TAXI DRIVER
Etats-Unis – 1976
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame, Thriller
Réalisateur : Martin Scorsese
Acteurs : Robert De Niro, Jodie Foster, Cybill Shepherd, Peter Boyle, Harvey Keitel, albert Brooks…
Musique : Bernard Herrmann
Image : 1.85 16/9
Son : DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0 mono Anglais, DTS HD Master Audio 5.1 Français, Allemand, Italien…
Sous-titres : Français, Anglais, Allemand, Italien…
Durée : 115 minutes
Éditeur : Sony Pictures
Date de sortie : 4 décembre 2024
LE PITCH
Vétéran de la guerre du Vietnam, Travis Bickle est chauffeur de taxi dans la ville de New York. Ses rencontres nocturnes et la violence quotidienne dont il est témoin lui font peu à peu perdre la tête, il se sent inutile. Il devient obsédé par l’idée de sauver une prostituée mineure, malgré le total désintérêt de la jeune fille…
Un homme dans la foule
La riche filmographie de Marin Scorsese est jalonnée d’authentiques chefs d’œuvres, d’expérience cinématographiques fascinantes, et Taxi Driver en est certainement le représentant le plus sombre, le plus désespéré. Une terrifiante plongée dans les affres d’une solitude dévorante et destructrice au cœur d’un New York au bord de l’implosion.
Pour la petite anecdote, c’est Brian De Palma, camarade d’études de Martin Scorsese qui lui plaça en les mains le scénario névrosé de Paul Schrader (Yakuza, Obsession, Blue Collar…) y voyant, avec lucidité, un sujet idéal pour le metteur en scène de Mean Street. Ici aussi le décor urbain, la cité déliquescente des années 70, grosse pomme envahie de pourriture, est absolument centrale, transformant les hommes, les écrasants sous le point de ses bâtiments, la dureté de son bitume et la violence assourdissante qui l’habite. Quelle place dans tout ça pour Travis Bickle, vétéran du Vietnam (mais Scorsese n’approfondira jamais la question), insomniaque et névropathe ordinaire qui comble son ennui en devenant chauffeur de taxi. De ceux qui ne refusent aucune course, aucun quartier, aucune population, mais qui n’en pensent pas moins. Les clients défilent à l’arrière, mais Travis est toujours aussi seul, scrutant ses contemporains avec dégout et amertume, ne cachant si son racisme tristement banal, ni sa difficulté avec les normes sociales, le dialogues et la nécessité de dissimuler qui il est vraiment. S’il est de tous les plans, Martin Scorsese le film bien souvent en amorce, voir même peu à peu effacé de l’image, laissé hors-champs, incapable de s’incarner dans cette réalité. Maladresses de l’inadapté, il ne s’intéresse pas à la politique, pas à la musique, et il invite son premier rencard, n’y voyant aucun mal, la charmante mais toujours un peu hautaine Cybill Shepherd (Daisy Miller), dans un cinéma porno bien glauque.
« You talkin’ to me ? »
La mise en scène, s’engouffre dans les rues ténébreuses, les recoins les moins reluisants de New York, oscillant entre l’imagerie du documentaire brut et crasseux avec une quête d’échos perdus d’un cinéma noir contrasté, superbement reconstitué par la photographie que Michael Chapman (La dernière corvée, Raging Bull, L’Invasion des profanateurs…). Le grain de l’image, son réalisme rugueux ne doit pas totalement cacher que Taxi Driver est un film de fantasmes, rêverie sordide dans laquelle le protagoniste va peu à peu perdre pied, ne sachant plus auprès de qui chercher de l’aide, sombrant dans un besoin d’exister nourrissant une paranoïa et une folle violence qui prend comme cible un candidat à la présence de la république, un jeune délinquant noir braquant une supérette ou un ignoble mac (Harvey Keitel, parfaitement sordide), sans vraiment faire de différence. Le vrai visage finalement du vigilante, malade, pathétique, aux délires fascisants troubles et aveuglés, qui ne trouvera d’élévation que lors de sa rencontre avec la jeune Iris, ou Easy, (fascinante Jodie Foster en ange déchu) prostituée mineure faisant inévitablement écho aux figures de (petites) femmes fatales d’autrefois, qu’il rêve d’extraire de sa condition. A ce titre, l’épilogue faisant suite à un gunfight d’une violence paroxystique démesurée, ne manque pas d’une cruelle ironie et d’un commentaire froid sur la figure du « héros » contemporain. L’Amérique est une jungle et Scorsese la peint à coup de flashs et de filtres de lumières, de volutes de fumées échappées des pots d’échappements et des plaques d’égouts, tandis que Robert De Niro l’incarne avec une majesté inoubliable, sociopathe du bas de la rue, pauvre type se nourrissant de ses propres délires aussi peu engageants que touchant dans sa profonde tristesse.
