THE STORM RIDERS
風雲-雄霸天下 – Hong Kong – 1998
Support : Bluray
Genre : Action, fantastique, Wu xia pian
Réalisateur : Andrew Lau
Acteurs : Aaron Kwok, Ekin Cheng, Sonny Chiba, Kristy Wang, Shu Qi…
Musique : Chan Kwong-wing
Durée : 128 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Cantonais DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0, Français DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : Février 2023
LE PITCH
Afin de régner en despote et d’imposer sa suprématie sur les autres clans du Royaume-Uni, le seigneur Xiong Ba doit retrouver deux dix armes magiques. Une prophétie lui révèle qu’il doit réunir et former Vent d’Est et Nuage, deux disciples qui ne sont encore que des enfants, pour garantir son invincibilité. Arrivés à l’âge adulte, ils deviennent des super-combattants, mais leur destin ne peut s’accomplir que s’ils affrontent Xiong Ba, leur maléfique père adoptif…
Au cœur de l’orage
The Storm Riders est à l’origine un manhua (bande dessinée chinoise) créé par Ma Wing Shing. En 1988, il y eut une première adaptation pour la télévision réalisée par Shui Chung Yuet (connu pour avoir écrit le scénario de Zu, Les Guerriers de la montagne magique) mais il faudra attendre 1998 pour voir une adaptation réalisée par Andrew Lau (la trilogie Infernal Affairs) pour le grand écran. C’est donc l’occasion de se pencher sur cette adaptation sortie chez Spectrum Films et de voir si le film, qui comportait énormément de CGI à l’époque, a bien vieilli.
Les cinéphiles passionnés de cinéma asiatique et plus particulièrement du wu xia pian, se souviennent d’avoir rencontré il y a 26 ans un film tout fou et absolument délirant, le célèbre et fameux The Storm Riders. Un film mêlant trahisons, meurtres, héros légendaires et moult rebondissements épiques, sans oublier de valeureux héros face au grand tyran, sur fond de légendes ancestrales. Un joyeux fourre-tout aux effets spéciaux disons, osés, à la réalisation très stylisée et offrait, force est de le reconnaître, son quota d’action au spectateur en quête d’aventure. Mais près d’un quart de siècle plus tard, que reste-t-il de The Storm Riders ? À posteriori, nous avons affaire à un film qui emprunte tous les tics (même les pires) de mise en scène de la fin des années 90, avec des CGI que la HD actuelle achève de rendre obsolètes. Et il faut le reconnaître, pour apprécier pleinement le contenu et l’importance du métrage, et à sa juste valeur, il est nécessaire de le replacer dans le contexte de l’époque.
Années 90, dure période pour le wu xia pian
Hong Kong, fin des années 90. Dans l’industrie du cinéma de divertissement, le wu xia pian n’a plus le vent en poupe. Les polars de John Woo ont redéfini à leur manière le cinéma d’action Hongkongais, et Tsui Hark a mis une claque monumentale en 1995 avec son chef-d’œuvre barbare The Blade, mais malheureusement le box-office n’a pas suivi. Le wu xia pian semble bien mort et enterré. Il en va de même pour le cinéma Hongkongais durant cette deuxième moitié des années 90, un cinéma sur le déclin. La faute à plusieurs facteurs : le piratage de films qui prend de plus en plus d’ampleur, l’arrivée des multiplexes qui gonflent les prix du ticket de cinéma, le désintérêt du public pour des films de genre surexploités, les blockbusters hollywoodiens qui trustent le box-office local. Sans oublier la rétrocession de Hong Kong à la Chine qui commence à pointer le bout de son nez, faisant fuir les acteurs et réalisateurs stars du milieu tels que Jackie Chan, Sammo Hung, John Woo, Ringo Lam ou encore un Tsui Hark bien fragilisé par l’échec commercial de son chef-d’œuvre barbare The Blade. L’échec du film de Hark, fragilise aussi la légendaire Golden Harvest. L’usine à rêve de Raymond Chow s’associe donc avec B.O.B and Partners, société fondée par Andrew Lau, Manfred Wong et Wong Jing, qui cartonne avec sa saga des Young and Dangerous, et une jeune société spécialisée dans les CGI, Centro Digital, qui injecte de l’argent dans le projet tout en y voyant une opportunité de démontrer leur talent dans les effets spéciaux numériques encore balbutiants dans le cinéma HK.
The Storm Riders est un pari risqué de par son budget de 60 millions de dollars HK, et dans son parti pris de dépoussiérer le wu xia pian à gros coups d’effets digitaux, qui donnent au film une esthétique qui renvoie aussi au manhua qu’au jeu vidéo. The Storm Riders sera un gros succès au box-office local, redonnant au cinéma HK un nouveau souffle, et peut même être considéré comme un pionnier dans son genre puisqu’il n’est ni plus ni moins que le père de tous les wu xia pian blindés d’effets numériques qui ont suivis et qui sortent encore de nos jours. De plus, il est doté d’un excellent et incroyable casting : Aaron Kwok (China Strike Force, The Detective), Ekin Cheng (les Young and Dangerous), Shu Qi (Millenium Mambo), Kristy Wang (A Man Called Hero), l’incontournable Anthony « Ebola Syndrome » Wong et le légendaire Sonny Chiba qui nous gratifie d’une prestation mémorable notamment avec ses rires sardoniques.
