THE HAPPENINGS
夜車– Hong-Kong – 1980
Support : Bluray & Livre
Genre : Thriller, Drame
Réalisateur : Yim Ho
Acteurs : Cheung Kwok-Keung, Yim Chau-Wah, Yim Jan-Wah, Yuen Lai-Seung, Dik Keung…
Musique : Chan Chuk-Chiu
Image : 2.35 16/9
Son : Cantonais DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 100 minutes
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : 24 septembre 2024
LE PITCH
Un groupe d’adolescents s’arrête dans une station-service en sortant de discothèque. À la suite d’une bagarre résultant de leur incapacité de payer, le personnel en service est tué par le groupe, ce qui conduit à une nuit désespérée, jouant au chat et à la souris avec la police.
Jusqu’au bout de la nuit
Souvent éclipsé par la réussite jusqu’au-boutiste de l’incontournable L’Enfer des armes de Tsui Hark, The Happenings, véritable film-frère, travaillant les mêmes douleurs et mêmes obsessions, est lui aussi l’un des grands manifestes de la Nouvelle Vague HK. Un film enfin remis en avant en France grâce à Spectrum Film et une solide édition collector.
Grand témoin et acteur de la révolution du cinéma chinois à l’orée des années 80, Yim Ho (Buddha’s Lock, Pavillon de femmes…) est trop souvent oublié parmi la grande liste des instigateurs de La Nouvelle Vague Hongkongaise. Il a pourtant connu plus ou moins le même parcours que les camarades Tsui Hark, Ann Hui ou Patrick Tam avec des études de cinéma faites en Angleterre puis une première partie de carrière très remarquée à la télévision. Il fut surtout le premier à passer au grand écran, dès 1978 avec la comédie méta The Extras sur les déboires d’un jeune acteur. De la même façon, il va devancer de quelques mois la sortie du fameux L’Enfer des armes avec le présent The Happenings, autre description tragique d’une jeunesse désœuvrée perdue dans un monde de violence. Un projet produit tout de même par la Golden Harvest, alors second plus gros studio de Hong-Kong s’approchant donc plus ouvertement de quelques démarches commerciales. The Happenings est un film d’exploitation qui va se distinguer par des échos de scènes d’action, un humour décalé typiquement chinois et surtout un contenu politique moins marqué lui donnant moins des airs de brulots (ce qu’est le film de Tsui Hark) que de témoignage d’une époque charnière pour l’archipel, encore bien loin de l’âge d’or de la décennie à venir, écrasé sous le joug d’un empire colonial répressif et déjà hanté par la probabilité d’une rétrocession plus souvent crainte qu’espérée.
After Hours
Dans ce contexte plutôt sombre et dans une cité marquée par une certaine pauvreté, le film décrit donc une jeunesse aux lisières de la délinquance, entre petits trafics, quelques vols à la tire et débuts de prostitution pour les filles, et qui quête une certaine évasion dans les boites discos. Seul haut-fait et note d’espoir dans la petite vie de la bande qui nous intéresse ici, une photo pleine de joie et de lumière (qu’on ne verra jamais ici) parue dans un magazine réservé aux ados. Mais l’insouciance, de courte durée, est déjà marquée par une certaine bêtise (le rejet brutal du jeune homosexuel, les techniques de drague douteuses, la quête de l’argent facile…) et leur petite vie va définitivement bifurquer après une altercation dans une station essence. Une mort accidentelle et le reste de la nuit ne va dès lors plus que s’apparenter à une longue descente aux enfers, succession d’errances, de disputes, de course-poursuites avec la police et de nouvelles exactions les enfonçant toujours plus durement dans une violence inextinguible, systémique. Jusqu’à l’ultime assaut des forces de l’ordre au sommet d’un immeuble, basculement définitif dans la folie destructrice totale au nihilisme estomaquant. Si Yim Ho manie volontiers les ruptures de tons et les brusques changements de rythmes, il fait cependant constamment baigner son film dans une atmosphère éprouvante, pitoyable. Il accompagne l’agitation des personnages par une alliance entre une caméra portée et frénétique proche du documentaire et des encarts plus lyriques, plus manifestement maniérés (plans fixes en inserts, ralentis flottants…) qui tout comme la musique font glisser ce récit terrible d’une nuit sans retour, dans la mélancolique cauchemardesque.
