THE HITCHER
Etats-Unis – 1986
Support : 4K UHD & Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Robert Harmon
Acteurs : C. Thomas Howell, Rutger Hauer, Jennifer Jason Leigh, Jeffrey DeMunn, Billy Green Bush, John M. Jackson…
Musique : Mark Isham
Durée : 97 minutes
Image : 2.39 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 12 avril 2024
LE PITCH
Traversant le désert en voiture de nuit, Jim Halsey s’assoupit et échappe de peu à un accident. Pour rester éveillé, il prend en auto-stop un mystérieux étranger qui dit s’appeler John Ryder. Ce dernier se révèle être un psychopathe de la pire espèce. Malgré la menace, Halsey parvient à l’expulser de son véhicule et croit en être débarrassé. Mais le jeu du chat et de la souris ne fait que commencer …
Ryders on the storm
Road-movie cauchemardesque et pervers, The Hitcher se paie les faveurs d’une magnifique restauration en 4K (au cinéma, via Tamasa Distribution, et en vidéo chez Sidonis Calysta) qui nous permet de revoir encore une fois à la hausse le coup de maître inoubliable de Robert Harmon. C’est tout simplement l’un des plus grands films américains des années 1980 et on vous explique ici pourquoi au travers du portrait de cinq artistes majeurs, indissociables de sa réussite et de sa postérité.
Un véritable alignement des planètes concourt à l’écriture du scénario de The Hitcher. Après avoir essuyé un premier échec dans son ambition de conquérir Hollywood (le court-métrage Gunmen’s Blues qu’il écrit et réalise en 1981 n’aboutit à rien), Eric Red quitte la ville de New York pour Austin, au Texas, au volant d’une voiture qu’il est payé pour convoyer. Sur la route, deux événements singuliers se produisent : une rencontre avec un auto-stoppeur inquiétant qui lui vaudra une belle frayeur et le passage à la radio d’une chanson des Doors, « Riders On The Storm ». À la peur d’être assassiné par un inconnu au beau milieu de nulle part se mêle le pouvoir suggestif des paroles de Jim Morrisson (« There’s a killer on the road … »). La version définitive du script de The Hitcher voit le jour sept mois plus tard et se nourrit de l’expérience et des angoisses d’Eric Red, de nombreux éléments du second couplet de « Riders On The Storm » (le nom du psychopathe, Ryder, la première rencontre sous la pluie, le massacre d’une gentille petite famille, etc) mais aussi de références cinématographiques évidentes telles que The Hitch-Hiker d’Ida Lupino (1953) ou Duel (1971) de Steven Spielberg. Mais la création d’Eric Red est loin de se limiter à son postulat de série B et à un premier degré redoutable. Plus qu’un simple film d’horreur, The Hitcher est un récit initiatique dont la part de mystère et d’ambiguïté ouvre la voie à de multiples interprétations. La relation entre le tueur et sa jeune proie n’est jamais clairement définie et on peut y déceler une forme d’homo érotisme et de harcèlement sexuel, une filiation symbolique (Ryder vient prendre la place d’un père que l’on devine absent) ou encore une métaphore sanglante de la perte de l’innocence, de la conquête de l’Ouest et du rêve américain.
La poursuite infernale
Trois ans avant de signer pour la mise en scène de The Hitcher, Robert Harmon réalisait sans le savoir ce qui pourrait s’apparenter à un prologue à la ballade meurtrière de John Ryder et Jim Halsey. D’une durée de 34 minutes, China Lake raconte les « vacances » d’un policier de la route (Charles Napier) qui harcèle et agresse tous ceux et toutes celles qui ont le malheur de croiser son chemin. Parfaitement immorale, la conclusion nous abandonne sur le sourire carnassier de ce flic sociopathe, prêt à reprendre son service de représentant de la loi. Harmon y filme déjà les grandes routes qui traversent les États-Unis comme des territoires perdus, irréels et dangereux où rôdent la mort, les démons à visage humain et la folie.
Outre un style qui évoque Peckinpah, Hitchcock et Cimino, Robert Harmon apporte à The Hitcher un onirisme inquiétant et déliquescent qui fait évoluer le film à la lisière du fantastique. La maîtrise du suspense et du rythme est renforcée par une bizarrerie constante et un humour noir qui plonge dans un malaise de plus en plus étouffant. Bien qu’il agisse de jour, à visage découvert et dans de grands espaces, John Ryder est en fin de compte un parent proche du Freddy Krueger du film original de Wes Craven, ne serait-ce que par son naturel moqueur, sa propension à surgir lorsque le jeune héros s’endort ou se croit enfin à l’abri et son talent pour faire endosser ses crimes à d’autres.
Aux frontières de l’aube
En coulisses, deux collaborateurs se révèlent indispensables à la mise en œuvre de la vision de Robert Harmon : John Seale et Mark Isham. Le premier est directeur de la photographie, le second est compositeur.
Australien pur jus né en 1942 dans la région du Queensland, John Seale s’est forgé une réputation sur son continent en travaillant à plusieurs reprises pour le réalisateur Brian Trenchard-Smith (BMX Bandits) avant de tenter une percée à Hollywood avec son compatriote Peter Weir à l’occasion du polar Witness avec Harrison Ford. Pour The Hitcher, Seale impressionne par sa maîtrise du Cinémascope, par une lumière à la fois naturelle et sophistiqué qui transcende les grands espaces désertiques et par une atmosphère poussiéreuse qui privilégie l’aube et le crépuscule. Le chef opérateur multiplie également les plans « impossibles », qu’il s’agisse d’un travelling au ras du bitume qui se transforme en contre-plongée extrême pour accompagner un John Ryder qui se relève et écrase le cadre de sa silhouette massive ou d’un plan d’ensemble en mouvement qui capture au ralenti le carambolage de deux voitures de police.
