THE STREET FIGHTER L’INTÉGRALE
Gekitotsu! Satsujin ken + Satsujin ken 2 + Gyakushû! Satsujin ken – Japon – 1974
Support : Blu-ray
Genre : Action
Réalisateur : Shigehiro Ozawa
Acteurs : Sonny Chiba, Waichi Yamada, Tony Cetera, Etsuko Shihomi, Claude Gagnon, Masashi Ishibashi, Masafumi Suzuki, …
Musique : Toshiaki Tsushima
Durée : 257 minutes
Image : 2.35 16/9ème
Son : Japonais DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Le Chat Qui Fume
Date de sortie : 31 mars 2023
LE PITCH
Takuma Tsurugi est un mercenaire louant ses services pour des missions difficiles. Expert en arts martiaux, il a la réputation d’être impitoyable. Après avoir refusé de kidnapper l’héritière d’une société pétrolière, il devra affronter, dans The Street Fighter, les Cinq Dragons de Hong Kong, une dangereuse organisation criminelle. Dans Return of the Street Fighter, Tsurugi revient pour s’opposer à une famille de yakuzas qui rançonne les écoles d’arts martiaux et corrompt la police. Enfin, dans The Street Fighter’s Last Revenge, notre karatéka de choc est engagé afin de récupérer une cassette contenant un enregistrement compromettant pour le gouvernement japonais.
Au Karaté t’as qu’a réattaqué
Gros morceau du cinéma d’exploitation nippon des années 70, la trilogie The Streetfighter, produite par la Toei et portée par un Sonny Chiba ultra-charismatique devant la caméra énervée de Shigehiro Ozawa, intègre ces jours-ci le catalogue du Chat Qui Fume avec un coffret trois disques tout simplement indispensable. L’occasion de découvrir ou de redécouvrir dans des conditions optimales trois fleurons du cinéma d’arts martiaux, trois films qui ne reculent devant rien, et surtout pas le mauvais goût et les mauvaises manières, et qui forment un tout complètement dingue, à la fois cohérent, addictif et spectaculaire.
La sortie en cascade entre 1971 et 1973 de Big Boss, La Fureur de vaincre, La Fureur du dragon et Opération Dragon affole le box-office international, révolutionne le cinéma d’action et d’art martiaux et impose Bruce Lee comme une star et une icône. Un succès foudroyant, suivi de très près par une tragédie. Un œdème cérébral terrasse en effet l’acteur et artiste martial le 20 juillet 1973 à Hong Kong. Bruce Lee laisse derrière lui une veuve, deux orphelins, des millions d’admirateurs en larme de par le globe et une longue liste de projets à un stade plus ou moins avancé, dont Le Jeu de la mort, un long-métrage très ambitieux dont il avait été obligé de suspendre le tournage afin de se consacrer à Opération Dragon. On sait également que la Golden Harvest, le studio hongkongais dirigé par Raymond Chow et responsable de tous les succès de Bruce Lee, avait été approché par la Toei aux alentours de 1972. Le studio nippon, dont l’aura reposait alors en grande partie sur les yakuza-eiga de Kinji Fukasaku et les pinku-eiga de Norifumi Suzuki, espérait ainsi investir un nouveau genre et lancer de nouvelles stars tout en répondant aux provocations nationalistes et clairement anti-japonaises de La Fureur de vaincre. L’idée, pas plus mauvaise qu’une autre, était dans un premier temps d’opposer le kung-fu de Bruce Lee au karaté des grands maîtres du Pays du Soleil Levant, les adversaires finissant éventuellement par s’allier pour venir à bout d’une organisation criminelle. Des cendres de ce crossover fantasmé et vite avorté va finalement naître la trilogie des Satsujin Ken (rebaptisée The Streetfighter pour la distribution à l’internationale), véhicule taillé sur mesure pour un Sonny Chiba en route vers la gloire. Quant à Bruce Lee, le département marketing de la Toei lui rendra tout de même un dernier hommage (un peu douteux, avouons-le) en ouvrant la bande-annonce de The Streetfighter premier du nom sur les images des innombrables affiches d’Operation Dragon qui ornaient alors les cinémas de Tokyo et promettant un combat sans pitié entre les deux stars … au box-office ! À la Toei, rien ne se perd !
