THE AIMED SCHOOL & THE GIRL WHO LEAPT TROUGH TIME
ねらわれた学園, 時をかける少女 – Japon – 1981, 1983
Support : Bluray
Genre : Fantastique
Réalisateur : Nobuhiko Obayashi
Acteurs : Hiroko Yakushimaru, Ryôichi Takayanagi, Masami Hasegawa, Tomoyo Harada, Ryôchi Takayanagi, Toshinori Omi…
Musique : Masataka Matsutôya,
Image : 1.85 16/9
Son : Japonais DTS HD Master Audio 2.0 et 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 90 et 104 minutes
Éditeur : Spectrum Films
Date de sortie : 17 octobre 2023
LE PITCH
The Aimed School : Yuka Mitamura est une jeune lycéenne dotée de pouvoirs psychiques. Un jour, un nouvel élève du nom de Koji est transféré dans son école, et il se trouve que lui aussi possède des dons équivalents. Problème : celui-ci les utilise afin de truquer les élections du conseil étudiant…
The Girl Who Leapt through Time : Kazuko Yoshiyama, une lycéenne ordinaire, est accidentellement exposée à une étrange vapeur parfumée à la lavande dans le laboratoire scientifique de son école. Elle découvre peu de temps après qu’elle possède maintenant la capacité de se téléporter et de sauter dans le temps.
Pouvoirs adolescents
Après la sortie en salle du film culte Housu (par Potemkine), l’important cinéaste nippon Nobuhiko Obayashi commence enfin à avoir un semblant de reconnaissance en France. La preuve avec ce double programme concocté par Spectrum Films. Deux fantaisies adolescentes pleines de pouvoirs, de grands sentiments, de science-fiction, de mélancolie et d’une petite dose de kitch.
Après l’énorme révélation de House, condensé bouillonnant de son imaginaire et de ses expérimentations formelles, la carrière de Nobuhiko Obayashi va devenir particulièrement prolifique au cours des années 80. En partie grâce à son association avec le producteur indépendant Haruki Kadokawa, héritier de la fameuse maison d’édition, qui va lui commander plusieurs adaptations de leur catalogue. Un catalogue de romans populaires dans lequels piocher, mais il faut aussi compter sur l’autre dynamique de la Kadokawa : mettre en avant les nouvelles idoles maison, ici Hiroko Yakushimaru (une énorme star d’alors) et Kazuko Yoshiyama (jeune débutante qui a depuis fait carrière). Des jeunes actrices vendues comme les fiancées idéales, mignonnes, sages, dévouées et naturellement poussant la chansonnette en ouvertures ou dans le générique de fin. Des œuvres de commandes mais que le cinéaste va aborder avec beaucoup de soin et surtout sans jamais oublier d’en faire des œuvres tout à fait personnelles.
Guerre scolaire
Par leurs thématiques tout d’abord qui rejoignent pleinement sa vision de la jeunesse, la nécessité de lui laisser toute innocence et liberté afin de faire éclore un anticonformisme salvateur. Obayashi a connu la guerre, vu certains ses proches et amis mourir des suites de la bombe d’Hiroshima, et met constamment en garde ses jeunes spectateurs contre un retour de l’ordre, de l’autorité et du fascisme. Un message absolument central dans The Aimed School (1981), grande comédie adolescence bercée dans la SF où une jeune fille se découvre des pouvoirs psychiques qui vont l’amener à combattre un terrible envahisseur vénusiens, et sa représentante lycéenne parfaite et hautaine, qui veulent transformer son lycée en établissement productif et militaire. Même s’il s’agit là d’une adaptation d’un roman signé Taku Mayumura (qui fut d’ailleurs réadapté en animé en 2012 sous le titre Psychic School War) on reconnait surtout dans la frénésie avec laquelle est dépeinte l’établissement, la haute teneur en personnages farfelus et outranciers et même quelques débordements vers la comédie musicale foutraque, une inspiration remarquable du coté des mangas de l’époque, et en particulier les délires du Lamu (Urusai Yatsura) de Rumiko Takahashi. Un véritable manga live, assez frappé, où les différents pouvoirs psychiques sont dessinés à même la pellicules et où dès que l’occasion s’offre à lui, le cinéaste s’amuse de ses habituels matte painting, collages pop et passages délicats entre la couleur et le noir et blanc. On n’échappe pas ici à quelques grands segments gentiment gnian-gnian entre les deux jeunes héros, mais l’humour, la bonne part de folie qui nourrit le spectacle et la célébration radieuse d’une jeunesse s’affirmant face à l’avenir le rendent effectivement très attachant.
