THE CROW
Etats-Unis – 1994
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Fantastique
Réalisateur : Alex Proyas
Acteurs : Brandon Lee, Ernie Hudson, Michael Wincott, Angel David, David Patrick Kelly, Rochelle Davis, …
Musique : Graeme Revell
Durée : 102 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : DTS-HD Master Audio 5.1 Anglais, Dolby Audio 5.1 Français, Allemand, Espagnol et Italien
Sous-titres : Français, anglais, allemand, espagnol, italien…
Éditeur : Paramount Pictures France
Date de sortie : 8 mai 2024
LE PITCH
Assassiné avec sa fiancée Shelly à la veille de leur mariage par les membres d’un gang, Eric Draven est ramené à la vie un an plus tard par le corbeau qui accompagne les âmes dans l’au-delà. Il n’a que quelques jours pour accomplir sa vengeance et ramener l’équilibre entre le bien et le mal …
Les ailes brisées
La fin d’une malédiction ? Pour son trentième anniversaire, le film culte d’Alex Proyas, hommage posthume au charisme incandescent du regretté Brandon Lee, se paie une seconde jeunesse inespérée en 4K Ultra HD, permettant enfin de savourer comme au premier jour (et davantage encore !) l’esthétique gothique et punk de cette adaptation miraculeuse du comics underground de James O’ Barr. The Crow est ressuscité, vous savez ce qu’il vous reste à faire ! Fire it up !
Brandon Lee n’a que 28 ans et une poignée de films à son actif lorsqu’il est tué par accident sur le plateau de The Crow, le 31 mars 1993. Par un concours de circonstances tragique (un armurier absent, un assistant peu compétent et une arme mal chargée), à quelques jours seulement de la fin du tournage, le jeune acteur est victime d’une arme à feu contenant de vraies munitions et s’effondre après que Michael Massee, l’interprète du personnage de Funboy, lui ait tiré dessus. Qu’on le veuille ou pas, ce drame est dès lors inscrit pour l’éternité dans l’ADN du film. Certains illuminés et autres fans bouleversés débarquent tout d’abord avec leurs théories de complots, s’accrochant à la triste coïncidence qui fait bégayer le destin, vingt ans pile poil (ou presque) après le décès « mystérieux » de Bruce Lee, père de Brandon et icône absolue du cinéma d’arts martiaux. Sauveteurs opportunistes du métrage après la décision peu avisée de Paramount de quitter le navire, les frères Weinstein et Miramax ne manqueront d’ailleurs pas d’axer une portion non négligeable de la promotion autour de la mort de Brandon Lee, entretenant sans en avoir l’air l’idée d’une malédiction qui aurait coûté la vie à l’acteur.
Il faut bien avouer que le sujet du film s’y prête assez facilement puisqu’une autre tragédie, toute aussi réelle, en constitue la véritable genèse. L’histoire d’Eric Draven, revenant d’entre les morts pour venger son propre meurtre et celui de sa fiancée Shelly, fut ainsi inspirée au dessinateur James O’ Barr par la mort en 1981 de sa propre fiancée, Beverly, renversée par un chauffard ivre. Que Brandon Lee, lui aussi fiancé (à Eliza Hutton, qu’il devait épouser après le tournage), ait pu fonder tous ses espoirs pour enfin devenir une star à part entière et se détacher de l’ombre de son père sur un projet tel que The Crow, quelle ironie cruelle !
La fureur de vivre
Fan du comics de O’ Barr, Brandon Lee s’impose au générique dans le rôle d’Eric Draven à force de ténacité et grâce à l’appui du réalisateur Alex Proyas. Il coiffe ainsi au poteau River Phoenix et Christian Slater (et même Michael Jackson, brièvement évoqué par un exécutif ayant trop forcé sur la cocaïne) et balaie les doutes de James O’ Barr lui-même, ce dernier ayant du mal à imaginer un artiste martial au patronyme si imposant dans la peau de son vengeur romantique, fortement influencé par la culture alternative et la poésie d’Edgar Allan Poe.
