THE LEGEND OF THE SACRED STONE & DEMIGOD : THE LEGEND BEGIN
聖石傳說, 素還真 – Taïwan – 2000 / 2022
Support : Bluray
Genre : Wu xia pian, Fantastique, Animation
Réalisateur : Chris Huang
Acteurs : Vincent Huang
Musique : Wu Bai, Ric Jan, Vincent Huang
Image : 1.85 16/9
Son : Mandarin DTS HD Master Audio 5.1 et Dolby 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 90 et 103 minutes
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : 15 juillet 2024
LE PITCH
Legend of The Sacred Stones : Défiguré et animé d’une haine implacable, le Seigneur Jian est à la recherche d’une Pierre Sacrée, capable d’accorder n’importe quels vœux. Trois nobles guerriers, dont le légendaire White Lotus, vont se retrouver impliqués dans le plan machiavélique de Jian. Parallèlement, des créatures au service de Mo-Kui , elles aussi à la recherche de cette pierre mystérieuse, sèment sur leur chemin des cadavres.
Demigod The Legend Begins : Contre l’avis de son maître, Su Huan-jen s’immisce dans des luttes de pouvoir opposant différents clans. Son erreur lui coûte cher : il se retrouve au cœur d’une conspiration impliquant un mégalomane aux forces obscures.
Du grand art
A priori les films faisant appel à l’ancestral art des marionnettes, se résument pour les occidentaux aux merveilles du studio américains de Jim Henson (Dark Crystal, Labyrinthe…), mais en Asie, le maitre du genre se nomme le Studio Pili. Une maison héritière d’une longue tradition taïwanaise, passée des spectacles de rues aux petits puis aux grands écrans, pour des fresques minutieuses et démesurées, tour à tour virtuoses et frénétiques comme en attestent leurs deux superproductions réunies dans un unique coffret par Spectrum Films.
Appelée Budaixi, les marionnettes à gaines utilisé par le studio Pili viennent effectivement d’une longue tradition taiwanaise. Un art apparu au XVII siècle, au départ itinérant, où les artistes faisaient revivre les grandes légendes locales, comme celle de Mulan, dans des spectacles de plus en plus sophistiqués. Les générations avançant, le budaixi s’est, comme l’opéra chinois auquel il ressemble beaucoup par son maniérisme et son opulence esthétique, largement codifié autant dans sa structure (trois actes seulements), ses visages forcément fixes, ses figures récurrentes que dans l’impérative présence d’un seul et même acteur pour faire toutes les voix des personnages, même celle des femmes. Mais le genre n’est manifestement jamais resté fermé à une certaine modernisation intégrant de plus en plus de scènes de combats et d’effets spéciaux (rubans jetés et feux d’artifices…) pour figurer les pouvoirs de héros de plus en plus surpuissants, et se tournant finalement assez rapidement vers la télévision et le format de la série TV. C’est dans ce creuset que nait le Studio Pili, dirigé par des membres de la famille Huang, descendant justement de plusieurs générations de maitres marionnettistes. La force de ce studio en particulier est de déployer un gigantesque réseau de légendes et de personnages de son cru, qui vont se croiser, s’allier et se combattre de séries en séries, dans des récits feuilletonesques à souhait fait de complots, trahisons, secrets ancestraux et incursions démoniaques de tous poils particulièrement complexes uniquement exorcisés par l’énergie survoltée déployée dans des affrontements particulièrement spectaculaires.
Ce ne sont pas des guignols !
Un esprit et un savoir-faire qui frappent puissamment à la découverte de leur premier long métrage, The Legend of the Sacred Stone sorti sur les écrans à Taiwan en 2000. Là encore un vaste récit de conspiration fomenté par un ancien ennemi que tous le monde croyait mort, un artefact mythique aussi puissant que mortel à récupérer, et une mise en avant du charismatique et noble Su Huan-Jen, soigneur et guerrier, devenu l’icône de la plupart de leurs productions. Un scénario parfois d’autant plus confus qu’il fait référence à des épisodes de leurs séries TV, mais qui sait heureusement faire la part belle aux séquences les plus spectaculaires. C’est que dans l’esprit des grands wu xia pian fantaisistes de la fin du règne de la Shaw Brothers comme Holy Flame of the Martial World, et bien entendu les diverses réalisations de Ching-siu Tung (Histoires de fantômes chinois) ou Tsui Hark dont le décomplexé Legend of Zu a clairement servi d’influence jusque dans l’utilisation irraisonnée de couteux éléments en images de synthèses, The Legend of the Sacred Stone multiplie les acrobaties, les combattants et les armes virevoltantes, les explosions de forces et les créatures macabres (morts vivants et esprits échappés des enfers)… Tout cela avec des marionnettes bien entendu ! Un spectacle fascinant, excitant, filmé et monté avec une énergie étonnante, tout autant qu’un traitement inédit d’une violence adulte et sanglante. Associé à des poupées au designs d’une rare élégance, des costumes et des décors extrêmement soignés et des chorégraphies dignes d’un film live, le film rejoint clairement les fleurons du wu xia des années 90.