Mais peut-être que celui qui parle le mieux de Taxi Driver n’est nul autre que Bernard Herrmann, compositeur mythique d’Alfred Hitchcock qui imprègne chaque plan ou presque de son blues cendreux, épais comme du mauvais Whisky, relents âpres de ces anciennes silhouettes s’efforçant de survivre dans des cités qui leur voulaient déjà du mal. Certainement l’une des plus grandes bandes originales pour l’un des plus grands films qui soient.
Image
Taxi Driver fait partie de ces titres idéaux pour faire la démonstration des possibilités du support UHD. Non pas pour exposer une image ultra propre, lisse et parfaite en tous points, mais bien pour montrer comment ce dernier peu accompagner avec ferveur les intentions initiales. Même quand celles-ci jouent essentiellement sur un grain des plus marqués, des matières intensément granuleuses, une alliance entre des scènes diurnes grises et assez froides, et des nuits intenses, extrêmement profondes et sculptées par des lumières fortement contrastées. A l’aide du traitement HDR, Sony développe ici tous les reliefs de la photographie, toute la profondeur de la mise en scène et les aspects les plus rugueux de l’image. Un résultat imposant, oppressant, mais riche et viscéral, auquel on pardonnera aisément des cartons d’ouverture et un premier plan en fondu manifestement irrémédiablement abimés.
Son
Les pistes sonores sont les mêmes que celles déjà entendus sur le précédant Bluray. La version française est plutôt solide quoiqu’un peu plate dans son mixage. La version originale, elle, peut se déguster avec la frontalité et la solidité du mono d’origine via un DTS HD Master Audio 2.0 parfaitement calibré, où via un plus récent DTS HD Master Audio 5.1 qui là aussi s’efforce de préserver les sensations initiales. Les effets de spatialisation, les échos urbains et les ambiances sonores étouffantes, s’insinuent avec une discrétion bienvenue, ne gâchant jamais la force des dialogues ou la dominance du saxophone des thèmes musicaux.
Interactivité
L’édition UHD reprend, comme souvent, le disque Bluray des éditions HD précédente, et qui déjà affirmait un contenu « 40eme anniversaire » roboratif avec ses différents sujets ou featurettes s’attardant sur l’écriture du script ou la production, donnant la parole à quelques chauffeurs de taxi ayant sillonné les rues à cette même époque, délivrant quelques extraits de storyboard ou livrant un bel hommage à Martin Scorsese par ses pairs. On y retrouve aussi ce Q&A très sympa et bourré d’anecdotes réunissant en 2016 Martin Scorsese, Robert De Niro, Jodie Foster, Cybill Shepherd, Harvey Keitel, Paul Schrader et le producteur Michael Phillips.
Une fois n’est pas coutume, le disque UHD contient lui aussi ses bonus avec la même Comparaison film/storyboard, ainsi qu’une galerie de photos, mais aussi un making of de plus d’une heure. Inédit sur support physique (du moins il nous semble) mais pas tout à fait récent puisque ce dernier a été produit il y a quelques années et en SD. Cela ne l’empêche pas d’être particulièrement pertinent et complet, réunissant comme il se doit toutes les informations liées à la naissance du film, son tournage et sa sortie, regroupant les interviews du cinéaste, du scénariste, du producteur et de tous les acteurs. Difficilement plus complet, alternant réflexion sur les personnages, sur l’ambiance du film, son style ou son impact (colossal), il résume admirablement tous les autres, commentaires audios compris.
Liste des bonus
Commentaire audio de Martin Scorsese et Paul Schrader (issu du Criterion Collection 1986),Commentaire audio du professeur Robert Kolker, Commentaire audio de Paul Schrader, Making of (71’), La production de Taxi Driver, « L’homme solitaire », « Influence et reconnaissance » : hommage à Martin Scorsese, « Histoires de chauffeurs de taxi », Le tournage de Taxi Driver, « Le New York de Travis », « Travis dans les décors de New York », Storyboards avec introduction de Martin Scorsese, Comparaison film/storyboard, 4 galeries de photos, Conférence de presse réalisée au Tribeca Film Festival pour les 40 ans du film (41’).