À l’écran, pourtant, le résultat est bluffant, Brandon Lee livrant une performance complexe, en équilibre constant. Entre les lignes, l’acteur joue la carte de la fidélité avec son avatar sur papier. Il travaille son apparence, affine sa silhouette et contorsionne sa gestuelle féline pour lui faire épouser les poses les plus iconiques et improbables des cases dessinées par James O’ Barr. Mais son Eric Draven est aussi une création à part et apporte la preuve irréfutable d’un athlète et d’un comédien à l’instinct très sûr. Usant à très bon escient de son charme et de sa voix, Lee se démarque clairement du jeu très agressif et spectaculaire de son père, même si quelques tics (involontaires ?) trahissent parfois la filiation. Piochant avec goût et talent dans le répertoire d’un Marlon Brando ou d’un James Dean, Brandon Lee s’approprie l’anti-héros de James O’Barr, parvenant à l’adoucir et à l’incarner sans jamais le trahir. À tel point que les quelques plans où sa doublure Chad Stahelski (futur réalisateur des John Wick) le remplace ne trompent personne, une supercherie inévitable (il fallait bien terminer le film sans Lee) mais qui rappelle sans le vouloir les « faux » Bruce Lee du Jeu de la mort.
Brandon Lee était bel et bien une star, et ces débuts ô combien prometteurs ne font qu’exacerber la tristesse de sa disparition prématurée.
Dark City
Parfois oublié, injustement snobé par Hollywood depuis l’échec du pourtant flamboyant Gods of Egypt, le réalisateur australien Alex Proyas est bien le maître d’œuvre incontestable de la réussite artistique de The Crow. Embauché par les producteurs Jeff Most et Edward R. Pressman après que le projet ait fait un tour entre les mains du très punk Julien Temple, le cinéaste, âgé de tout juste trente ans, est l’une des étoiles montantes du vidéo-clip et a déjà à son actif un long-métrage indépendant, le singulier Spirits of the Air, Gremlins of the Clouds. Empêtré dans l’écriture au long cours de son Dark City, Proyas a très vite saisi l’opportunité que The Crow représentait alors.
En apparence, The Crow a tout de la carte de visite idéale et le job de Proyas est plutôt simple sur le papier : produire de la belle image pour attirer un public jeune (la production ambitionne de vendre le maximum d’albums CD d’une bande-originale rassemblant tout un pan de la scène rock goth, indus et métal indépendante avec des titres composés spécialement pour l’occasion) et transformer un acteur principal au potentiel commercial incertain en star de film d’action. Malgré une fin de tournage pour le moins compliquée et quelques concessions imprévues, The Crow remplit à la lettre son contrat de blockbuster moyen de gamme so 90’s : rythmé au poil de cul, shooté avec une bonne dose de style et un œil affûté (merci au directeur de la photo Dariusz Wolski et au production designer Alex McDowell), violent et hard boiled juste comme il faut et joliment relevé par une galerie de bad guys mémorables où se distingue un Michael Wincott au sommet de son charisme luciférien. The Crow a donc de la gueule, mais pas seulement.
Nourrissant une obsession viscérale pour les paysages urbains déliquescents plongés dans les ténèbres, Proyas s’en donne à cœur joie et opère un mélange harmonieux et remarquable entre le film noir et le conte gothique, faisant ainsi passer le Gotham City des Batman de Tim Burton pour d’aimables virées à Disneyland. Imprégné de culture underground et passionné de comic books et de mangas, Alex Proyas en révolutionne véritablement l’adaptation sur grand écran. Au travers d’un découpage reposant entièrement sur le rythme de l’enchaînement des plans et sur une illusion d’hyper-réalisme (avec un soupçon non négligeable de cool attitude), Proyas reproduit à l’écran des « splash-pages » typiques du comic-book, sans jamais souffrir de la comparaison ou en tombant dans le ridicule. Si le réalisateur poursuivra ces passionnantes hybridations formelles avec le formidable Dark City, il ouvre ici la voie à toute une nouvelle ère de la représentation des super-héros à l’écran dans laquelle viendront s’engouffrer Stephen Norrigton avec Blade en 1998, puis les frères Wachowski avec Matrix l’année suivante. Vampirisée par l’ogre Weinstein, la franchise initiée par le film d’Alex Proyas se montrera pour sa part tout à fait incapable de capitaliser sur ses solides acquis. Une tragédie de plus. Et ce ne sont pas les premières images du remake prévu pour l’été 2024 qui vont y changer quoi que ce soit. Bien au contraire.