La magie des sabres
Tourné quelques vingt ans plus tard après quelques tentatives infructueuses de s’imposer à l’international, Demigod : The Legend Begins peut se voir comme un retour aux sources puisqu’il compte l’une des premières aventures de Su Huan-Jen, alors jeune apprenti apothicaire, déjà confronté à quelques intrigues douteuses et mortelles dans la cour d’un riche royaume. Mais là où le précédent était justement très marqué par sa proximité avec les voisins hongkongais, celui-ci vient plutôt se rapprocher de la tonalité plus lente et contemplative des canons actuels des blockbusters de la Chine continentale. En outre, le Studio Pili a opéré un partenariat fructueux avec des partenaires japonais (en particulier sur la série Thunderbolt Fantasy) et l’esthétique revisitée, plus douce, plus gracile et presque plus « kitch » s’en ressent beaucoup. Le héros lui-même affiche désormais les traits plus androgynes du manga et associé à des magies plus colorées et démonstratives, Demigod pourrait presque faire penser parfois, jusque dans le design de certaines armures rutilantes, à une version live des Chevaliers du zodiaque. Peut-être moins emballant que The Legend of the Sacred Stone, cette prequelle n’en reste pas moins une nouvelle démonstration de talents dans la richesse incroyable des accessoires (costumes, armes…) des marionnettes et dans la profusion de décors mêlant éléments réelles, images de synthèses modernes et miniatures ultra précises. Un film visuellement magnifique mais qui malgré quelques grands monstres mystiques conçus à la manière des tokusatsu comme Godzilla, s’avère peut-être moins fou et surprenant.
Diptyque venant concrétiser toutes les ambitions d’un studio toujours fier de son héritage et de sa science du spectacle de marionnette à l’ancienne mais constamment tournée vers l’avenir et des formes plus modernes, The Legend of the Sacred Stone et Demigod : The Legends begins affirment tous les talents de Chris Huang et ses équipes aussi chevronnés que forcenés. Des films de sabre aux toiles de fond souvent abscons et aux détours un peu ardus pour les pauvres occidentaux que nous sommes, mais dont l’imagerie et l’imaginaire sont absolument uniques. A découvrir.
Image
20 ans séparent les deux films et les techniques ont beaucoup changées entre les deux. Le premier tourné en pellicule retrouve forcément toute l’esthétique de cette dernière vague de wu xia classique avec une image légèrement granuleuse, des teintes relativement sombres et des collages avec les images de synthèse pas encore envisagés pour la HD. Peu importe, la source est de très bonne qualité, la définition se montre bien creusée et malgré quelques petits passages moins pointus l’ensemble est tout à fait convaincant et à même de révéler les nombreux détails du spectacle. Le travail est plus aisé pour le second, tourné en numérique avec une imagerie beaucoup plus pimpante et lumineuse. Là, pas un cil ne dépasse et pas une image est moins précise que l’autre, chaque tableau révélant une montagne de détails sur les costumes, les visages des poupées, les décors, et même les effets spéciaux s’y intègrent très naturellement.
Son
Les deux films sont proposés en DTS HD Master Audio 5.1 mais là encore quelques petites différences existent. Le premier film joue clairement sur des notes un peu plus brutes et une dynamique plus efficace que fluide et naturelle, mais le résultat correspond parfaitement à l’atmosphère du spectacle. Le second profite d’une prestation plus organique, jouant beaucoup plus volontiers sur les atmosphères, fantastiques ou bucoliques, et s’imprègne d’une dynamique plus souple.
Interactivité
Spectrum Films propose à nouveau un coffret aussi inédit que bien rempli. Un boitier en carton dur contenant en plus du digipack trois volets, une reproduction du livret de presse de The Legend of the Sacred Stone, avec interviews de l’équipe et nombreuses photos, entièrement traduit.
La suite se répartie sur les différents disques de l’édition avec une longue présentation du studio Pili par Paul Gaussem, découpé en deux segments s’attardant plutôt logiquement sur chacun des deux films, avec un historique des Budaixi, de la famille Huang et les différentes évolutions et expérimentations du studio Pili. Une bonne entrée en matière complétée par le making of officiel de Demigod, avec un découpage très promo mais bourré d’images des coulisses, mais aussi une longue conférence extrêmement didactique sur le maniement des marionnettes et les différentes techniques cinématographiques utilisées, enregistrée au fameux festival de Neuchâtel. Mais ce n’est pas tout car le camarade Arnaud Lanuque dépêché sur place nous livre une longue et passionnante visite dans les fameux studios Pili, s’attardant sur les différents ateliers (animation, costumes, décors…) et rencontrant les différents grands collaborateur et artistes. Le tout est forcément parfaitement complété par une longue interview de Chris Huang qui retrace avec plaisir l’histoire de son studio, son héritage, ses influences, ses envies de reconnaissances internationales et ses très nombreux projets.
Cerise sur le gâteau, le troisième Bluray de l’édition propose aussi deux épisodes de la série Thunderbolt. Tournés pour la télévision il y a quelques années déjà et donc uniquement en SD, les deux opus à la durée dignes de longs métrages, développent avec une économie plus restreinte mais une imagination toujours aussi débordante, l’univers mythologique aperçu dans les deux films en présences, avec de nombreux personnages bigarrés et plus variés, et des pouvoirs totalement démesurés parfois dignes de Dragon Ball Z. Hypnotique même si là encore on n’y comprend vraiment pas tout.
Liste des bonus
Reproduction, traduite, du livret de presse de The Legend of the Sacred Stone, Présentations de Paul Gaussem (19 et 17’), Conférence au NIFFF (38’), Présentation au NIFFF 2023 (3’), Making of de Demigod (21’), Bandes annonces, Deux épisodes de la série Thunderbolt (62 et 73’), Dans les studios Pili (32’), Interview de Chris Huang (45’).