Le bagarreur
Avant de devenir acteur au début des années 60, Shinichi « Sonny » Chiba (de son vrai nom Sadaho Maeda) envisage très sérieusement une carrière de sportif de haut niveau. L’athlétisme, le base-ball et le volleyball rythment son enfance et son adolescence. Le karaté de l’école Kyokushin, la plus dure qui soit, obtient sa préférence et, sous la houlette du sensei Masutatsu « Mas » Ôyama (que Chiba incarnera lui-même dans une autre trilogie de films produits par la Toei entre 1975 et 1977), il s’élève jusqu’au plus haut niveau de la discipline. Une blessure l’oblige pourtant à reconsidérer ses choix de vie et il répond en 1961 à l’âge de 22 ans à une annonce de la Toei, le studio étant en quête de nouveaux visages et de jeunes premiers. Il s’impose immédiatement dans des rôles de héros, qu’il s’agisse de tokusatsu pour le petit écran comme Nana-iro Kamen (Seven Color Masks) ou Allah no Shisha (Messenger of Allah) ou de polars pour le cinéma avec la série des Drifting Detectives d’un débutant nommé Kinji Fukasaku.
Malgré un succès grandissant, Chiba ne dispose pourtant pas encore d’un grand pouvoir décisionnel lorsqu’il accepte en 1974 le rôle de Takuma Tsurugi, karatéka et mercenaire sans scrupules dans la série des Streetfighter. Bien que reconnaissant de la renommée apportée par le rôle, il n’en regrette pas moins que la nouvelle popularité du karaté, cet art martial qui compte tant à ses yeux, dépende d’un personnage aussi peu recommandable. Légèrement adouci pour un troisième et dernier film où il ressemble de plus en plus à James Bond nippon (avec masques, cachettes secrètes et smokings!), Takuma Tsurugi n’en reste pas moins un salaud violent et misogyne, un anti-héros badass à la fibre morale très aléatoire et pour qui ne compte que l’argent et la loi du plus fort. « Endurcis-toi ! Ne te laisse jamais battre ! », telles sont les dernières paroles du géniteur de Tsurugi, soldat sino-japonais et combattant émérite, injustement accusé de trahison et salement fusillé par les siens sous les yeux de son jeune fils. Pas étonnant qu’avec un tel passif, régulièrement asséné au public avec le même flash-back à des moments clés de chacun des trois opus, Tsurugi se moque totalement de l’autorité et de la justice au point de vendre une jeune femme à un réseau de prostitution pour payer ses dettes juste après avoir tué le frère de cette dernière !
Ceinture noire
En un temps record (les trois films sortent la même année, en février, en avril et en novembre avec des tournages qui ne durent que trois ou quatre semaines), le réalisateur Shigehiro Ozawa, pilier de la Toei et artisan solide et hyperactif repousse avec ses Streefighter plusieurs limites du film de baston. Il ose et il invente, sans avoir peur de l’excès. Son style, énergique et incisif, est comparable à celui d’un Kinji Fukasaku, le nihilisme et la conscience politique en moins. Et il n’est pas impossible qu’il compte d’ailleurs parmi les sources d’inspiration de Takashi Miike. Maître du Scope et du plan d’ensemble en mouvement, Ozawa met parfaitement en valeur les prouesses martiales de Sonny Chiba et son jeu outrancier fait de mimiques et de cris à rendre jaloux Bruce Lee en personne. Avec une scène d’action toutes les dix minutes et une durée à chaque fois inférieure à l’heure et demie, The Streetfighter, Return of The Streetfighter et The Streetfighter’s Last Revenge imposent un rythme soutenu et peuvent être vus comme des modèles de générosité, de folie et de concision.
