THE CARD PLAYER
Il Cartaio – Italie – 2004
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Dario Argento
Acteurs : Stefania Rocca, Liam Cunningham, Claudio Santamaria, Antonio Cantafora, Fiore Argento…
Musique : Claudio Simonetti
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et italien DTS HD Master Audio 5.1, Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 104 minutes
Editeur : Extralucid Films
Date de sortie : 31 janvier 2024
LE PITCH
Un tueur en série défie la police au poker en ligne : s’il gagne, il assassine une nouvelle victime en direct sur le net. Anna, une jeune enquêtrice, va pénétrer dans le monde terrifiant du « joueur de cartes ».
Le flop
Considéré par beaucoup de ses anciens fans comme le point de non-retour, l’ultime fracture avec le style virtuose des débuts, The Card Player avait même été jugé digne d’une célèbre série allemande. Les années cautérisent les plaies, et même s’il n’est pas l’opus le plus maitrisé du maitre du Giallo, la proposition reste intéressante… surtout pour du Argento.
Les créateurs consacrés comme d’authentiques génies de leur art, et qui en plus ont l’outrecuidance de s’inscrire dans une longévité, n’ont souvent que deux choix : soit s’inscrire inlassablement dans un moule confortable et qui va se répéter d’œuvre en œuvre, soit bousculer les attentes, expérimenter, voir proposer une véritable fracture une certaine image de marque. Dans les deux cas les fans de la première heure finissent toujours par se plaindre, comparant la nouvelle création à l’aune de classiques inscrits dans toutes les rétines. On le sait, cela a rapidement été le souci de Dario Argento qui en plus de vouloir directement malmener et déstructurer les codes qu’il avait mis en place (avec l’éreintant Opéra par exemple) dû aussi faire face à une disparition sévère de moyen et de talents dans toute l’industrie du cinéma italien.
Dans ce cas-là, autant prendre à bras le corps le problème et prendre à rebours les attentes, se détacher des auto-références et des derniers élans opératique du précédent Le Sang des innocents, pour plonger à bras le corps dans l’austérité ambiante. Imaginé un temps comme une nouvelle histoire autour de la Anna Manni du Syndrome de Stendhal (voie abandonnée après le désistement de Asia Argento), et réinventé dans l’urgence pour combler le planning après la mise en veille (temporaire) d’un certain Occhiali neri, The Card Player est effectivement un sacré revirement dans la carrière du metteur en scène.
The River
Outre un scénario qui met en avant de véritables policiers (et non des héros devenant détective amateurs) et qui joue sur la dichotomie entre une enquête plus laborieuse et réaliste et une révélation finale sans même une once d’explication sur la logique des motivations du tueur (même pas freudienne), le film rejette la sur-stylisation d’autrefois, les envolées virtuoses et les effets de style ostentatoire. La mise en scène d’Argento se fait étonnements discrète, plus sage voir effectivement parfois même plan-plan lors de longues séquences de réflexions et de dialogues dans un commissariat des plus austères, ou lorsque toute la brigade est vissée derrière un écran d’ordinateur où se joue une partie de poker en ligne. D’ailleurs le romain n’a pas fait appel à l’un de ses chef opérateur habituel mais est allé chercher l’excellent directeur photo belge Benoit Debie suite à sa découverte du Irréversible de Gaspard Noé, afin de donner corps à une cité périphérique triste, souvent blafarde, froide et relativement glauque. Certaines séquences nocturnes, en extérieur, glissent parfois vers quelques élans plus atmosphériques, mais le plus souvent l’image quête une certaine crudité. Ainsi, si les fameux meurtres sadiques se dérouleront systématiquement hors champs, ils existent à l’écran soit par une fenêtre pixélisée sur un écran d’ordinateur montrant la victime terrorisée avant l’acte, soit par un cadavre exposé sans détour, pour une longue exploration médicolégale, sur la table d’autopsie.
