THE KILLER

États-Unis, Canada, Corée du Sud – 2024
Support : Bluray
Genre : Action, Policier
Réalisateur : John Woo
Acteurs : Nathalie Emmanuel, Omar Sy, Sam Worthington, Diana Silvers, Eric Cantona, Saïd Taghmaoui, Angeles Woo, Tchéky Karyo…
Musique : Marco Beltrami
Image : 1.85 – 16/9
Son : DTS HD Master Audio 5.1 Anglais, DTS Digital Surround 5.1 Français
Sous-titres : Français, Néerlandais
Durée : 126 minutes
Éditeur : Universal Pictures
Date de sortie : 5 mars 2025
LE PITCH
Zee, une assassin redoutée dans le milieu criminel parisien, voit son destin basculer lorsqu’elle refuse d’exécuter une jeune femme aveugle lors d’une mission confiée par son mystérieux mentor. Ce geste va non seulement briser ses alliances, mais aussi attirer l’attention d’un enquêteur tenace. Enfoncée dans une sombre conspiration criminelle, Zee se retrouve emportée dans une course effrénée qui la mènera à une collision inévitable avec ses démons intérieurs.
Once a killer
L’arrivée en Bluray en France de The Killer de John Woo avait tout, sur le papier, pour être un événement en soi. Sauf que, pas de bol, il ne s’agit pas du classique immortel de 1989, mais de sa redite américaine de 2024. De quoi faire perdre tout intérêt aux inconditionnels du maître… à tort.
L’exercice de l’auto-remake n’a rien de nouveau et nous a offert aussi bien le meilleur (L’Homme qui en savait trop de Hitchcock) que le pire (Les Visiteurs en Amérique de Jean-Marie Poiré… on n’oublie pas !). Son principal intérêt réside souvent dans un déplacement géographique de l’intrigue, passant d’un pays étranger (comprendre : tout sauf l’Amérique) aux États-Unis. Les meilleurs exemples de ce sous-genre sont d’ailleurs ceux où les différences avec le matériau de base sont les plus marquées. Pour John Woo, revisiter son chef-d’œuvre – celui qui lui a ouvert les portes d’Hollywood – était une aubaine. Car en trente-cinq ans, le monde a changé : la rétrocession de Hong Kong à la Chine a plongé le cinéma local dans une lente agonie signant la fin de son âge d’or, et, comme le souligne un personnage du film de 2024, “les Starbucks ont remplacé les églises”. Témoignage de ce vent de changement, l’action quitte la mégalopole verticale et tentaculaire de Hong Kong pour se dérouler dans les rues de Paris, un choix bien moins anodin qu’il n’y paraît. Enfin, le choix d’un assassin féminin offre à Woo l’opportunité d’explorer un territoire inédit, lui qui s’est toujours illustré dans un cinéma éminemment masculin, en digne héritier de Chang Cheh.
Dès les premières minutes, ce lifting intégral nous saute aux yeux. Quelque chose manque. La gravité, la froideur et l’aura tragique qui imprégnaient le film matriciel de 1989 ont disparu. The Killer version 2024 s’ouvre sur des images de carte postale : un appartement parisien avec vue – bien sûr – sur la Tour Eiffel. Ce sentiment de copie non conforme se prolonge tout au long du film, jusque dans les inévitables gunfights – forcément attendus au tournant – qui ont perdu leur lyrisme, leur romantisme et leur sauvagerie. Ce qui était autrefois une symphonie funèbre de balles et de sang devient ici un simple ballet bien réglé mais sans élan dramatique. Face à ce constat, le public se retrouve face à deux options : rejeter cette métamorphose radicale ou se poser des questions sur le sens de ces mutations dans le cinéma d’un auteur longtemps admiré, et sur ce qu’elles révèlent de l’évolution de son regard.
Voir Paris et mourir
Croire que ces trahisons sont le fruit d’un manque d’inspiration serait une erreur. Woo semble prendre un malin plaisir à déjouer constamment les attentes de ses aficionados. Il n’est pas question ici de refaire le même film, et cela commence par un traitement de la violence très différent. En tant que créateur du genre heroic bloodshed, il avait déjà remis en question son propre héritage avec le conceptuel et sous-estimé Silent Night, où les bains de sang n’avaient rien d’héroïque et ne généraient qu’une chose : de la souffrance. Sans être aussi radical, The Killer version 2024 privilégie le plaisir chorégraphique – héritage direct de ses films de kung-fu – à la glorification de la mise à mort, ici souvent sèche et dépourvue d’emphase. Celui qui fut longtemps critiqué pour son esthétisation de la violence montre ici, au contraire, le poids d’une vie humaine, notamment lorsqu’il s’agit de civils.
