THE SUBSTANCE

Etats-Unis, Royaume-Uni, France – 2024
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Coralie Fargeat
Acteurs : Demi Moore, Margaret Qualley, Dennis Quaid, Hugo Diego Garcia, Alexandra Papoulias Barton, Oscar Lesage…
Musique : Raffertie
Image : 2.39 16/9
Son : Anglais et Français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 141 minutes
Éditeur : Metropolitan Film & Video
Date de sortie : 13 mars 2025
LE PITCH
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A Star is Reborn
Chaque festival de Cannes se doit d’avoir son objet choc, autant rejeté qu’adulé, accompagné de ses habituels entrefilets parlant de spectateurs s’échappant de la séance pour aller vomir dans les couloirs, ou mieux tout de même, dans la cuvette des toilettes. Et en 2024, ce fut The Substance, auréolé au passage d’un prix du meilleur scénario, manifeste totalement « in your face » d’un cinéma au féminin en pleine réinvention.
Impossible de ne pas penser à mettre en parallèle la trajectoire de Coralie Fargeat avec celle de Julia Ducournau (Grave, Titane), chacun affichant des esthétiques et des réflexions qui leur sont propres, mais toute deux piochant allègrement dans une vraie mémoire cinéphile et affichant un amour débordant pour le cinéma de genre… Et pas forcément le plus respectable et le plus propre. D’ailleurs pour son premier long, Coralie Fargeat s’attaquait au rape & revenge, mais versant totalement bis, limite parodique et surtout culminant dans une violence décomplexée résonnant comme une libération face à une masculinité aussi brutale que toxique. Continuant de creuser un même sillon, The Substance va sans doute plus loin encore en opposant plus vraiment le regard homme / femme, mais bien en confrontant celui que la féminité s’impose à elle-même. Ex grande star de cinéma recyclée en animatrice vieillissante d’un show d’aérobic, Elisabeth ne se construit effectivement dans cette quête de perfection du corps et du maintien d’une jeunesse apparente. Elle n’est qu’un objet, visible, qui manifestement n’a plus son utilité, débarquée par le producteur (Dennis Quaid en clown à fric) dans l’espoir de trouver une égérie plus fraiche. Et comme dans un conte de fée (entre Blanche neige et Cendrillon), la formule miracle va apparaitre sous la forme « d’une potion magique » permettant de se créer un double, « la meilleure partie de vous », plus jeune, plus ferme et à même de séduire les caméras et le regard des hommes. Naturellement, nous ne sommes jamais loin d’un épisode de Black Mirror, les sacro-saintes règles exposées dans les premières minutes vont être transgressées et l’équilibre entre Elisabeth et Sue, deux facettes de la même femme, va vaciller et les répercussions apparaitre à même la chair.
Lifting sauvage
Une œuvre mutante, qui se mue peu à peu en film de sorcière, en film de monstre, en fable grotesque où les transgressions visuelles du body horror ne sont pas qu’une quête esthétique, mais bien le meilleur moyen de montrer l’absurdité d’une société patriarcale, pour et par les hommes, et dont les contours sont encore accentués par le décorum de la société du spectacle. Le corps est donc l’élément primordiale de The Substance, point névralgique d’un film qui passe de celui de Demi Moore (superbe retour !) à celui de Margaret Qualley avec la même distance, la même ferveur et la même absence d’effarouchement, les plaçant à une hauteur égale pour mieux les explorer jusque dans leur chair et en extraire les organes à même le sol. Le film est ainsi particulièrement admirable dans son jusqu’au-boutisme, s’engouffrant rageusement dans les excès gores et les explosions sanguinolentes, ne confondant jamais ironie et humour avec une pantalonnade rassurante. The Substance reste un film inconfortable de nature, mais aussi un peu plus malheureusement par la forme. Si effectivement certaines séquences se montrent d’une éloquente justesse (le plan fixe sur l’étoile d’Hollywood Boulevard, la déchirante séquence de maquillage avant un rendez-vous qui n’aboutira pas…) Coralie Fargeat retrouve aussi ses vieux démons ostentatoires, jouant d’une accumulation et d’une répétition constante d’images, de sons, de dialogues en voix off, de maniérismes outrés et bien trop soulignés, pouvant manquer cruellement de subtilité. Le mélange esthétique constant entre les cadres formalistes d’un Kubrick (Shining est cité tous les deux plans), la froideur d’un Cronnenberg (cité un plan sur trois) et du clinquant vidéo 80’s volontairement vulgaire avec la scène culte de Perfect entre Jamie Lee Curtis et Travolta en cible privilégiée, aboutit à une sorte d’essoreuse qui sur 2h20 va forcément tourner parfois un peu à vide.
Une proposition effectivement jubilatoire dans sa radicalité et dans sa mise en image d’un sujet plus souvent abordé avec une certaine politesse intellectualisée, mais qui effectivement aurait parfois mérité d’un peu plus de subtilité, voir d’élégance dans sa réalisation (les fisheye ça fatigue un peu) et de concision dans sa construction pour préserver la substantive moelle d’un concept effectivement redoutable.
Image
Capturé dans un mélange de caméra Arri Alexa (4.5K), Red V-Raptor (8K) et Red Komodo (6K), The Substance a cependant été volontairement downscallée en 2K pour amoindrir la netteté et la propreté éclatante initiale. Seules les séquences télévisées de la fameuse émission de gym restent disposées dans cette ultra HD impitoyablement creusée. Cependant, repasser en 4K pour la post-production et la diffusion, le métrage n’en reste pas moins renversant de fermeté et de finesses sur son disque UHD. Tout y est propre et pointu, puissamment défini, impeccablement creusée et bien entendu on ne peut plus propre et limpide. Sans surprise c’est le traitement des couleurs qui en met le plus plein les mirettes avec une palette ultra contrastée, flashy et pimpante, balancée avec la richesse surdimensionnée du traitement Dolby Vision pour une artificialité clinique imparable.
Son
Les pistes sonores DTS HD Master Audio 5.1 sont aussi agressives qu’elles doivent l’être, constamment pulsées par les percussions électroniques de Raffertie, écrasées sous les nappes sonores étouffantes et habitées de voix intérieures et du brouhaha d’une scène à la limite de l’hystérie auditive parfois. Des pistes ultra dynamiques, ultra immersives emportées par une énergie débordante mais qui n’empêchent pas de jolis équilibres sur les voix et une limpidité constante.
Interactivité
Aux vues du tapage médiatique qui a accompagné la présentation du film à Cannes puis sa sortie officielle en salles, on aurait pu s’attendre à une interactivité beaucoup plus chargée pour The Substance. On y trouve en effet comme seul segment une discussion entre Guillermo Del Toro et Coralie Fargeat enregistrée à l’issue d’une présentation publique du film. Le premier de tarie pas d’éloge sur la seconde et loue un film qui va jusqu’au bout de son propos et de son esthétique et souligne les liens avec la structure et l’imagerie du conte de fée. Plutôt sympa mais on s’étonne de ne pas retrouver ici le making of du film pourtant diffusé généreusement sur youtube ou autres, ou de ne pas profiter d’une rencontre avec l’actrice Demi Moore qui a sans doute énormément de choses à raconter dans ses liens un personnage qui fait forcément écho à sa propre carrière. Un peu dommage donc.
Liste des bonus
Conversation entre Guillermo del Toro et Coralie Fargeat (17’).