TERRIFIER L’INTÉGRALE
All Hallow’s Eve, Terrifier, Terrifier 2 – Etats-Unis – 2013, 2016, 2022
Support : UHD 4K & Blu-ray
Genre : Horreur
Réalisateur : Damien Leone
Acteurs : Lauren LaVera, David Howard Thornton, Jenna Kanell, Kailey Hyman, Samantha Scaffidi, Catherine Corcoran, Mike Giannelli, …
Musique : Paul Wiley, Noir Deco
Durée : 299 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais & Français DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Éditeur : ESC Editions
Date de sortie : 24 mai 2023
LE PITCH
Une babysitter et les enfants qu’elle garde le soir d’Halloween trouvent une étrange cassette VHS dans leur sac de bonbons / Deux jeunes femmes sont poursuivies par un clown sadique et psychopathe dans un immeuble abandonné / Un an après le massacre de Miles County, Art le Clown s’en prend à une adolescente et à son jeune frère…
Mauvais tours
Après une exploitation aussi inattendue que réjouissante au mois de janvier dernier dans nos bonnes vieilles salles de France et de Navarre, ESC continue de dérouler le tapis rouge à la franchise gore et méchante de Damien Leone. Terrifier 2 débarque donc en blu-ray et 4K Ultra HD accompagné des précédents méfaits d’Art le Clown dans le film à sketches All Hallow’s Eve et Terrifier premier du nom, le tout dans un coffret au visuel qui claque et rempli jusqu’à la gueule de goodies et de suppléments en tous genres. Le grand luxe pour un croque-mitaine encore un peu vert mais qui ne rechigne jamais à la tâche. Attention, ça va trancher !
Dès les premières minutes de son court-métrage The 9th Circle et l’apparition dans un coin du cadre d’un clown inquiétant et totalement mutique, le réalisateur, scénariste et maquilleur Damien Leone sait qu’il tient là quelque chose de spécial. Personnage très secondaire d’une obscure histoire à base d’enlèvements, de victimes enchaînées, de monstres et d’adorateurs de Satan, Art le Clown (qui ne porte d’ailleurs pas encore de nom) marque les esprits. Bien que les personnages de clowns tueurs et maléfiques ne manquent pas au cinéma, la créature imaginée par Leone et incarnée par son vieux pote Mike Giannelli se démarque instantanément de la concurrence. Ni flamboyant, ni bavard, ni gesticulant, Art le Clown est une sorte d’énigme. Un regard noir et fixe qui crée le malaise, un silence absolu, un costume monochrome et une gestuelle qui va à l’essentiel. Art est un boogeyman au carrefour des pitreries vicelardes de Freddy Krueger et du maniérisme onirique et muet des Gentlemen de Hush, l’un des meilleurs épisodes de la série Buffy, Tueuses de vampires.
Leone et Giannelli développent le concept avec un autre court-métrage, cette fois-ci intitulé Terrifier, et dans lequel Art le Clown intègre définitivement la mécanique du slasher à tendance surnaturelle. La jouissance malsaine que le tueur prend à réduire ses victimes en charpie, sa misogynie sanglante et sa nature démoniaque sont fermement établies avec un final choquant où Art transforme « l’élue de son cœur » en femme-tronc dénudée, une litanie d’insultes sexistes gravées à même la chair !
Body Bags
Ses deux courts sous le bras, Damien Leone s’en va faire la tournée des producteurs, espérant financer une version plus longue et plus ambitieuse de Terrifier. N’essuyant que des refus, il diffuse son œuvre sur Youtube et attend patiemment que les investisseurs viennent à lui. La proposition la plus intéressante lui vient de Jesse Baget et de la petite société Ruthless Pictures, laquelle commande à Leone un film omnibus sur le thème d’Halloween. Pour une somme modique, le cinéaste met en boîte un troisième segment à base d’extra-terrestres vicelards s’introduisant de nuit dans la maison toute neuve d’une femme qui attend que son artiste de mari rentre à la maison et le fil rouge de l’histoire avec une baby-sitter, une paire de gamins insupportables et une cassette VHS maudite cachée dans un sac de bonbons. Le tout est complété par des versions légèrement remaniées et remontées de The 9th Circle et de Terrifier pour un résultat qui, miraculeusement, tient plutôt bien la route. Sans être du même niveau que le fabuleux Trick R’ Treat de Michael Dougherty, All Hallow’s Eve (2013) parvient à transcender son caractère bricolé, opportuniste et fauché grâce à une atmosphère putride et lynchienne qui fait son petit effet. Avec un décor crasseux et mal éclairé, une poignée de figurants cadrés le plus serré possible où même avec un alien qui semble pourtant tout droit sorti d’un cosplay un peu minable, Leone sait y faire pour mettre les nerfs du spectateur à rude épreuve. Un hommage réussi au Ring d’Hideo Nakata où Art le Clown remplace Sadako achève de rendre sympathique et tout à fait fréquentable un DTV sans doute pas très original mais bien moins maladroit que prévu. Parce qu’il faut bien manger et se faire la main, Damien Leone rempile avec Ruthless Pictures pour Frankenstein Vs The Mummy et un inévitable All Hallow’s Eve 2, deux séries Z anonymes qui ne font guère avancer le schmilblick.