Le temps est parfois bien cruel
À l’instar de Zu, Les Guerriers de la montagne magique en son temps, The Storm Riders est une sorte de nouvelle évolution du wu xia pian qui fait rentrer le genre dans l’ère du numérique. Mais 26 ans plus tard, est-ce que le film reste à la hauteur des espérances ? Pas sûr, car les effets spéciaux vieillissants mis à part, le long-métrage se veut trop ambitieux et à force de vouloir en faire de trop, le résultat n’est pas totalement concluant. Trop ambitieux dans son scénario déjà et pourtant simple en apparence : « Le Dominateur a tout pour régner en maître, il possède les épées les plus puissantes de la contrée et seul un adversaire, Sabre Preux, pourrait mettre fin à ses ambitions de conquête. Il fait alors appel à Bodhisattva, qui lui prédit que son combat face à un ennemi est gagné d’avance mais que seul deux adversaires, encore enfants nommés Vent d’Est et Nuage, sont un réel danger pour lui. Le Dominateur décide alors de faire intégrer de force les deux potentiels adversaires pour les avoir de son côté. Mais il ne s’agissait ici que d’une seule partie de son futur, et 10 ans plus tard, les choses vont se compliquer lorsque Vent d’Est et Nuage apprendront la mort de leurs pères respectifs ».
Bien qu’il se passe dans une Chine qui tient plus de la fantasy que d’une époque bien précise, dans la forme The Storm Riders est un wu xia pian classique. Action, trahison, drame, romance, tout y est. Le petit problème, c’est que le scénario se complique très vite, la faute à une multiplication de personnages plus ou moins utiles à l’intrigue qui rendent cette dernière relativement confuse, si bien que parfois, il semble manquer des pans entiers de l’histoire, en particulier dans sa première partie où le destin desdits personnages se croisent avec des facilités scénaristiques par moment assez énormes, à signaler également certains éléments du script qui par moment n’ont aucun sens. Malgré tout, le récit n’ennuie jamais, et il parvient à captiver quand il recentre son histoire sur ses personnages principaux.
Si la finalité de The Storm Riders soit connue dès le départ et que l’ensemble ne révolutionne pas vraiment le wu xia pian, le scénario reste quand même très plaisant à suivre entre la rivalité entre les deux guerriers à la personnalité totalement opposée, un triangle amoureux à l’issue tragique et les manipulations du Dominateur, notamment pour monter Vent d’Est contre Nuage l’un contre, et d’autre part s’en débarrasser pour de bon. Le scénario de The Storm Riders reste classique, il n’en va pas de même pour la réalisation et l’esthétisme du métrage, qui refuse toute tradition pour laisser place à la modernité. Si comme dans tout wu xia pian, les combats sont très aériens et réalisés à l’aide de câbles, ici, c’est à coup de pouvoir magique et de CGI qui font du film une sorte de jeu vidéo live. Le problème, c’est que les CGI ne sont pas au service de l’histoire mais le contraire, jusqu’à aller dans la surenchère d’effets digitaux imbuvable, notamment dans un combat final par moment visuellement incompréhensible.
Un film imparfait mais précurseur
En 1998, The Storm Riders, qui toutefois divisait déjà, avait pour lui ce côté novateur et cool, car, renvoyant à des joutes vidéoludiques, des attaques EX des jeux de baston (Tekken par exemple) aux RPG. Aujourd’hui, il faut reconnaître qu’il paraît daté et dépassé, normal pour un film qui a 26 ans. Mais plus que les effets spéciaux qui paraissent cheap de nos jours, bien que certains à défaut de tenir la route, parviennent encore à faire un chouïa illusion, mais, avec le recul, c’est ce parti pris de tout miser sur le numérique qui plombe aujourd’hui The Storm Riders .Si Andrew Lau avait un tant soit peu tenté d’insuffler un peu de tradition dans les scènes d’action, et donc de laisser de la place à de véritables chorégraphies pour les combats, présentes mais très rares, teintées d’effets numériques, le film aurait gagné en intérêt et aurait très certainement mieux traversé les âges.
