THE QUIET EARTH
The Quiet Earth – Nouvelle-Zélande – 1985
Genre : Science-fiction
Réalisateur : Geoff Murphy
Acteurs : Bruno Lawrence, Alison Routledge, Peter Smith, Anzac Wallace…
Musique : John Charles
Durée : 91 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : The Jokers
Date de sortie : 17 novembre 2021
LE PITCH
Une expérience fait disparaître tous les êtres humains, du jour au lendemain. Ou presque. Unique survivant et membre du projet responsable de cet apocalypse, Zac Hobson erre sur une planète dévastée et silencieuse…
Je suis une légende
Un passage discret au défunt festival du film fantastique d’Avoriaz, une sortie purement technique dans les salles obscures de France et de Navarre en juin 1986 et puis s’en va. Invisible dans nos contrées depuis plus de trente ans, Le dernier survivant, classique mineur du cinéma néo-zélandais, sort enfin de l’oubli grâce à une édition en blu-ray signée The Jokers. Après le très beau collector consacré à Utu il y a déjà trois ans, l’éditeur célèbre à nouveau Geoff Murphy et sa vision impitoyable et poétique d’un monde livré à la folie et aux passions des hommes.
« C’est ainsi que finit le monde / Pas sur un boom mais sur un murmure ». Outre le roman de Craig Harrison qu’il adapte plus ou moins fidèlement, le troisième long-métrage pour le cinéma de Geoff Murphy rend donc un hommage indirect à l’un des plus célèbre vers du poète américain T.S. Eliot, issu de « The Hollow Men ». Mais ce n’est pas la seule citation de ce cher Thomas Stearn Eliot que l’on pourrait raccrocher aux thématiques et à l’intrigue de ce Dernier survivant. « Dans mon commencement est ma fin et dans ma fin mon commencement » peut-on lire dans le poème « Eat Cocker » et cette notion de circularité, de fin impossible et de perpétuel recommencement habite littéralement la quête de pauvre Zac Hobson, ultime représentant de l’espèce humaine (ou, du moins, le croit-il) et dont les pulsions de mort l’amènent à chaque fois sur de nouveaux rivages, jusqu’à un climax ouvert à de multiples questions et interprétations. Le tout dernier plan sur lequel déroule le générique de fin au son de la superbe partition mélancolique de John Charles n’est pas un cliffhanger mais une impasse. Est-ce un nouveau monde, une dimension parallèle ou bien l’au-delà ? On ne le saura jamais mais l’intérêt de ce choc esthétique, narratif et sensitif de ce pur moment de science-fiction est ailleurs. Le cinéaste touche du doigt le vertige métaphysique d’une apocalypse silencieuse et mystérieuse et répond ainsi au premier plan, lever de soleil majestueux et incandescent mais aussi terriblement inquiétant.
Devine qui vient dîner ?
Pour sa troisième (et dernière) collaboration avec Geoff Murphy après la comédie Goodbye Pork Pie et le western maori Utu, l’acteur et musicien Bruno Lawrence prend du galon et participe ici à l’écriture du scénario aux côtés de Bill Baer et Sam Pillsbury. Mort prématurément d’un cancer du poumon fulgurant en 1995 à l’âge de 54 ans, Lawrence délivre une performance stupéfiante. Seul à l’écran pendant plus d’une demi-heure, il passe du désarroi à la folie pure sans jamais tomber dans la caricature, même lorsqu’il s’agit de se balader en nuisette dans une église, un fusil à pompe à la main ! Son Zac Hobson est un homme ordinaire, un vieux garçon confronté à la fin du monde et qui, passé la nécessité de satisfaire ses fantasmes, cherche à donner du sens à un sacrifice qu’il sait inévitable.
Rejoint au début du second acte par Joanne (Alison Routledge) puis par Api (Pete Smith) au début du troisième, Hobson se retrouve au centre d’un ménage à trois qui marque une différence fondamentale avec le roman dont le film est issu. L’occasion pour Geoff Murphy de rappeler les tensions raciales entre les anciens colons (les blancs) et les indigènes (les maoris) et qui minent la Nouvelle-Zélande en sourdine depuis presque deux cents ans. Il est surtout permis d’y voir un hommage direct à Le monde, la chair et le diable, post-apo américain en noir et blanc de 1959 où Harry Belafonte et Mel Ferrer s’affrontaient pour les beaux yeux d’Inger Stevens sur une terre dépeuplée suite à un holocauste nucléaire.
Privilégiant l’intimisme et une tension palpable au détriment d’un spectacle qu’un budget riquiqui ne lui permettait de toute façon aucunement, Geoff Murphy démontre un talent indiscutable d’artisan consciencieux, soignant ses cadrages et ses ambiances. Fascinant de bout en bout, Le dernier survivant est probablement l’ultime réussite d’un cinéaste dont l’aventure hollywoodienne ne fut guère à la hauteur de son talent (Young Guns 2,Freejack, Piège à grande vitesse, de la série B de luxe, ni déshonorante, ni vraiment mémorable) avant une reconversion en réalisateur de seconde équipe, notamment sur la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, admirateur sincère de ce pionnier du cinéma kiwi.
Image
Superbe copie à la définition inespérée, respectueuse du grain d’origine et dénuée du moindre bidouillage numérique. Quelques points blancs se baladent à l’écran et la colorimétrie perd de temps à autre de sa superbe avec des jaunes qui virent au blanc et des bleus qui flirtent avec le gris mais la rareté et la qualité générale du traitement incitent à l’indulgence pour un résultat final un cran au-dessus du pourtant très méritant bluray sorti chez Arrow Video en Grande-Bretagne.
Son
Un mixage 5.1 tout neuf, propre et claire mais discret avec de rares sursauts multicanaux (la scène de l’église, l’explosion du camion-citerne). Les puristes auraient sûrement aimé avoir le choix avec le mixage stéréo d’origine mais cette piste retravaillée ne dénature en rien le ressenti.
Interactivité
C’est assez limité mais les trente minutes d’entretien avec Alexis Lebrun de Gonzaï Magazine ont le mérite de faire le tour de la production, des intentions et de l’héritage laissé par le film de Geoff Murphy. Le ton est un peu hésitant mais l’analyse est passionnante et pertinente. Pour rappel, Arrow proposait un commentaire audio et deux featurettes dont le contenu offre en bout de course bien peu de différences avec le bonus maison de la présente édition.
Liste des bonus
« Le dernier survivant : pierre angulaire du cinéma post-apocalyptique » : entretien avec Alexis Lebrun (30 minutes).