THE QUIET FAMILY
조용한 가족 – Corée du Sud – 1998
Support : Bluray
Genre : Comédie noire
Réalisateur : Kim Jee-Woon
Acteurs : Park In-hwan, Na Moon-hee, Song Kang-ho, Choi Min-sik, Go Ho-kyung, Lee Yun-seong…
Musique : Cho Young-wuk
Image : 1.77 16/9
Son : Coréen DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 101 minutes
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : 15 mars 2024
LE PITCH
La famille Kang gère une auberge de voyageurs dans une contrée perdue au milieu des montagnes. Leur premier client se suicide et la famille décide d’étouffer l’affaire pour ne pas porter préjudice aux affaires. Ce qui déclenche une série d’évènements macabres…
L’Auberge rouge
Bardé de prix et doté d’un succès retentissant en Corée, The Quiet Family et son mélange d’humour macabre et de farce satirique est surtout le point de départ d’un nouvel élan du cinéma coréen, plus populaire, stylisé et en partie tourné vers l’occident. Pas étonnant dès lors qu’on y retrouve au casting les presque débutants, Song Kang-Ho (Parasite) et Choi Min-Sik (Old Boy) aujourd’hui véritables stars dans leur pays et même au-delà.
Après quelques décennies de dictatures militaires et de contrôle total sur l’industrie cinématographique, mais aussi devant le déclin de la production hongkongaise, jusque-là centrale sur le marché coréen, le cinéma local se réveille enfin d’un long sommeil. Une nouvelle génération de cinéastes va rapidement se réapproprier les genres grand public (le polar, le thriller, l’action, la SF et même l’animation) pour les réinvestir d’un regard local et souvent de réflexion directe sur l’état de la société coréenne : Memento Mori, Shiri, JSA, L’île, Memories of Murder… Mais tout cela à peut-être commencé avec The Quiet Family, projet effectivement hors normes pour l’époque qui décrit les petits malheurs d’une famille typique coréenne qui ouvre naïvement une petite auberge dans la montagne, espérant trouver une belle clientèle chez les randonneurs et profiter, pourquoi pas, d’un vaste projet d’urbanisme tout proche. Malheureusement pour eux, leur petite entreprise ne semble attirer que les suicidaires, les encombrants rapidement de cadavres dont ils ne savent que faire, susceptibles surtout de leur faire mauvaise presse. On les enterre un peu plus loin dans les bois, mais comme le malheur n’arrive jamais seul, les ennuis vont s’accumuler, et d’autres morts, pas toujours accidentelles, vont émailler le quotidien bien compliqué des Kang.
La mélodie du malheur
Ancien metteur en scène de théâtre, Kim Jee-woon (2 Sœurs, J’ai rencontré le diable, Ça tourne à Séoul…) qui signe ici son premier long métrage, ne commet pas l’erreur de transformer ses protagonistes en version coréenne de La Famille Adams. Un peu loufoques, gentiment allumés et décalés, mais surtout terriblement normaux, les Kang sont pour le réalisateur une vision à peine caricaturale de la famille moyenne typique, quettant une réussite qui ne peut arriver, acceptant avec un fatalisme de plus en plus inquiétant les horreurs dont ils sont témoins, finissant même par se féliciter de leur habilité à creuser les tombes. L’essentiel finalement c’est l’honneur, le travail bien fait et l’entreprise familiale jusqu’à l’absurde. Circonscrit dans le décor unique de la fameuse auberge et de son environnement direct (les bois alentour, la remise et le chemin), The Quiet Family fonctionne comme une loupe grossissant joyeusement le trait, s’approchant du burlesque mais sans y tomber, multipliant les situations ubuesques, les maladresses meurtrières, mais toujours avec une certaine retenue assez bienvenue. Là où d’autres auraient aussi fait vriller l’opération vers le jeu de massacre au sein même d’une famille définitivement dysfonctionnelle, Kim Jee-woon joue plus volontiers sur le décalage entre l’escalade sanglante des situations qui s’emboitent irrémédiablement et la cohésion silencieuse d’un groupe de plus en plus soudé dans sa folie.
Plus plaisant qu’hilarant, mais définitivement sympathique, le film affirme déjà au passage ce fameux mélange des genres et de ton qui fait l’une des forces du cinéma coréenne, tout autant que ce soin dans l’image et dans une mise en scène fluide et élégante. Il fait aussi éclater le talent de deux acteurs émergents, Song Kang-ho en fils crétin et un poil pervers, et Choi Min-Sik en oncle ébahi, qui devinrent ainsi presque immédiatement les moteurs d’un nouvel élan dans le cinéma du « pays du Matin calme » qui s’agite pour son plus grand bien.
Image
Une petite vingtaine d’année après un DVD relativement discret, The Quiet Family revient enfin en vidéo en France avec un Bluray qui profite pleinement d’une restauration évidente. Nettoyage solide, stabilisation, réétalonnage minutieux sont auréolés d’une définition tout à fait solide et pointilleuse. Ça manque parfois d’un soupçon de profondeur et les teintes essentiellement sombres et terreuses ne sont pas là pour en mettre plein la vue, mais le transfert HD a été produit avec beaucoup de soin.
Son
La piste originale coréenne est désormais présentée dans un DTS HD Master Audio 5.1 plus net et équilibré qu’autrefois. Tout y est clair et bien balancé, énergique même, abordant cependant la spatialisation avec une certaine modestie, se contentant de rares effets d’ambiances ou d’un soupçon de peps sur les chansons utilisés dans le film.
Interactivité
Toujours limité à 1000 exemplaire et disposé dans un léger fourreau cartonné, l’édition bluray de Spectrum Films reprend une large partie des suppléments produits il y a quelques années pour une ancienne sortie coréenne du film. Les bonus vidéo asiatiques sont donc uniquement en SD, mais n’en sont pas moins toujours aussi intéressants. Un segment sur les storyboard du film, un détour sur le design et la construction, très précis, de la fameuse maison du film, et une exploration des chansons choisies par le producteur musical viennent très efficacement compléter un long document vidéo sobrement intitulé « Interviews avec l’équipe du film ». Celui-ci se révèle pourtant assez original puisque dans un premier temps c’est Kim Jee-Woon qui interroge tour à tour Choi Min-sik (alors en plein tournage de Old Boy), Go Ho-kyung, Lee Yun-seong et Song Kang-ho, avant que ce dernier ne prenne à son tour le micro pour poser quelques questions au réalisateur. Ici tout le monde revient quelques années après la sortie du film sur leurs souvenirs de tournage et l’impact que celui-ci a eu sur leur métier et la carrière. Question d’aborder le métrage de manière plus précise encore, l’édition dispose d’un commentaire audio très sympa réunissant Kim Jee-woon et Song Kang-Ho et sous-titré en français (ce qui n’est malheureusement plus une évidence).
A ce programme déjà bien complet, Spectrum Films ajoute une présentation de l’enseignant universitaire et spécialiste du cinéma asiatique Antoine Coppola, qui replace justement le film au sein de l’émergence d’un renouveau coréen, explore sa contenance sociétale et politique et tisse quelques liens avec d’autres œuvres qu’il a pu inspirer au cours des années suivantes, et pas uniquement l’excellent remake chantant de Takeshi Miike.
Liste des bonus
Commentaire audio de Kim Jee-woon et Song Kang-Ho, Présentation de Antoine Coppola (23’), Interviews avec l’équipe du film (39’), Storyboard (4’), Production deasign (6’), Clips vidéo (11’), bande-annonce.