues et au sein desquelles un ennemi se cache derrière chaque rocher. Des décors naturels qui tranchent de manière sérieuse avec la plupart des productions de l’époque dans ce registre, privilégiant le tournage en studio avec des décors fleurant le polystyrène et le carton-pâte. C’est un véritable bonheur de parcourir les différents endroits avec les personnages, les forêts, les sentiers le long des berges, les terrains caillouteux, mais aussi quelques séquences en intérieur particulièrement mémorables.
Une certaine idée du parfait wu xia pian
Qui dit wu xia pian dit fatalement grosses tatanes (au sens propre d’ailleurs puisque beaucoup de scènes de baston se font à mains et pieds nus), et s’il faut attendre sagement avant de voir les premières inimitiés éclater en combats acharnés, c’est pour mieux nous régaler avec des affrontements franchement géniaux en intensité. Une intensité qui va d’ailleurs crescendo jusqu’à la dernière partie, avec des combats plus condensés, avec moins de personnages, mais qui deviennent de vraies montagnes russes et tournoient dans tous les sens à la faveur d’un montage hallucinant. Avec King Hu, les scènes de batailles ou de combats sont filmées à cent à l’heure et avec une précision remarquable, rien n’est laissé au hasard et dans ce capharnaüm d’épées qui tranchent et s’entrechoquent, on ne peut que rester abasourdi par cette minutie.
Entre la percussion des lames, le sifflement des flèches et le jaillissement des coups, le rythme est incroyable. Forcément, le point culminant dans tout ça, est incontestablement atteint avec l’arrivée de Sammo Hung (L’Exorciste chinois, Zu Les Guerriers de la montagne magique, Shanghai Express…) grand chorégraphe devant l’éternel, qui joue ici le rôle du grand méchant pirate japonais. Il est juste génial. Le duo de protagonistes mari et femme, interprétés par Bai Ying et Hsu Feng, donne aussi un parfum singulier au récit, et achève de nourrir une esthétique qui parvient à s’approcher de l’inégalable et merveilleux A Touch of Zen. Bien évidemment, au beau milieu de ces intenses et nerveux combats, ça n’empêche pas Hu de très bien retranscrire cette période qui se déroulait pendant la dynastie Ming, déjà avec les costumes, les décors et les armes, mais avec aussi certains personnages historiques comme l’Empereur Jiajing, que Hu dépeint comme quelqu’un de paresseux et désintéressé, un peu à la façon d’un Kurosawa, King Hu agrémente son film de ce qu’on pourrait voir comme une critique sociale. Même si on est devant un wu xia pian qui se veut en apparence très divertissant, on sent que le cinéaste est soucieux d’apporter une certaine véracité à son récit.
Considéré comme le véritable dernier grand wu xia pian (Il faudra attendre le révolutionnaire Zu pour que le genre renaisse de ses cendres avant de péricliter à nouveau), réalisé par un grand cinéaste, maître incontesté et incontestable, The Valiant Ones est un pur bijou au rythme qui fait qu’on n’a pas le temps de s’ennuyer, généreux en action, aux combats superbement bien chorégraphiés, où la science du cadrage prend ici tout son sens. Un récit magnifié par la splendeur des décors naturels, qui mérite très largement d’être découvert ou redécouvert.
Image
La restauration a été effectuée à partir d’un scan 4K des négatifs par la King Hu Foundation, et le traitement Dolby Vision a été assuré par Spectrum Films. Naturellement la copie 4K est juste sublime, très riche en détails comme la texture de la peau, les costumes, les paysages… La colorimétrie est superbement maîtrisée, les rouges sont particulièrement vifs, tandis que les teintes plus terreuses restent luxuriantes – prairies, feuilles, etc., les tons chair sont naturels, tandis que les bleus dominent (regardez les lignes du ciel). La palette de couleurs est d’une extrême richesse et la définition parfaite. Splendide.
Son
On retrouve ici le mono d’origine mais très agréablement restauré à son tour et présenté dans un DTS HD Master Audio 2.0 aussi sobre que performant. C’est très clair, les dialogues sont bien mis en avant, chaque bruitage est parfaitement restitué, aucun problème à déplorer.
Interactivité
L’édition se présente sous la forme d’un boitier scanavo trois volets (les disques UHD et Bluray de The Valiant Ones et un autre pour le film bonus), avec une jaquette réversible un livret reproduisant le livret de presse de « Guerriers et Pirates » et un fourreau cartonné au visuel vraiment très réussi et énergique.
Sur les disques proprement dits nous avons droit à la présentation du film par Arnaud Lanuque qui revient sur la difficile gestation du film. Une présentation riche en information et en détail. Parmi les interviews, celles de Billy Chan et de Ng Ming-choi sont vraiment très intéressantes, notamment celle de Ng Ming-choi, où on apprend, selon ses propres dires, qu’en plus de faire l’acteur, il faisait aussi office d’homme à tout faire auprès de King Hu, qu’il considérait véritablement comme son père. S’y ajoute une interview du très regretté Christophe Champclaux (qui était l’un des meilleurs spécialistes en ce qui concerne le cinéma asiatique), qui nous raconte notamment comment et où il a découvert le film.
Enfin, on profite d’un riche entretien réalisé par Frédéric Ambroisine avec Hsu Feng, qu’on peut considérer comme la muse de King Hu et qui, cerise sur le gâteau, est l’héroïne principale du film A City Called Dragon.
Ça tombe bien, c’est le film proposé en supplément par l’éditeur ! Un wu xia pian réalisé en 1969 par Tu Chong-hsun, assistant réalisateur de King Hu.Si sur le plan esthétique le film est impeccable, c’est au niveau du rythme et des chorégraphies que le bât blesse. Tu Chong-hsun, en bon élève appliqué fait preuve d’une certaine ingéniosité dans ses cadrages, mais reste tout de même un cran en dessous de son mentor. Il n’empêche que le film se regarde avec beaucoup de plaisir, et concernant la copie, toute nouvelle restauration 2K initiée par Spectrum Films, elle est s’inscrit joliment dans les limites du format bluray avec une belle définition, un piqué solide et des couleurs bien chaude, malgré quelques séquences plus instables.
Liste des bonus
Présentation de Arnaud Lanuque (13’), Interviews de Hsu Feng (15’), Interview de Christophe Champclaux (9’), Interview Billy Chan (19’), Interview Ng Ming-choi (24’), Bande-annonce et dossier de presse original, A City Called Dragon (89’, 1969).