Comme le démontrent la récente sortie d’En eaux (très) troubles en 2023 ou celle de la future série de Xavier Gens, Sous la Seine, cet été, les fictions se reposant sur les monstres marins demeurent encore un filon rentable. Et c’est bien ce qu’avait compris Ovidio G.Assonitis lorsqu’il s’attaqua au genre en 1977 avec son Tentacules, tout droit inspiré par Les Dents de la mer de Steven Spielberg, sorti deux ans auparavant et qui inspira de nombreux producteurs opportunistes à l’instar de l’italo-grec.
Producteur éclectique (de Qui l’a vue mourir de Aldo Lado à L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune de Jacques Demy…en passant par Ator, le guerrier de fer de Alfonso Brescia), Asonitis n’aura finalement réalisé qu’une poignée de films. Des purs produits d’exploitation comme Le Démon aux tripes en 1974, relecture de L’Exorciste à la sauce italienne, ou Piranhas 2 en 1981, dont on se souvient surtout pour la participation au film du néophyte James Cameron.
Malgré son côté Bis assumé, Tentacules cherche pourtant, sur le papier, à mettre ses palmes dans le film de Spielberg avec un tournage sur la côte californienne et un ancrage américain confirmé par l’incroyable casting concocté par Assonitis.

Naufrage collectif

Un film plein de promesses, donc, mais non tenues ! Malgré leurs Oscars, John Huston, Shelley Winters et Henry Fonda ne parviendront jamais à mettre le film à flots, et on peut légitimement se demander si l’argent investi dans le casting n’a pas réduit les manœuvres d’un réalisateur multipliant les scènes de dialogues et étirant à souhait la moindre séquence pour montrer le moins possible son horrible monstre ! Huston, qu’on retrouvera dans une autre production d’Assonitis Le Visiteur maléfique en 1979, traverse et porte le film avec son flegme. On retiendra surtout son inoubliable chemise de nuit (!), son duo, l’une des rares réussites du film, avec le shérif incarné par Claude Akins ainsi que son inexplicable disparition dans le dernier tiers du film. Dans un rôle ingrat et caricatural, Shelley Winters assure toutefois tandis que la présence de Fonda ne se résume finalement qu’à quelques apparitions.
Ce qui aurait pu être le véritable acteur du film, la pieuvre géante, brillera finalement par son absence en début de métrage et par le manque d’intérêt que lui témoignent les personnages. Car ce sont finalement des orques qui seront les héros du film, ce qui nous vaudra des dialogues assez surréalistes tenus par l’océanographe Bo Hopkins et un final aussi incroyable que mal réalisé. Au contraire d’un Mort au large du compatriote Enzo G. Castellari, souvent qualifié de « nanar » mais particulièrement généreux, l’œuvre d’Assonitis manque cruellement de spectacle, le rythme est lancinant et aucune scène ne s’avère mémorable… hormis le raté de la régate de voile où les « arrêts sur image » et un montage douteux rendent chaotique la séquence.

Bien que s’obstinant par moment à filmer les chevilles de ses acteurs, Ovidio Assonitis ne filme pourtant pas comme un pied, comme en attestent les superbes séquences sous-marines, avec un étrange cimetière de poissons, et quelques travellings réussis. Mais ceci est bien trop peu pour sauver du naufrage un film où même l’excellent Stelvio Cipriani (Femina Ridens) se prend les pieds dans le tapis avec une BO des plus mièvres.