Un film profondément chaos, jusqu’au jeu de ses jeunes acteurs, très amateurs, reflet sans fard du cynisme d’une génération déracinée et paumée dans cette fameuse transition économique et culturelle qui peinait à se faire. Une œuvre forte à redécouvrir et à placer en évidence parmi les opus important de la fameuse Nouvelle Vague.
Image
Preuve que The Happenings a été largement éclipsé par L’Enfer des armes, il n’a pas eu les honneurs, lui, d’une restauration luxueuse en 4K. Le film doit se contenter plus modestement d’un transfert HD à l’ancienne, issus d’une source vidéo plus daté puis retravaillée essentiellement à l’aide d’outils numériques pour gommer le grain éclaté et le bruit vidéo et effacer les défauts de pellicules. Si les couleurs s’en sortent assez bien avec des teintes primaires bien marquées, que les noirs ne débordent pas trop, le piqué est toujours bien trop doux et les contours ont tendance à baver un peu dès que les mouvements s’accélèrent en basse lumière. Pas parfait donc, et sans doute moins rugueux qu’il ne devrait l’être, mais l’ensemble reste cependant tout à fait confortable, surtout au vu de la rareté du métrage.
Son
La piste cantonaise a été retravaillée en DTS HD Master Audio 2.0 assurant effectivement un plus grand confort d’écoute et un certain équilibre entre les dialogues, les bruitages et la bande son électrique. Cependant la piste est encore marquée par quelques effets de saturations et des grésillements en arrière-plan.
Interactivité
Inédit en France, The Happenings est plus que choyé par Spectrum Films qui lui offre un superbe coffret, en dur, au design particulièrement réussi et comprenant en plus du boitier scanavo classique (avec Bluray et DVD) un imposant ouvrage sur la Nouvelle vague hongkongaise. Pas un simple livret mais bien un véritable livre d’analyse qui retrace les origines et l’historique du mouvement, dresse le portrait complet de ses principaux cinéastes (Ann Hui, Tsui Hark, Patrick Tam, Yim Ho, Allen Fong et Alex Cheung), pose des grilles de lectures pour en recouper les points de convections et les différences, et pousse la réflexion sur l’impact de leur cinéma jusqu’à la fin des années 90 et leur intégration dans une économie plus commerciale. Un ouvrage dense et complet, incontournable pour les amateurs du cinéma HK.
L’édition ne s’arrête pas à cela puisqu’elle propose sur les disques des suppléments vidéo tout à fait intéressants avec comme toujours une présentation et une remise dans le contexte plutôt large du métrage par Arnaud Lanuque, suivi d’une introduction enregistrée par le réalisateur en personne. Il revient ici sur ce qu’il perçoit presque comme une œuvre de jeunesse, témoignage de son état d’esprit plutôt désespéré d’alors, un film où il se cherchait encore stylistiquement. La rencontre avec le scénariste Shu Kei va beaucoup plus loin, ce dernier se remémorant la naissance de l’idée du film, revenant sur le tournage, le choix des acteurs, le style du metteur en scène, l’atmosphère très particulière de l’industrie HK d’alors et le confort d’une production au sein de la Golden Harvest. Très intéressant et bourré d’infos et d’anecdotes.
Liste des bonus
Le livre « Le Cinéma de la Nouvelle Vague hongkongaise » de Pak Tong Cheuk (386 pages), Présentation d’Arnaud Lanuque (9’), Introduction de Yim Ho (6’), Interview de Shu Kei (45’), Bande-annonce.