Frustré de ne pas voir aboutir le long-métrage Terrifier, Damien Leone se lance au bout du compte dans le financement participatif via la plateforme Indiegogo. Avec 35 000 dollars en poche (beaucoup moins que prévu), il ne met pas forcément en boîte le slasher dont il rêve mais plutôt une bande démo supposée exploiter le potentiel horrifique d’Art le Clown. Lequel est désormais interprété par le génial David Howard Thornton qui remplace au pied levé un Mike Giannelli pas vraiment emballé à l’idée de remettre le couvert et de subir des heures de maquillage.
Sang pour sang
Distribué en salles en 2018 de façon confidentielle par les fanboys de Dread Central Presents, un site d’amoureux du cinéma d’horreur, Terrifier souffle le chaud et le froid. Avec l’acteur idéal dans le costume, Art le Clown trouve sa forme définitive et gagne ses galons de boogeyman cauchemardesque, une création à même de provoquer une cascades de crises cardiaques et d’AVC chez tous les coulrophobes qu’il pourrait croiser. Quant aux maquillages spéciaux concoctés par Damien Leone lui-même, ils renouent avec la tradition du genre et impressionnent, en particulier pour le clou du film lorsque Art découpe à la scie rouillée et dans le sens de la longueur une pauvre innocente suspendue par les pieds et en commençant par l’entrejambe (une idée piquée au Bone Tomahawk de S. Craig Zahler pour un résultat gerbant et carrément irresponsable).
Et ce sont malheureusement les seules qualités d’un film dont Leone ne s’avoue pas forcément satisfait, regrettant un scénario prétexte et des personnages sans la moindre épaisseur. Un euphémisme. Dénué d’un véritable point de vue, souvent très mal joué, très laid et handicapé par une mise en scène pauvre et statique, Terrifier ne dépasse pas le niveau d’une fan fiction alignant des provocations puériles. Une seule scène surnage de cette petite série Z aux maladresses irritantes : lorsqu’une sans-abri esseulée et à l’instinct maternel dérangé prend Art dans ses bras pour le consoler et que ce dernier se met à sucer son pouce avec son insistance. Un véritable concentré d’étrangeté et de malaise dans la continuité des premiers travaux prometteurs du cinéaste. Pour le reste, circulez, y a rien à voir !
Il est revenu
Aussi mauvais soit-il, Terrifier ne laisse pourtant pas les amateurs de gore insensibles. Impossible d’oublier la silhouette d’Art le Clown et son appétit pour la boucherie. Motivé, Damien Leone renoue donc avec le financement en ligne et le résultat dépasse cette fois-ci toutes ses prévisions les plus folles. Le budget du film précédent est multiplié par sept et, porté par une fanbase solide, le cinéaste peut enfin se lâcher comme il le souhaite. Loin d’être pénalisé par la pandémie de COVID-19 qui interrompt un tournage déjà bien avancé, Terrifier 2 voit les choses en grand et respecte avec zèle l’adage du bigger, better and louder avec, bien entendu, un supplément de bloodier. Une générosité un peu contre-productive puisque avec une durée de 2h18 (!), ce slasher maousse a la main bien trop lourde pour décoller comme il le pourrait et ne trouve son rythme de croisière qu’à l’entame de son climax jouissif dans un train fantôme. Si l’étirement jusqu’à la nausée de la scène onirique du Clown Café déroule une atmosphère surréaliste unique en son genre, la même approche appliquée à la scène nettement plus anodine du magasin de farces et attrapes donne l’impression que Damien Leone joue inutilement la montre. La preuve que le cinéaste, en dépit de ses progrès à presque tous les niveaux (et notamment la direction d’acteurs), a encore beaucoup à apprendre et qu’il gagnerait à être canalisé par un producteur avisé et expérimenté.
En contrebalançant ses excursions virtuoses mais très énervées vers le torture porn (le calvaire ahurissant du personnage interprété par la pauvre Casey Hartnett) par la présence d’une héroïne lumineuse, attachante et sacrément combative qui traverse cette nuit d’horreur dans une tenue sexy de valkyrie, Damien Leone fait mouche. En développant et en enrichissant la mythologie de son incroyable bad guy sans pour autant en déflorer les nombreux mystères, il prouve aussi qu’Art le Clown n’est pas simplement une icône éphémère mais bien une création avec encore de beaux jours devant elle. La hype a beau être, comme toujours, excessive, elle n’en est pas moins justifiée et Terrifier 2, drôle d’objet bis et hargneux, apporte enfin un peu de sang neuf et non coagulé à l’horreur made in USA.
