THE LONGEST NITE & EXPECT THE UNEXPECTED

暗花 / 非常突然 – Hongkong – 1998
Support : Bluray
Genre : Policier
Réalisateur : Patrick Yau, Johnnie To
Acteurs : Lau Ching Wan, Tony Leung, Maggie Shiu, Simon Yam, YoYo Mung, Ruby Wong…
Musique : Raymond Wong, Cacine Wong
Durée : 86 et 86 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Cantonnais et français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : 7 janvier 2021
LE PITCH
Les deux principales familles du crime organisé à Macao sont au bord de la guerre. Sam, un flic corrompu travaillant pour l’une des familles, essaie de garder la situation sous contrôle. Tony, un mystérieux inconnu au crâne rasé débarque alors en ville. Les morts s’accumulent et l’étau se resserre autour des deux héros.
Trois malfrats maladroits débarquent de Chine pour braquer une bijouterie. Leur plan dérape et ils se réfugient par hasard dans le même immeuble où se planque une bande de dangereux criminels pistés par l’inspecteur Ken et son équipe. Mandy, la serveuse du café en face, devient le témoin principal.
Constellations obliques
Sortis sur les écrans chinois à quelques mois d’intervalles et produits / réalisés par une équipe déjà rodée sur Beyond Hypothermia, The Odd One Dies ou A Hero Never Dies, The Longest Nite et Expect The Unexpected résument à eux seuls toutes les ambitions de la société de production de Johnnie To et Wai Ka-Fai, et ses petits travers.
Réalisateur de cartons internationaux comme PTU, Breaking News, Election ou Mad Detective, Johnnie To est aussi, et sans doute avant tout, le grand patron de la firme Milkyway, société de production incontournable dans l’industrie du cinéma hongkongaise depuis les années de la rétrocession. Depuis finalement la fuite des cerveaux, les auteurs de la trempe de John Woo, Kirk Wong ou Tsui Hark s’embarquant tous pour les promesses hollywoodiennes. D’ailleurs To partage avec le dernier nommé ce même défaut du producteur / réalisateur incapable de laisser les coudées franches à ses ouailles, écartant bien souvent ces derniers de la véritable direction artistique du film. Et le cas le plus symptomatique reste cette collaboration tendue et trouble avec son ancien assistant Patrick Yau (The Odd Ones Dies) signant officiellement pour lui le diptyque en présence, The Longest Nite / Expect The Unexpected, dont le producteur s’empressera de réclamer la paternité dès que les récompenses pointeront le bout de leur nez. Un procédé un peu douteux (mais hé qui n’a pas connu ce genre de personnage ?) même si effectivement les deux opus annoncent et reflètent directement l’identité des productions Milkyway et la filmographie personnelle de Johnny To. Cette volonté de se réapproprier les polars stylés, les heroic bloodshed cher à John Woo et toute une génération de cinéastes à l’âme chevaleresque, mais en l’amenant dans des directions nouvelles. Une vision justement beaucoup moins romantique et vaillante, plus réaliste, plus sèche et, en reflet direct avec l’état de l’ancienne colonie britannique alors, largement dans l’incertitude du comportement de l’état chinois (aujourd’hui c’est bon, ils ont bien saisi…) et frappée d’une terrible crise économique. Ainsi, les deux films sont irrémédiablement marqués par un arrière-plan social délétère, précaire, et un terrible fatalisme faisant du hasard et du destin les pires ennemis des protagonistes.
Chine nouvelle
Cette notion de chance, de basculement de la lumière aux ténèbres et particulièrement prégnant dans Expect The Unexpected récit d’une poursuite interminable, et électrique, entre une sympathique section de police et un gang de braqueurs ultra-violents. Un soupçon de Heat, mais aussi et avant tout une balance incessante entre une description hard boiled de la dureté du terrain (les criminels tuent et violent des femmes entre deux casses) et la légèreté, presque naïve parfois, de la chronique sentimentale. Une annonce des futures comédies romantiques qui renfloueront les caisses de la Milkyway, mais aussi une manière habile d’assener un regard particulièrement résigné sur la vie par un final en forme d’impasse. Que ce soit Johnnie To ou Patrick Yau aux commandes, l’efficacité y est indéniable, tout comme dans le suivant et plus connu The Longest Nite. Imprégné des atmosphères apocalyptiques du Seven de David Fincher, le polar plonge dans les rues nocturnes de Macao, théâtre d’un face à face des plus troubles entre un flic ripoux (Tony Leung échappés du cinéma de Wong Kar Wai) et un mystérieux personnage venu enrayer sa machine. Écris au fur à mesure du tournage, souvent on ne peut plus nébuleux dans ses manipulations et twists alambiqués, le scénario est surtout le socle pour la mise en boite d’un thriller poisseux. L’illustration d’un monde criminel chaotique que le bien semble avoir définitivement déserté, ne laissant plus que quelques âmes damnées se débattre comme des marionnettes. Il est bien loin le temps des confrontations nobles et élégantes du temps de John Woo, lorsque la dernière bobine The Longest Nite pulvérise des dizaines de miroirs dans un gunfight volontairement bordélique.