Bien évidemment, la trilogie s’imprime dans la mémoire du spectateur par ses sorties de routes les plus déviantes et les plus inattendues. Ainsi, dans le premier film, Tsurugi castre un violeur (noir, dans un bel élan de racisme irresponsable) à mains nues, fracasse le crâne d’un homme de main de la mafia avec un coup improbable filmé aux rayons X et arrache la trachée du grand méchant lors d’un climax baroque sous une pluie battante ! Dans le second, lors d’un interlude digne des Bronzés font du ski (Tsurugi en kimono noir et bonnet jaune et blanc sur les remontées mécaniques de Nagano !!), notre héros, toujours d’aussi mauvais poil, assène un coup si violent dans la nuque d’un adversaire que les yeux de ce dernier gonflent et sortent de ses orbites !! Enfin, le dernier volet nous offre une séquence de drague supposée discrète où Tsurugi est déguisé en Dracula très 70’s et pop (!!!), un assassin sapé comme un mariachi qui se sert de lasers (!!!) et un arrachage de cœur en guise de point d’orgue pour la trilogie.
Malgré des intrigues de plus en plus simplistes à la logique de plus en plus discutable et un revirement presque tout public et assez maladroit pour le dernier film, la formule des Streetfighter fonctionne à plein régime. Quant à Sonny Chiba, il bouffe littéralement l’écran avec son charisme de panthère, bien entouré de seconds rôles mémorables (Masashi Ishibashi, Etsuko Shihomi, Masafumi Suzuki, Reiko Ike, Koji Wada, et on en passe). Pour conclure, nous laissons la parole à un certain Kenshiro, lointain descendant de Takuma Tsurugi : « Waaaatatatatatatatatata !!!! Omae Wa Mou Shindeiru ! » C’est clair, non ?
Image
Issus de restaurations récentes, les masters proposés par Le Chat Qui Fume et approuvés par la Toei semblent strictement identiques à ceux proposés depuis quelques années par les Américains de Shout Factory et les anglais d’Arrow. Quelques traces et accrocs subsistent mais on ne peut que s’incliner devant la tenue de la définition, des couleurs et des contrastes ainsi que la fidélité du grain à la source argentique. Comme à son habitude, l’éditeur français nous offre une expérience cinéphile irréprochable.
Son
Les bisseux les plus intégristes le regretteront sûrement mais les pistes françaises et créoles du second film manquent à l’appel, tout comme les pistes en langue anglaise des montages distribués aux USA. Pas grave, les pistes japonaises originales, malgré un très léger souffle, sont de fort belle tenue et garantissent un vrai confort d’écoute et une authenticité absolue.
Interactivité
Le packaging en digipack trois volets évoque bien entendu celui du fameux coffret DVD édité par HK Video en 2006 mais s’en démarque aussi habilement avec la mise en avant de Sonny Chiba dans une pose iconique. Le journaliste Fabien Mauro, auteur de plusieurs livres sur le cinéma populaire japonais, présente chacun des trois films dans la bonne humeur et avec moult anecdotes. Sur le deuxième disque, Fathi Beddiar s’offre une lettre d’amour très personnel et savoureuse à Sonny Chiba sur près d’une heure et témoigne avec entrain de sa passion pour les films d’arts martiaux. Les bandes-annonces restaurées complètent un programme auquel manque sans doute des entretiens avec les artisans nippons de la saga. HK avait inclus dans son coffret le premier volet des Sister Streetfighter, faux spin-offs animés par Etsuko Shihomi avec Sonny Chiba en guest star mais Le Chat Qui Fume a fait le choix en fin de compte cohérent et judicieux de les laisser de côté. Pour un futur coffret ? On l’espère.
Liste des bonus
The Street Fighter (24 minutes), Le retour du Street Fighter (7 minutes), La revanche du Street Fighter (11 minutes) par Fabien Mauro / Sonny Chiba par Fathi Beddiar (52 minutes) / Films annonces.