Image
Issus de sources numériques en haute-définition (à l’exception de The 9th Circle, visiblement tourné avec une DV non professionnelle), les masters proposés sont tous de très grande qualité avec des contours tranchants, des contrastes travaillés et un traitement des couleurs parfois de très haut niveau, notamment pour Terrifier et Terrifier 2. Et il n’y a d’ailleurs que la suite, véritable star de ce coffret, à avoir eu les honneurs d’une galette 4K Ultra-HD absolument irréprochable. Traversé par un grain aussi discret qu’élégant et rajouté en post-production, ce nouvel Everest du gore à domicile plongera votre salon sous des hectolitres d’hémoglobine et des tonnes de barbaque fumante. Définition, compression, textures, relief, l’image atteint un niveau de perfection appelé à faire date.
Son
Le DTS-HD d’All Hallow’s Eve a beau s’asseoir sur la subtilité, ses basses inquiétantes et ses effets multidirectionnels exagérés assurent le spectacle. Le mixage de Terrifier s’appuie davantage sur la piste musicale (insupportable score synthétique 80’s de Paul Wiley) et les effets sonores des chairs malmenés et tailladées pour un résultat très efficace et que l’on se prend souvent en pleine poire mais sans véritable personnalité pour autant. Plus percutantes, plus équilibrées et organiques, les pistes sonores du 4K Ultra HD de Terrifier 2 ne tombent jamais dans l’excès même lors des scènes les plus éprouvantes et proposent une expérience acoustique immersive en diable.
Interactivité
En parallèle d’un « pack ultimate » bientôt (ou déjà?) épuisé qui contient l’édition collector dont nous sommes venus vous causer aujourd’hui et un rab de goodies jouant la nostalgie 80’s jusqu’au vertige (des boîtiers VHS, une cassette audio de la chanson Clown Café), ESC a fait le choix de décliner la franchise Terrifier sous différents formats mais sans jamais lésiner sur les bonus. Calqué sur un format déjà éprouvé avec la très belle édition de The Sadness sortie l’année dernière, le coffret collector regroupant All Hallow’s Eve, Terrifier et Terrifier 2 est un objet à la fois élégant, imposant et passionnant par le contenu qu’il propose. Chaque film a droit à sa présentation avec un entretien dithyrambique et analytique mené par le journaliste Simon Riaux, un des piliers du site Ecran Large. Son enthousiasme est sans doute discutable et son propos un peu tiré par les cheveux mais il dégage dans une bonne humeur communicative et finalement assez rare quantité de pistes de lectures pour aborder les shockers de Damien Leone. Ce dernier est au centre d’un autre bonus exclusif à cette édition avec un entretien carrière (réalisé à distance par webcam et cadré dans une légère plongée qui ne rend pas le visionnage très confortable) mené tambour battant d’où transpirent la passion et l’humilité de cet artisan prometteur. Les suppléments des éditions américaines ont traversé l’Atlantique et constituent le gros de l’interactivité avec les versions originales des courts The 9th Circle et Terrifier, des making-ofs qui font la part belle à des instantanés de tournage et évitent soigneusement les platitudes promotionnelles d’usage pour nous plonger dans une ambiance à la fois studieuse et bon enfant. Ces documents sont réellement les bienvenues et sont complétés par des featurettes sur le maquillage et les effets spéciaux et des entretiens qui en rajoutent une couche dans l’implication admirable de l’entourage et du casting rassemblés autour de Damien Leone. La médaille d’or revient au bout du compte au commentaire audio marathon de Terrifier 2 assuré par le réalisateur et auteur avec un sens pointu de l’anecdote qui tue, du détail subtil et du compliment sincère pour des collaborateurs qu’il pousse à donner le meilleur d’eux-mêmes. En épluchant l’interactivité des trois films, l’honnêteté, la ténacité et la simplicité de Damien Leone finissent par apparaître comme l’ingrédient secret de son succès. Et une édition collector made in ESC ne serait pas tout à fait complète sans un livret concocté par l’incontournable et inusable Marc Toullec. Voilà. Si ça ne vous suffit toujours pas, il y a aussi un pin’s, un magnet des photos et … un mois d’abonnement offert pour la chaîne Shadowz, plateforme de streaming spécialisé dans le cinéma qui tâche et qui fait hurler les vierges et les hipsters mais aussi partenaire d’ESC dans la distribution au cinéma de Terrifier 2.
Liste des bonus
Terrifier 2 :Commentaire audio (VOST) de Damien Leone / Entretien inédit avec Damien Leone / Entretien avec l’équipe du film par le site Bloody Disgusting / Entretien avec Simon Riaux / Making of / Karaoke de la chanson « Clown Cafe » / Bande-annonce
Terrifier : Making of / Entretien avec Simon Riaux / Maquillage de Art Le Clown / Interview avec l’actrice Jenna Kanell / Scènes coupées / Bande-annonce
All Hallow’s Eve : Entretien avec Simon Riaux / The 9th Circle (court-métrage) / Terrifier (court-métrage) / Bande-annonce / Livret de 32 pages