On aurait pu croire que Woo profiterait de la toile de fond parisienne pour convoquer l’ombre de Jean-Pierre Melville, dont Le Samouraï était la référence évidente de The Killer en 1989. Mais une fois de plus, à rebours des attentes, le ton du film n’a rien de froid ou martial. Bien au contraire, il s’avère plus léger, chaleureux, parfois désinvolte, et renvoie davantage au cinéma du grand rival de Melville : Henri Verneuil. C’est dans cette recherche d’un cinéma policier populaire que semblent avoir été pensés les personnages secondaires “bien de chez nous” interprétés par Tchéky Karyo, Saïd Taghmaoui et surtout Éric Cantona. Chacun, avec son visage et son nom connus à l’international, incarne un personnage flamboyant, presque archétypal, qui aurait pu être écrit dans les années 60. Le “King” Eric, en particulier, campe un mafieux truculent qui ne déparerait pas dans Le Clan des Siciliens (mais en plus marseillais). Si leur jeu est parfois inégal – la barrière de la langue semblant parfois poser problème dans la direction d’acteur – leur présence donne un ton singulier au film. Pour peu, on entendrait presque quelques sonorités morriconiennes dans le score de Marco Beltrami.
Hands of death
Quant au duo central, composé de Nathalie Emmanuel (vue dans Game of Thrones) et Omar Sy, leur alchimie, bien que discrète, s’inscrit dans une dynamique de séduction à la manière de L’Affaire Thomas Crown, plutôt que dans l’amitié respectueuse qui liait les personnages de Chow Yun-Fat et Danny Lee dans le film original. Par ailleurs, le protagoniste a été totalement repensé : il ne se limite plus à l’usage des armes à feu et s’illustre dans une scène de combat à l’arme blanche, ancrant ainsi le film dans une filiation plus large avec le cinéma d’action asiatique. Un héritage que Woo évoque également à travers une discrète référence à La Femme Scorpion, silhouette iconique du cinéma d’exploitation japonais, lors d’une des rares scènes nocturnes du film (encore un contraste avec la version de 1989). Mais ces quelques clins d’œil mis à part, on l’aura compris, John Woo utilise le prétexte du remake pour écrire une lettre d’amour à un cinéma français aujourd’hui disparu. L’utilisation du split-screen renforce encore ce parfum vintage, tandis que sa mise en scène, toujours aussi ludique – à défaut d’être réellement virtuose – nous invite à ne pas enterrer trop vite John Woo et sa vision du cinéma d’action. C’est naïf, parfois maladroit dans son exécution, mais l’intention de raviver le souvenir d’un cinéma d’antan est bien présente.
The Killer 2024, par sa facture et sa tonalité, ne joue clairement pas dans la même catégorie que son illustre aîné. Il se rapproche davantage du film Les Associés (Once A Thief) dans sa volonté de proposer un divertissement léger, axé sur l’amusement, tout en désacralisant les codes du genre établis par John Woo et son cinéma. Clairement un film de fin de carrière, anachronique dans son approche, il demeure un exercice de style intéressant, faute de proposer un véritable tour de force. Mais que voulez-vous, tout le monde ne peut pas s’appeler Tsui Hark !
Image
Le Bluray Universal de The Killer (2024) offre une qualité d’image qui, bien que fidèle dans la restitution des couleurs, présente une texture indéniablement télévisuelle. Ce choix esthétique est logique, car le film a été conçu dès sa genèse pour une diffusion sur la plateforme de streaming Peacock. La photographie numérique manque d’ambiance cinématographique, ne parvenant pas à créer la profondeur et l’immersion typiques du grand écran. Toutefois, on ne peut pas imputer à la galette HD la responsabilité de ce choix artistique discutable. Reconnaissons donc que le master du Blu-ray restitue de manière précise la palette chromatique du film, offrant ainsi une expérience visuelle correcte, mais sans éclat particulier.
Son
Ce Bluray fait le job côté son, sans en mettre plein les oreilles. La VO en DTS-HD Master Audio 5.1 assure le spectacle avec une bonne dynamique, des impacts percutants et une spatialisation efficace. Rien de révolutionnaire, mais ça fonctionne bien, surtout pour les scènes d’action. La VF, en DTS 5.1 Digital Surround, est un cran en dessous : les dialogues ressortent de façon plus frontale et l’ensemble manque un peu de relief. Ça reste propre, mais moins immersif que la VO, qui garde clairement l’avantage.
Interactivité
Zéro pointé ! Une absence totale de bonus qui confirme que le film a été conçu avant tout comme du contenu pour une plateforme de streaming. Sa sortie en salles en France, suivie d’une édition physique, relève presque du miracle. On s’en contentera donc sans rechigner… faute de mieux !
Liste des bonus
Aucun.