Peut-être pas aussi révolutionnaires qu’on avait pu le penser alors, mais définitivement impactant ces deux rejetons caractéristiques de l’école Milkyway, s’observent encore comme une fracture sèche avec le cinéma de la génération précédente, une déconstruction, un peu poseuse, du film policier made in HK. Par contre ce qui ne fait aucun débat, ce sont les prestations exceptionnelles de Lau Ching Wan (Full Alert, Mad Detective), flic espiègle et tendre dans l’un, figure solitaire et mutique dans l’autre, qui insuffle avec naturel un charisme et surtout un certain sens des nuances qui sinon aurait pu manquer.
Image
Difficile de trouver d’autre traces de Blurays officiels pour ces deux films. On se dira alors que Spectrum Films se la joue une nouvelle fois précurseur et défricheur, et ce malgré son statut de petit indépendant français. Belle prouesse surtout que les deux masters ont été soigneusement restaurés, mais uniquement manifestement avec des outils numériques. Les cadres sont donc excessivement propres, dénués enfin de toutes instabilités et perditions, et délivrent une restitution solide des photos de chaque film. Essentiellement lumineuse et ample pour l’un. Sombre et obstruée pour l’autre. Le piqué est lui un peu plus changeant, avec des résultats très accrocheurs dans les gros plans et les séquences les plus calmes, souvent plus doux et moins pointu lorsque la caméra s’emballe ou s’éloigne. Dans tous les cas, les masters sont plus que satisfaisants.
Son
Inédit en France, Expect The Unexpected ne propose pas de version doublée. La pistes DTS HD Master Audio 5.1 cantonaise est cependant tout à fait probante avec une dynamique certes limitée, mais une restitution très claire, propre et efficace. C’est un peu mieux que le DTS HD Master Audio 5.1 de The Longest Nite qui en version originale impose une légère distance et un équilibre pas toujours au point entre les ambiances et la musique. Si le doublage de ce type de film est toujours sujet à débat, la version française malgré son jeu très aléatoire se montre étrangement plus généreux dans sa dynamique.
Interactivité
Distribué à la même date et certainement produits en parallèle, les Blurays de The Longest Nite et Expect The Unexpected se ressemblent beaucoup et se complètent. On y retrouve ainsi la même présentation de la société Milkyway par Arnaud Lanuque, mais les items suivants, sont spécifiques à chaque disque. A l’instar des désormais traditionnelles présentations éclairantes et précises d’Arnaud Lanuque (encore lui), ou des introductions supplémentaires en anglais (moins essentielles) du spécialiste Panos Kotzathanasis. A cela s’ajoute quelques éléments d’archives plutôt intéressants comme le reportage sur la première publique de Expect The Unexpected et quelques images du tournage, et l’interview du producteur / réalisateur Johnny To échappé de l’édition DVD de HK Video de The Longest Nite. Bon moyen de se refamiliariser avec un personnage assez particulier, s’accaparant sans aucun soucis la paternité du film et se moquant sans retenue de ses prédécesseurs. De quoi conforter largement les propos tenus par le journaliste Yannick Dahan qui avec sa volubilité légendaire vient désacraliser les productions Milkyway, le statut d’« auteur » de Johnny To et l’effondrement artistique du cinéma HK. Plutôt culotté de la part de Spectrum.
Liste des bonus
Expect The Unexpected : Présentation par Arnaud Lanuque, Le Studio Milkyway Image par Arnaud Lanuque, Yannick Dahan & Milkyway 2ème partie, Introduction d Panos Kotzathanasis,NG Footage, Premiere Show, Bande annonce.
Liste des bonus The Longest Nite : Présentation par Arnaud Lanuque, Interview de Johnny To, Le Studio Milkyway Image par Arnaud Lanuque, Yannick Dahan & Milkyway 3ème partie, Introduction de Panos Kotzathanasis, Bande annonce.