TEMPS SANS PITIÉ
Time Without Pity – Etats-Unis – 1957
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Joseph Losey
Acteurs : Michael Redgrave, Ann Todd, Leo McKern, Paul Daneman, Peter Cushing…
Musique : Tristram Cary
Durée : 88 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Carlotta Films
Date de sortie : 15 février 2022
LE PITCH
À sa sortie de cure de désintoxication, David Graham apprend la condamnation à mort de son fils Alec pour le meurtre de sa petite amie. Il ne reste plus que vingt-quatre heures avant que la sentence soit appliquée. Persuadé de son innocence, David débarque à Londres pour mener l’enquête et découvrir l’identité du véritable assassin. Au cours de cette journée cauchemardesque, il va aussi devoir lutter contre ses propres démons.
Grandeur et décadence
Temps sans pitié est un titre qui sied bien à son réalisateur. Ce pourrait même être le titre d’une de ses biographies ou de son épitaphe. Si ses films lui ressemblent tant, c’est que comme tout artefact, une partie de lui-même transpire dans ses longs métrages.
Joseph Losey pourrait avoir l’appellation de citoyen du monde. Américain de souche, les aléas de la vie lui font découvrir le théâtre à Moscou, avant d’aller étudier en Allemagne pour enfin retourner sur sa terre natale. Son parcours cinématographique n’a rien à lui envier. Usa, Italie, Angleterre, France, se sont autant de pays qui lui ont servi de terre d’accueil.
Pourquoi tant de haine ? Ce bon vieux sénateur Joseph McCarthy s’est encore incrusté à la fête sans y être invité. Les voyages de jeunesse de Losey dans l’ancien bloc communiste ont laissé des traces. Engagé politiquement aux côtés du parti communiste américain, il est sommé de témoigner aux États-Unis alors qu’il achevait un tournage en Italie. Le choix de l’exil britannique fut difficile mais approprié. Cette période de vaches maigres se fit dans la douleur, certains acteurs refusant de tourner avec un “collabo communiste” ; il est contraint comme beaucoup de compatriotes, eux aussi partisans, de signer ses longs-métrages sous pseudo. Ces années vont le marquer par la dépression et l’alcoolisme. Heureusement, le soleil finit toujours par poindre son nez derrière les nuages et son amour pour le théâtre va l’enticher de cette pièce qui deviendra Temps sans pitié. Début de rédemption et fin de l’anonymat puisque le nom de Joseph Losey brille à nouveau sur le haut des affiches.
Nouveau souffle
Lorsque l’on dit que la personnalité d’un metteur en scène s’imprime sur un film, celui-ci peut s’apparenter à une plongée dans le subconscient de son cinéaste. Losey s’est surement identifié à cette histoire de père qui fait tout pour prouver l’innocence de son fils alors qu’il attend la peine capitale. Fils qu’il n’a pas revu depuis des années à cause d’une cure de désintox pour dépendance à l’alcool qui trainait en longueur. Tout le film jouera sur cette corde raide où la rechute dans ce climat anxiogène est un combat de chaque instant. Sachant que l’exil forcé de Losey l’éloigna de sa propre, progéniture durant des années, l’identification n’en est que plus troublante.
Mais en dehors de cela, Joseph Losey sait mener sa barque. Son film est noir, tendu, dégraissé au maximum. L’enquête n’est pas le plus important. L’assassin est connu dès la scène d’introduction. Celle-ci aux accents expressionnistes donne le ton. Sa composition de l’image et ses jeux d’ombres happent le spectateur. En homme de théâtre, le réalisateur montre tout au long du film l’importance de ses décors. Epurés dans leurs sophistications, ils emprisonnent le personnage dans des encadrements travaillés où les embrasures de portes sont autant de pièges mentaux pour le pauvre Michael Redgrave qui porte le film de bout en bout. Losey explore sa thématique du double de l’âme humaine au travers de miroirs omniprésents d’une séquence à l’autre comme autant de troubles psychologiques traversés par ce père absent en quête de rédemption. Si la sémantique visuelle est formelle, Temps sans pitié pêche par manque de fluidité au risque de perdre son spectateur. Les noms et ellipses s’enchainent sans que l’on suive vraiment ses aboutissants alors que les pièges se referment dans un engrenage infernal.
D’un mélodrame policier, Joseph Losey tire son film vers la tragédie humaine. Celui-ci lui vaudra à nouveau la reconnaissance perdue, particulièrement celle venue de France, nouvelle terre d’accueil d’un cinéaste sans patrie.
Image
Restaurée en 2k, Temps sans pitié retrouve ses contrastes en noir et blanc bien tranchés tout en rehaussant avec justesse sa profondeur de champ. L’aspect pellicule est bien heureusement préservé dans le plus grand respect de l’œuvre.
Son
Seule la version originale est proposée en mono. Ceci n’est pas particulièrement gênant car la piste est plutôt bien calibrée et nuancée. Le film étant plutôt bavard, l’essentiel se porte donc sur ses dialogues limpides.
Interactivité
C’est à Michel Ciment, directeur de la publication de la revue Positif que Carlotta laisse la parole. En fin connaisseur, l’auteur du “Livre de Losey “ sait forcément de quoi il parle. Il revient sur cette période européenne du réalisateur où victime du McCarthisme il préféra ne pas rentrer au pays. Un peu court mais bigrement intéressant.
Liste des bonus
« Une époque sans pitié » : entretien avec Michel Ciment (21’), Bande-annonce 2020 (1’).