THE SPINE OF NIGHT
Royaume-Uni, Etats-Unis – 2021
Support : Bluray & DVD
Genre : Fantasy
Réalisateur : Philip Gelatt, Morgan Galen King
Acteurs : Richard E. Grant, Lucy Lawless, Patton Oswalt, Betty Grabriel, Joe Manganiello…
Musique : Peter Scartabello
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 93 minutes
Editeur : Extralucid Films
Date de sortie : 1 mai 2024
LE PITCH
Dans un monde au-delà de l’espace et du temps, la magie noire est tombée aux mains du Mal. Des héros de toutes époques et de toutes cultures luttent afin d’éviter que le monde ne sombre dans le chaos.
Chroniques barbares
Révélé en France lors de sa projection évènement à L’Etrange Festival puis diffusé plus récemment sur la chaine Shadowz, The Spine of Night est un film d’animation qui sort brutalement des chemins battus, à la confection presque artisanale, indépendante, et à la tonalité violente, crue et métaphysique. Crom !
Il a dû en falloir de la passion et de l’abnégation pour aboutir au long métrage tel qu’on le connait aujourd’hui. Alourdi par une production technique qui a pris pas moins de sept ans, confectionné avec amour presque exclusivement par les petites mains de Morgan Galen King sur son ordinateur perso, le film utilise une pratique que quasiment tous les studios ont aujourd’hui abandonnés : la rotoscopie. Une technique inventée par les frères Fleischer qui consiste à faire jouer les scènes au préalable par des acteurs, puis de redessiner le tout à la main (ou ici à la palette graphique), image par image pour aboutir à un canevas extrêmement réaliste sur lequel on peut alors ajouter l’univers et les détails voulus. Si la rotoscopie fut un temps relativement courante, même du coté de Disney, elle fut surtout l’apanage du grand Ralph Bakshi avec des œuvres comme Le Seigneur des anneaux (première adaptation toujours aussi méritante) ou Tygra, alias Fire & Ice, d’après des peintures de Frank Frazetta. Faut-il préciser que la découverte de ces deux films gamins a totalement traumatisé l’animateur et réalisateur du film en présence ici ? Rejoint par Philip Gelatt, plus connu pour ses travaux de scénariste sur Europa Report ou le jeu Rise of the Tomb Raider et en quête d’un projet loin des standards et des lourdeurs commerciales, il signe effectivement un vibrant hommage à un cinéma d’animation pour adulte aujourd’hui disparu, plus sombre et épique, revêtant alors le plus souvent les oripeaux de la Sword & Sorcery.
Chant d’un autre temps
Tous deux s’affirment ouvertement comme des geeks de la première heure et ajoutent comme terreaux la noblesse des textes de Robert E. Howard et l’adaptions de Conan de John Milius, ses dérivés bis de Dard l’invincible à Conquest de Fulci, le jeu de rôle Donjon & Dragons, l’atmosphère ténébreuse d’un Dark Soul, les élans guerriers du 300 de Frank Miller, les séries Les Maitres de l’univers ou Xena la guerrière (Lucy Lawless double bien le personnage principal) et des tonnes d’autres références littéraires essentiellement fantasy ou post-apocalyptiques. Un véritable creuset plus nourricier qu’handicapant où surnage clairement le mythe Heavy Metal, chef d’œuvre SF et rock’n’roll de 1981, auquel il emprunte tout autant le long héritage d’artistes révolutionnaires et libertaires de la revue Métal Hurlant, que la construction presque anthologique, où les différentes époques et les différents personnages sont tous liés par la menace de Mongrel, ses conquêtes dévastatrices permises par une plante magique et tripante. D’un royaume qui passe d’un moyen-âge boueux et encore très primaire jusqu’à un retro-futurisme aux lisières du Steampunk, The Spine of Night est un véritable fantasme de Dark Fantasy où les multiples affrontements sanguinolents et extrêmement gores (ça tranche à foison, ça se crame la tronche et ça arrache des yeux…) cohabitent avec une nudité frontale plus guerrière que sexuelle, et un nihilisme de plus en plus prégnant. Effectivement assez modeste dans sa production mais bourré de grandes ambitions, le film ne manque pas de défauts avec une opposition entre les personnages animées et les environnements ultra léchée qui tranchent parfois trop radicalement, de grandes batailles qui manquent de nervosité et de figurants convaincants, un récit en forme de collage assez déséquilibré… Mais il véhicule tout de même une atmosphère très particulière, sombre et hantée, et un univers que l’on imagine déjà vaste et puissant.
De ses choix techniques atypiques, voir presque anachroniques à ses visions cauchemardesques entre fresques barbares et métaphysiques post-new age, The Spine of Night impose fièrement ses différences.
Image
Entièrement produit, ou du moins animé, sur logiciels numériques, The Spine of Night s’inscrit aisément sur support Bluray avec une précision tout à fait admirable. Les teintes, éclatantes, sont toujours parfaitement définies, les noirs fermes et profonds, les contrastes fortement appuyés avec bien entendu un détachement très marqué des personnages animés, tout en aplats, et les arrières plans beaucoup plus riches et profonds. Aucun souci de compression ou de bruit numérique à notifier.
Son
Très solide, la seule piste DTS HD Master Audio 5.1 anglaise accompagne à merveille les ambitions profondes du métrage, venant bien souvent d’ailleurs lui donner un souffle épique supplémentaire grâce à une spatialisation qui s’efforce de décupler les forces présentes à l’image ou de donner plus de coffre encore à la bande sonore tour à tour musclée ou atmosphérique. Les dialogues sont toujours bien posés avec une petite dynamique non forcée et une légère dynamique bienvenue.
Interactivité
Nouveau film d’animation chez Extralucid Films avec un très joli packaging dont le digipack intérieur révèle un effet pop-up plutôt sympa. Sympa aussi l’opportunité de retrouver tous les suppléments des éditions US avec le sympathique making of qui en plus des habituelles interviews qui racontent le long cheminement du projet, permet d’observer les tournages avec les acteurs réels (en caleçons et en toges) qui ont servis de modèles aux animations, et les deux courts métrages Mongrel, simple baston contre un roi singe, et surtout Exordium, point de départ de The Spine of Night et que l’on peut voir désormais comme un prologue.
A cela, notre passionné éditeur français n’a pas hésité à ajouter un commentaire audio très instructif des deux réalisateurs, mais aussi une interviews croisée inédite via webcam. Forcément le propos a parfois tendance à se répéter avec les suppléments précédents, mais c’est ici que les deux intervenants semblent le plus à l’aise et le plus détendu, s’amusant de leurs péripéties, du temps passés à dessiner tout cela ou à trouver des partenaires économiques et techniques, et reviennent ouvertement sur leurs nombreuses influences. Il en est aussi forcément question dans la rencontre qui suit avec les trois fondateurs du festival Grindhouse Paradise de Toulouse qui y avaient projeté le film avec grand succès. Quelques points d’analyse pour une présentation un peu anecdotique (tout a déjà été dit dans les autres segments) peut-être, mais assez agréable à suivre.
Liste des bonus
Commentaire audio de Philip Gelatt et Morgan Galen King (VOST), Entretien avec Philip Gelatt et Morgan Galen King (30’), Rencontre avec Yoann Gibert, Johan Borg et Guilhem Carassus, co-fondateurs et co-programmateurs du festival Grindhouse Paradise de Toulouse (22’), Making of (30’), 2 courts métrages de Morgan Galen King : « Exordium » (2013, 8’) et « Mongrel » (2012, 3’), Bandes-annonces.