Musicien pour Van Morrison entre 1979 et 1984, trompettiste et pianiste, Mark Isham est remarqué en 1983 pour la bande originale d’Un homme parmi les loups, réalisé par Carroll Ballard. Amateur de jazz et de musiques électroniques, il habille The Hitcher de nappes synthétiques lancinantes, de boucles rythmiques angoissantes et d’une tonalité funèbre et extra-terrestre. Aujourd’hui encore, écouter le score de Mark Isham pour The Hitcher, séparé des images du film, est la promesse d’un voyage dans un univers parallèle.
Blue steel
Aussi nuancées et attachantes qu’elles puissent être, les interprétations de C. Thomas Howell et de Jennifer Jason Leigh dans les rôles de Jim Halsey et de Nash, la jeune femme qui lui vient en aide, ne font jamais le poids face à la prestation iconique et magnétique d’un Rutger Hauer au sommet de son charisme animal. L’acteur néerlandais n’est pourtant pas le premier choix de Robert Harmon et de la production. Il ne ressemble même pas à la description de John Ryder telle qu’on peut la lire dans le scénario d’Eric Red. Mais il s’impose comme une évidence après les refus de Terrence Stamp et de Sam Elliott. The Hitcher tombe aussi à point nommé pour l’acteur après l’échec (injuste) de Ladyhawk de Richard Donner et le tournage difficile de La Chair et le sang de Paul Verhoeven (son amitié avec le cinéaste prit fin brutalement). Conscient de l’étrangeté, de la menace et du charme que son physique peut susciter, Rutger Hauer se glisse à merveille dans la peau de John Ryder. Il pousse le curseur de l’improvisation et de l’excentricité encore plus loin qu’à l’époque de Blade Runner et de Roy Batty. John Ryder est t-il le diable en personne ou un homme malade ? Rutger Hauer brouille les pistes et demeure insaisissable, d’un bout à l’autre.
Son regard bleu acier, sa gestuelle fiévreuse et sa crinière blonde n’ont pas fini de hanter nos cauchemars de spectateurs.
Image
C’est peu dire que l’on attendait le passage du film de Robert Harmon à la haute-définition, 24 ans après une sortie DVD minimaliste et vite épuisée. En proposant le long-métrage dans une copie restaurée en 4K, l’éditeur Sidonis Calysta frappe fort et coiffe au poteau tous ses concurrents, outre-Manche et outre-Atlantique. Le résultat est à la hauteur de nos rêves de cinéphiles les plus fous, même si l’on ne vous cachera pas que les premières minutes sont parfois délicates, avec un grain instable et des contrastes pas toujours convaincants. Ces impressions mitigées sont immédiatement balayées lors du premier face à face entre C. Thomas Howell et Rutger Hauer avec des gros plans remarquables de précision, une définition pointue et une texture cinéma vertigineuse. La suite vient confirmer tout le sérieux d’une mise à jour précieuse et qui souligne l’apport de plus en plus évident du support UHD dans la restitution des films tournés sur support argentique. The Hitcher n’a jamais été aussi beau et notre attente est enfin récompensée.
Son
Deux pistes stéréo d’une pureté absolue que l’on a bien du mal à départager. En version française, les dialogues et le doublage mènent la danse mais la dynamique imposée par les effets sonores et les scènes de poursuite n’est pas en reste. La version originale est plus équilibrée et la musique de Mark Isham y est mieux traitée. Tout est affaire de choix et de préférences.
Interactivité
La qualité avant la quantité. Le luxueux mediabook reprend le visuel de l’affiche française originale et renferme un livret de 59 pages rédigé par Olivier Père où l’on peut découvrir une analyse du film, de très nombreuses photos et des portraits complets de Rutger Hauer, C. Thomas Howell et Jennifer Jason Leigh. Une première approche déjà très exhaustive avant de plonger dans les suppléments vidéos à proprement parler.
On trouve tout d’abord une longue présentation assurée par Samuel Blumenfeld et qui complète parfois les propos d’Olivier Père mais qui risque aussi de faire doublon et que l’on réservera à ceux qui auront zappé le livret. Un making-of rétrospectif réalisé en 2003 et produit par Kinowelt pour une édition allemande regroupe des entretiens avec Eric Red, C. Thomas Howell, Robert Harmon, Rutger Hauer ou encore John Seale et propose une vue d’ensemble tout à fait respectable de la production du film. Le bonus le plus original et le plus intéressant est un portrait intimiste et inédit de Rutger Hauer où l’acteur se livre face caméra et se laisse accompagner dans ses déplacements et répétitions, le tout entrecoupé d’extraits significatifs de sa filmographie.
Liste des bonus
Présentation du film par Samuel Blumenfeld (35 minutes), The Hitcher : How do movies like these get made ?, making-of (38 minutes), « Rutger Hauer : Blond aux yeux bleus », documentaire de Simone de Vries (60 minutes), Bandes-annonces.