TÉMOIN INDÉSIRABLE
Ordeal by Innocence – Royaume-Uni – 1984
Support : Bluray
Genre : Policier
Réalisateur : Desmond Davis
Acteurs : Donald Sutherland, Faye Dunaway, Christopher Plummer, Sarah Miles, Ian McShane, Diana Quick, Annette Crosbie, Michael Elphick
Musique : Dave Bruceck
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français LPCM 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 90 minutes
Éditeur : BQHL
Date de sortie : 23 août 2023
LE PITCH
Assassinée durant Noël 1954, la riche philanthrope Rachel Argyle l’aurait été, selon la justice, par son fils adoptif, Jacko. Après le décès de celui-ci, mort d’une pneumonie derrière les barreaux, son ami le docteur Arthur Calgary, qui aurait dû lui servir d’alibi, revient d’un long voyage à l’autre bout du monde. Confronté à la famille du meurtrier supposé, il découvre qu’aucun de ses membres n’attend qu’il remue le passé et sorte des squelettes des placards. Pourtant, mieux que personne, Calgary sait que l’un des Argyle est le tueur.
Cold case
Du milieu des années 70 jusqu’à la fin des années 80, le cinéma raffole des adaptations luxueuses (avec casting de stars donc) des œuvres d’Agatha Christie. Parmi celles-ci Témoin indésirable avec tout de même le solide Donald Sutherland en tête d’affiche, n’a pas forcément marqué les esprits.
Le roman d’origine est pourtant l’un des préférés d’Agatha Christie en personne. Elle nous offre l’un des ces mystères dont elle a le secret, en jouant sur la figure du coupable idéal au milieu d’une famille dont les membres semblent tous plus suspects les uns que les autres. Un refrain connu, avec vielles rancœurs, jalousies, tromperies et fratrie sous le joug d’une mère froide et maltraitante, mais où l’astuce est justement que lorsque Arthur Calgary débarque dans le village insulaire, l’affaire à déjà été jugée depuis deux ans et l’accusé condamné. Lui qui justement avait un alibi en béton pour ce fils ingrat et délinquant, qui aurait assassiné de sang froid sa pauvre mère. Et l’enquête que va mener ce paléontologue de son état, n’est vraiment pas au goût de tout le monde.
Si le film déporte le contexte en costume vers un cadre plus récents (en l’occurrence l’après-guerre) et se teinte par le biais de l’américain Donald Sutherland, flegmatique au possible, de thématiques plus étasuniennes (la peine de mort, la fascination pour les armes à feu…), il reste tout de même très proche des articulations du roman et d’une construction qui évite toute forme de sensationnel, préférant s’appuyer sur les nombreuses scènes de dialogues, comme autant de confrontations entre personnages et acteurs, pour faire avancer l’intrigue.
L’affaire est dans le sac
Un coté à l’ancienne (tous les flashbacks sont même en noir et blanc) et un rapprochement souligné avec les codes du film noir (col remonté sur la nuque, enquêteur blasé…), qui tranche assez curieusement avec une mise en scène sans emphase signée Desmond Davis (Le Choc des titans est son unique heure de gloire), restant constamment collée aux mouvements du protagoniste principal. Les séquences se suivent sans grande intensité, peinant bien souvent à rendre lisible les multiples enjeux familiaux, à les relier les uns aux autres, jusqu’à une résolution finale qui semble sortie in extremis du chapeau. Dommage car justement l’ingrédient central du récit est la constitution atypique, voir malaisante, de cette famille dysfonctionnelle et limite déviante. Peu passionnant, mais pas inintéressant, Témoin indésirable profite tout de même de très belles interprétations d’un casting rompu à ce genre de drama (Faye Dunnaway en matriarche honnie, Christopher Plummer en veuf froid et secret, Ian McShane en époux délaissé dans sa chaise roulante…) et d’une bien curieuse bande originale concoctée par le jazzman Dave Brubeck. Des réorchestrations et interprétations de certains de ses morceaux les plus connus, enregistrées en post-production afin de remplacer au plus vite les compositions rejetées de Pino Donaggio, qui apportent une forme de détachement, de distance, avec l’atmosphère renfermée du métrage.
Une production en demi-teinte, manifestement hésitante, qui marquait la première entrée de la fameuse Cannon Group, toujours soucieuse de s’acheter une légitimité loin des séries B d’action, dans le petit monde fermé des adaptations d’Agatha Christie, avant Rendez-vous avec la mort (1988) et Les 10 petits nègres (1989).
Image
Invisible depuis une unique distribution en Laserdisc (et même pas sûr que cela ait été le cas en France), Témoin indésirable s’est vu doté en 2019 d’une toute nouvelle copie Home Cinema. Un master produit à partir d’un scan 2K d’une copie interpositive 35mm (les négatifs sont perdus) pour un résultat très inégal et qui ne va certainement pas rajeunir le film dans nos esprits. Déjà très granuleux et sombre à l’origine, le film démultiplie ici son grain en version floconneuse et peine souvent à s’extirper de teintes opaques, de noirs un peu bouchés et de contrastes ramassés. Pas franchement chamarré donc, mais les séquences en pleins lumières peuvent se montrer très pointilleuse et plutôt performantes, et l’ensemble refuse courageusement les réducteurs de bruit.
Son
Les stéréos d’origines sont disposées ici dans des Linear PCM simples et sobres. La restitution est toujours frontale et sans grandes fioritures mais on note tout de même de petits soucis de niveaux sonores qu’il faut souvant monter pour profiter de tous les dialogues. Au passage le doublage français nous gratifie de quelques voix diamétralement opposées à celles de leurs interprètes.
Interactivité
Pour compenser l’absence de véritables compléments existants, BQHL invite la romancière Anne Martinetti à venir éclairer le spectateur de ses nombreuses connaissances sur l’œuvre d’Agatha Christie et cette adaptation cinématographique. Elle y discute des origines du roman, des thèmes principaux en lien parfois avec des aspects biographiques de la romancière, du travail d’adaptation, de la modernisation, de l’américanisation de la trame et d’un tournage qui se sera déroulé à proximité d’une des demeures de la romancière. Éclairé et plutôt intéressant même si les extraits du film qui entrecoupent le propos sont parfois bien longs.
Liste des bonus
Présentation exclusive du film par Anne Martinetti, spécialiste de l’oeuvre d’Agatha Christie (39’).