Image
La dernière édition de The Crow sur support physique date du mois d’avril 2002 avec un double DVD collector estampillé THX (la mode d’alors). Autant dire une éternité. Cette nouvelle édition sous pavillon Paramount / ESC ne se contente pas d’une simple mise à jour d’un master antédiluvien mais préfère faire du passé table rase avec une restauration qui fait honneur au format Ultra HD. Les contrastes et le grain ont été retravaillés avec un soin maniaque et on se rapproche enfin des intentions originelles d’Alex Proyas et de Dariusz Wolski avec une image désaturée, presque monochrome, les flashbacks apportant de véritables explosions de couleurs. Le Dolby Vision apporte un surcroît de relief et des noirs encore plus profonds. On n’aura pas attendu vingt ans pour rien !
Son
Encodé en DTS-HD, la version originale apporte un très léger surcroît de dynamisme et un meilleur découpage sonore que les pistes en Dolby Digital. Si la différence ne saute pas forcément aux oreilles, certaines scènes creusent un peu l’écart, notamment la fusillade dans le repaire de Top Dollar ou encore l’explosion assourdissante du bolide de T-Bird. Quelle que soit la version choisie, le traitement de la bande originale est impeccable. Rien de remarquable en soi mais du très beau boulot.
Interactivité
Histoire de faire les poches aux collectionneurs, l’éditeur dégaine trois éditions différentes qui ne diffèrent que par l’emballage. Déjà épuisés en ligne, le steelbook ESC et celui proposé par la FNAC ne proposent que peu de différences même si l’on avouera une légère préférence pour ce dernier, un soupçon plus proche des visuels d’époque. Les retardataires devront se contenter d’un boîtier Amaray avec sur étui au design tout à fait correct. Dans tous les cas, un bluray, vierge de tout suppléments, est joint à la galette UHD. Bonne nouvelle, tous les bonus (ou presque, les storyboards ayant disparus) déjà existants sont de la partie et leur qualité d’image a fait un joli bond en avant. Le making-of d’époque se distingue par la dernière interview de Brandon Lee et quelques images de tournage. L’interview d’un James O’Barr particulièrement nerveux et tourmenté éclaire la création de l’artiste sous un angle intimiste bienvenu. La frustration au regard des scènes coupées ou rallongées et des chutes de montage reste la même qu’il y a vingt ans et n’éclaire que très partiellement sur l’étendue des coupes effectuées au montage. Le commentaire audio très informatif (mais aussi très auto-satisfait) de Jeff Most et du scénariste John Shirley a gagné des sous-titres français et est accompagné – alléluia – d’une seconde piste de commentaires laissant la parole à Alex Proyas. Un ajout bienvenu, d’autant que le réalisateur australien ne laisse que peu de temps morts et enchaînes les anecdotes précieuses. Ce tour d’horizon déjà très complet gagne en exhaustivité avec deux modules inédits spécialement produits pour cette édition. Interrogé par un geek hyperactif à l’occasion de la sortie d’une superbe statuette de Brandon Lee chez Sideshow, feu le producteur Edward R. Pressman s’échine à caser quelques informations sur son implication dans la franchise. On préférera nettement la featurette en trois parties animées par Alex McDowell et revenant sur la conception artistique du film avec de très nombreux clichés pris sur le tournage.
Liste des bonus
Commentaire audio d’Alex Proyas (VOST), Commentaire audio de Jeff Most et John Shirley (VOST), « Ombres et douleur : La Conception de The Crow » (inédit 2024, VOST) : « Tous les anges tirent : La Naissance d’une légende » (7 minutes), « Sur la terre sacrée : Le Royaume de l’au-delà » (8 minutes), « Décombres : Les Scènes en intérieur » (10 minutes), Objets de collection Sideshow : entretien avec Edward R. Pressman (13 minutes), Coulisses du tournage (16 minutes), Portrait de James O’Barr (33 minutes), Scènes complètes : L’explosion de l’arcade (4 minutes), Combat avec Funboy (2 minutes), Fusillade à Top Dollar (5 minutes), Scènes coupées au montage (5 minutes), Bande-annonce.