Une vision désespérée et laide du monde du début des années 2000 qui marque un évident désenchantement de la part du réalisateur et dont effectivement les choix esthétiques radicaux ne portent pas toujours leurs fruits : le suspens n’est clairement pas aussi viscéral qu’il pourrait l’être, le scénario traine un peu des pieds pour mettre la main sur un coupable visible comme le nez au milieu de la figure et les duels en ligne ressemblent plus que jamais… à des duels en ligne. Mais le métrage n’est certainement pas la purge si souvent évoquée, imposant une vision très personnelle d’un giallo clairement contemporain, se réappropriant les codes de la série télévisée à succès (comme Les Experts) pour s’efforcer de trouver une nouvelle voie possible.
Tout comme la bande originale du fidèle Claudio Simonetti, hésitant entre techno qui fait mal aux oreilles et mélodie synthétiques franchement réussies, The Card Player est très inégal, mais constamment intriguant, surtout à l’aune du reste de la filmographie de Dario Argento.
Image
20 ans après sa sortie initiale, The Card Player se dote d’un second souffle avec une remasterisation HD impressionnante. Un travail de restauration effectué à partir d’un nouveau scan 4K des négatifs 35 mm et qui au-delà de débarrasser l’image des mini imperfections qui avaient pu persister, redore surtout le travail de photographie de Benoît Debie qui a contrario du DVD blafards et sans relief, retrouve ici ses petites particularités, sa colorimétrie minutieuse et ses élégantes variations d’ambiances. Avec une définition exemplaire et un piqué des plus précis, le Bluray permet véritablement de réévaluer un film qui en avait bien besoin.
Son
Toutes présentées en DTS HD Master Audio 5.1 avec une dynamique présente mais jamais trop soutenue, les pistes sonores accompagnent le calme apparent du film par quelques atmosphères plus dynamiques et surtout une mise en avant des musiques d’un Claudio Simonetti un peu inégal. Prestations techniques équivalentes, mais le doublage français semble très plat et la version anglaise (en l’occurrence la version de tournage) manque d’un peu de naturel, et de maitrise de l’accent pour certains acteurs. Plus dans l’ambiance et plus énergique, la version italienne est clairement la plus agréable du lot.
Interactivité
Reprenant le packaging collector des précédents Trauma, Le Syndrome de Stendhal et Le Sang des innocents, The Card Player assure lui aussi un superbe visuel et un objet toujours aussi aguicheur avec son boitier scanavo à jaquette réversible et un livret parsemé de photos d’exploitation et de textes issus de l’autobiographie d’Argento et des pages de Mad Movies.
Sur le disque Bluray, Extralucid poursuit son interview inédite du réalisateur qui éclaire sur la naissance de l’idée initiale, l’absence d’Asia Argento, ses recherches visuelles et sa réflexion sur la proéminence des nouveaux écrans. Assez courte cependant, celle-ci est largement complétée par une rencontre avec le compositeur Claudio Simonetti qui discute autant de son travail (très électro) pour le film en question que ses différentes formations nées des cendres de Goblin, et par celle avec Benoit Debie qui revient sur sa collaboration avec Argento et sa découverte de ses méthodes de travail extrêmement cadrées. Coté analyse et approfondissement on peut à nouveau compter sur le spécialiste Jean-Baptiste Thoret qui en une dizaine de minutes résume parfaitement les enjeux, thématiques et esthétiques du film, autant que ses qualités et ses faiblesses.
Enfin l’édition s’achève sur la petite featurette / making of proposée déjà sur l’ancien DVD dont le seul intérêt est de pouvoir apercevoir quelques images des coulisses.
Liste des bonus
Livret de 48 pages, Entretien inédit avec Dario Argento (4’), Analyse du film par Jean-Baptiste Thoret (12’), Rencontre avec Claudio Simonetti, auteur-compositeur (12’), Entretien avec Benoît Debie, chef opérateur (16’), Making of (5’). Bandes-annonces.