THE APPRENTICE
Etats-Unis, Canada, Danemark, Irlande – 2024
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame, Biopic
Réalisateur : Ali Abbasi
Acteurs : Sebastian Stan, Jeremy Strong, Iona Rose MacKay, Maria Bakalova, Martin Donovan, Catherine McNally…
Musique : Martin Dirkov, David Holmes, Brian Irvine
Image : 1.50 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 122 minutes
Editeur : Metropolitan Film & Video
Date de sortie : 13 février 2025
LE PITCH
Véritable plongée dans les arcanes de l’empire américain, The Apprentice retrace l’ascension vers le pouvoir du jeune Donald Trump grâce à un pacte faustien avec l’avocat conservateur et entremetteur politique Roy Cohn.
The Art of Lies
Monstre des affaires, monstre politique, monstre tout court, l’empereur Trump peut-il aussi devenir un monstre de cinéma sans tomber dans une caricature qu’il cultive déjà lui-même. Pari casse-gueule, entre autres, pour l’excellent Sebastian Stan (qui ne se limite certainement pas à son Bucky Barnes du MCU) qui trouve le ton juste, à l’image de ce « biopic » retraçant l’ascension du pire président de l’histoire des Etats-Unis. Et y avait compet’ !
On le connait aujourd’hui pour sa mèche, sa casquette qui cache sa tonsure, son teint orange, ses yeux vide et haineux et ses propos aussi délirants qu’orduriers, mais pour beaucoup d’américains, Donal Trump symbolise la réussite absolue du modèle économique du pays. Une sucess story que l’on voudrait nous vendre glorieuse, rejouant la carte du self-made man et de l’imparable meneur d’hommes n’ayant jamais connu l’échec ou le doute. Bien entendu la vérité est ailleurs, loin d’une histoire largement réécrite, plus proche en effets du scénario de Gabriel Sherman (The Loudest Voice, Quotidien de l’Alaska) retraçant les liens troubles existant entre un jeune fils à papa et un avocat du mal, Roy Cohn (Jeremy Strong), ancien disciple de John McCarthy, conservateur forcené, pourfendeur de communistes et d’homosexuels… alors qu’il était lui-même gay et le célébrait dans des soirées privées débridées. Un homme qui sait jouer déjà du système américain, de sa brutalité, de ses failles et de sa philosophie libérale pour écraser ses adversaires et tout ceux qui se dressent sur la route à coups de menaces ou de chantages. Le « maitre » en sommes, qui va créer son propre monstre de Frankenstein en prenant sous son aile un petit Donald déjà ambitieux mais encore bien vert, les joues rondes, relativement assujettis au système et à la figure paternelle. Le refaçonner, le relooker, le transformer en machine de conquête, en jeune loup toujours aussi abruti mais désormais puissant en lui inculquant les trois préceptes qui ne le lâcheront dès lors plus jamais : « Attaquer, nier les faits, toujours dire qu’on a gagné ».
« It’s Alive ! Aliiive ! »
Tout Donal Trump est là, dans ces quelques séquences où il observe admiratif le terrible avocat écraser tout sur son passage et aider à lancer la carrière de son petit poulain. Les 70’s étaient crasseuses et granuleuses mais encore empreintes d’une certaine élégance, le réalisateur iranien Ali Abbasi, remarqué pour les thrillers Border et Les Nuits de Mashhad, s’engouffre alors dans une décennie suivante avec une esthétique vidéo impure, bling bling, bruyante et aux fautes de gouts indénombrables. La décennie de Trump, de sa Trump Tower, de sa conquête d’Atlantic City et de son passage définitif à l’âge adulte, où l’élève dépasse le maitre. Il relègue à l’oubli Roy Cohn par peur du Sida, humilie sa première femme Ivana (Maria Bakalova), arnaque sa propre famille, laisse son frère mettre fin à ses jours et n’est plus obsédé que par son image (chirurgie esthétique et lampe UV nous voilà !), son moi, regardant déjà au loin un avenir où flotte la bannière étoilée.
Un film à charge naturellement, explorant les mécaniques cannibales du futur double président des Etats-Unis, sa faculté à réécrire sa propre histoire et à effacer tous les gêneurs dans le tableau, mais qui ne peut forcément se départir d’une certaine forme de caricature. Celle véhiculée par le véritable Donald Trump bien entendu, lui-même tristement grotesque, effrayant de bêtise, et auquel le film tente de donner quelques couleurs plus humaines (pas si facile), d’expliciter les dérives malades et sa parfaite synthèse du modèle économique et idéologique américain.
Avec sa structure syncopée, son ton qui hésite entre le témoignage et la satyre esquissée, The Apprentice reste à la bordure, œuvre informative intéressante et solidement façonnée, rappelant constamment la nature butor et malhonnête, du « à nouveau » leader du monde libre (peut-être plus pour longtemps) … mais rien que l’on ne savait déjà finalement.
Image
L’esthétique du film reposant sur une opposition entre la patine filmique des 70’s et le rendu vidéo baveux des 80’s, le Bluray n’apporte pas forcément une patine bien lisse et bien propre comme on pourrait s’y attendre d’un film de 2024. The Apprentice ne cherche pas forcément la « belle image » mais des sensations granuleuses, des matières, et même une certaine laideur dans sa seconde partie. Le format 1.50 (très « télé)est bien entendu respecté et le master proposé souligne à la perfection les ambitions de la photo, assurant grâce à une définition des plus solide, une stabilité impeccable, des teintes toujours bien délimitées et des noirs profonds.
Son
Les deux DTS HD Master Audio 5.1 ne sont pas forcément là pour de grandes démonstrations de force, mais accompagnent avec ferveur le métrage. Les ambiances de rues, les soirées plus ou moins huppées, la profondeur des décors, extérieurs ou intérieurs, résonnent avec un certain réalisme. Une dynamique qui reste cependant assez discrète, le film mettant surtout en avant les personnages et leurs échanges dialogués.
Interactivité
Mieux que l’édition américaine, la sortie Metropolitan de The Apprendice nous restitue ici les trois interviews promotionnelles enregistrées par les acteurs principaux. Sebastian Shaw, Jeremy Strong et Maria Bakalova reviennent face caméra sur leurs personnages, le style et les films de Ali Abbasi, le tournage et la transformation des acteurs, sans jamais trop s’attarder sur dans leur regard plus personnel sur Donal Trump et les évènements. Cela reste assez intéressant tout de même, et complété par une interview inédite du réalisateur enregistré pour l’édition française. Avec une parole plus libre Ali Abbasi discute de sa volonté de se détacher de la forme classique du biopic, de ses choix visuels, de sa collaboration avec les acteurs et son rapport en tant qu’iranien avec « l’empire américain » et l’un de ses plus, tristement, célèbres représentants.
Liste des bonus
Entretien avec Ali Abbasi (11’), EPK Interviews Sebastian Shaw, Jeremy Strong et Maria Bakalova (29’).