Le futur des sentiments
D’apparence beaucoup plus sage et apaisé, The Girl Who Leapt Throught Time use tout autant de son cadre fantastique pour venir dessiner les affres de l’adolescence, entre éducation sentimentale, hésitations entre conformisme et voie personnelles, et découverte du soi. Une première adaptation, assez libre, du célèbre roman de Yasutaka Tsutsui (Paprika) que beaucoup connaissent aujourd’hui pour sa superbe vision animée réalisée par Mamoru Hosoda avec La Traversée du temps. Ici le récit se fait presque plus terre-à-terre, plus sobre et encrée dans le réel. En l’occurrence la ville d’Onomoshi où le cinéaste a grandi (au centre aussi des films I am you, you are me et Lonelyheart, formant une trilogie géographique) qui figure ainsi un décor à la fois contemporain et nostalgique où l’héroïne va revivre inlassablement la même journée comme dans Un Jour sans fin d’Harold Ramis. Il est d’ailleurs ici aussi question de profiter de cette répétition pour apprendre à se découvrir, à apprivoiser ses sentiments et à véritablement comprendre la nature de cet amour portée sur ce beau jeune homme trop parfait pour être vrai. En l’occurrence un voyageur du temps, décrivant un monde froid et sans végétaux où le système scolaire poussant à la performance à accéléré le passage des jeunes à la vie active. Si le grand climax du film porte une nouvelle fois la marque des expériences graphique du cinéaste, entre effets spéciaux, animations et découpes afin de dessiner une redécouverte onirique du propre passée de l’héroïne, on note surtout une superbe utilisation d’enchainement de photographies façon pixelation pour évoquer avec simplicité et poésie les allers-retours temporels.
Deux jolis petits films, parfois trop doucereux mais souvent charmants, décrivant avec tour à tour avec une fougueuse frénésie puis avec une douce mélancolie l’adolescent et le passage à l’âge adulte, qui marquèrent toute une génération de jeunes spectateurs japonais. Un mélange entre sentimentalisme romantique et fantastique assumé dont ont perçoit aujourd’hui toujours l’influence dans le cinéma de l’archipel, à commencer dans la filmographie du génial Makoto Shinkai dont Your Name, Les Enfants du temps ou 5 centimètres par secondes semblent en être de très belles variations.
Image
Les deux films en présence n’ont malheureusement pas profité d’une belle restauration 4K comme le classique Housu et les masters HD en provenance du Japon ne sont pas forcément de première fraicheur. Les cadres sont propres et malgré les retouches visuelles du metteur en scène, toujours stables et homogènes, mais la source semble souvent être parfois un gonflage d’anciennes copies occasionnant des fluctuations de grains, passant du discret au neigeux, et de définitions, assez appréciables en pleine lumières mais beaucoup plus floues et écrasées dès que les plans s’assombrissent. De la même manière, la colorimétrie, en particulier du premier film, gagnerait à connaitre une petite rehausse générale. De petits blurays, mais pas honteux non plus.
Son
Les deux films sont proposés au choix avec des versions originales en stéréo respectant la frontalité d’origine, ou un 5.1 se voulant plus moderne et dynamique. Ce dernier n’est cependant jamais vraiment spectaculaire et en dehors de quelques petits effets sympathiques, en particulier dans The Aimed School, reste assez discret avec qui plus est une légère baisse sonore.
Interactivité
Double programme chez Spectrum Films induit donc un fourreau cartonné, une jaquette réversible (pour mettre en avant son film préféré) et deux bluray bien logés dans leur boitier double scanavo. Et l’éditeur se montre une nouvelle fois assez généreux en reprenant déjà deux bonus d’un coffret UK de Third Window signés par le critique Aaron Gerow : des scènes de The Aimed School commentées par ses soins et une longue interview de Chigumi Obayashi, fille de, qui revient sur ces « années Kadokawa », mais aussi l’implication du reste de la famille dans les œuvres du paternel. On retrouve aussi pour The Girl Who Leapt Throught Time des documents en provenance direct du japon avec un montage gentiment promo autour de la jeune actrice Tomoyo Harada, le clip de sa chanson (sans doute filmé par Obayashi lui-même) et surtout une rencontre avec le cinéaste qui raconte avec franchise le mélange entre l’aspect commercial du film et ses aspirations plus personnelles.
Mais Spectrum a aussi décidé d’ajouter au programme des interventions de gars bien de chez nous avec deux présentations signées Stéphane du Mesnildot (Les Cahiers du cinéma) et deux discussions, un peu rigides, par les gars de Monsieur Bobine. Le propos sert effectivement à resituer l’importance d’Obayashi dans l’histoire du cinéma japonais, à redéfinir son style, ses obsessions, son inscription au sein d’un cinéma populaire, ses effets de styles et les ramifications de ses thèmes au sein de sa filmographie et au-delà.
Liste des bonus
Présentations de Stéphane Du Mesnildot (16’ et 24’), Interview de Chigumi Obayashi (27’), Scènes commentées par Aaron Gerow (27’), interview d’archive de Nobuhiko Obayashi (24’), Tomoyo Harada : Audition et En coulisse (7’), Clip (3’), Discussions avec Yoan Orszulik et Aurélien Gouriou-Vales du cinéclub de Monsieur Bobine (29′ et 33’) et bandes-annonces originales.