Côté mise en scène, là aussi, The Storm Riders alterne entre le bon et le moins bon. La plupart du temps appliquée, Andrew Lau nous offre une mise en scène de bonne facture, il iconise ses personnages avec classe, mais on n’échappe pas à une réalisation parfois tape à l’œil. À ce titre, les 20 premières minutes sont par instants catastrophiques, notamment la scène qui voit le Dominateur affronter le père de Vent d’Est. Mal montée, remplie d’effets clippesques, de ralentis qui gâchent une première baston sans CGI aucun qui avait pourtant tout pour avoir de la gueule. The Storm Riders craint un peu dans ses premiers moments avant de se rattraper par la suite.
En définitive, The Storm Riders est un film qui, encore plus aujourd’hui, souffle le chaud et le froid. Si les effets spéciaux ont logiquement pris un sacré coup dans la carafe, ce n’est pas nécessairement ce qui plombe le long-métrage sur la longueur. Son scénario parfois confus, sa mise en scène la plupart du temps appliquée mais qui n’échappe pas à des effets de style parfois douteux et ses combats qui manquent non pas de générosité visuelle mais d’application de réelles chorégraphies en font plus une démo technique qu’un vrai bon wu xia pian à proprement parler. N’empêche, reste que malgré tout, il est une pièce maîtresse du cinéma HK qui l’aura fait basculer dans une nouvelle ère. Indispensable ? Peut-être pas, mais important, assurément.
Image
Alors qu’il s’améliore au fil du visionnage, une fois le déluge de CGI en début de film, ce transfert HD à la compression parfois visible (il arrive au grain argentique d’être bousculé) doit quand même se résigner à afficher une définition fluctuante et un piqué inconstant dus aux moyens de captations et autres tripatouillages visuels (comme l’usage de filtres) qui imprègnent la photographie elle-même lourdement retravaillée en post-prod. Mais à la différence de cette netteté, le master est immaculé, les couleurs très saturées (les cheveux bleus de Nuage, la robe rouge Hsiao-tse, les plantes vertes…) et les contrastes le plus souvent fermes (à deux ou trois plans près où les noirs manquent de profondeur).
Son
Il existait deux pistes (mandarin et cantonais) mixées en Dolby Digital EX 6.1 qui n’ont pas été reprises ici, Spectrum Films se fait largement pardonner avec la présence d’une piste cantonaise 5.1 claire et dépourvue de souffle parasite. Forcément moins immersive, les propositions stéréophoniques ne déméritent vraiment pas et s’avèrent même plus amples que la piste 5.1, et côté VF, elle s’en tire avec les honneurs.
Interactivité
Une présentation du film où Arnaud Lanuque, spécialiste du cinéma asiatique, revient sur la mise en chantier et la production de The Storm Riders. Riche en anecdotes, en passant au par un état des lieux du cinéma HK 90’s, jusqu’à la sortie en salle, Arnaud Lanuque nous offre une présentation très intéressante car très précise et complète. Ensuite, nous avons droit à une courte rencontre avec Panos Kotzathanasis, rencontre qui est plus orientée vers la simple présentation du film où Kotzathanasis nous explique le rôle et la place des personnages. Un module relativement court mais complémentaire au film. L’édition propose aussi un making of d’époque, avec plusieurs entretiens des protagonistes principaux et membres de l’équipe du film. Si ça sent un peu le côté promotionnel, on se rend compte que le tournage n’a pas été une partie de plaisir.
Enfin, nous attaquons le plus gros morceau parmi les bonus. Pendant pratiquement deux heures, la parole est donnée à divers intervenants ayant travaillé sur The Storm Riders. Au travers de ces entretiens, tous reviennent bien sûr sur le film, mais évoquent aussi et surtout leurs parcours respectifs. C’est sans langue de bois, très exhaustifs tellement ça recèle d’anecdotes et de références, c’est un vrai gros morceau de cinéphilie que nous offre ici Spectrum Films.
Sur la seconde galette, Spectrum Films nous propose A Man Called Hero en version intégrale, réalisé par Andrew Lau et toujours la même équipe. Et si The Storm Riders possédait des qualités indéniables, on ne peut pas en dire autant pour celui-ci qui s’avère plutôt pénible à suivre, à cause d’une narration assez bordélique et des CGI d’une très rare laideur. On suit le film avec une tendance à lever les yeux au plafond afin d’éviter d’avoir la rétine en sang. Mais le ouf de soulagement arrive lorsque le générique de fin apparaît. Excepté les CGI plus infames que jamais, la copie s’avère très belle, du même acabit que pour The Storm Riders, et idem pour le son, que ce soit pour la V.O ou la V.F (à trou), c’est parfait mais avec un plus pour la V.O. qui est plus dynamique.
Liste des bonus
A Man Called Hero (116’), Deux interviews d’Andrew Lau de 2022 (35’) et 2001 (13’), Interviews de d’Ekin Cheng (21’), Manfred Wong (19’), Jessinta Liu (23’) et Comfort Cham (21’), Présentation du film par Arnaud Lanuque (13’), Présentation du film par Panos Kotzathanasis (5’), Making of d’époque (22’), Nouvelle bande annonce du film (2’).