TATAMI
Géorgie, Etats-Unis – 2023
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Zar Amir, Guy Nattiv
Acteurs : Arienne Mandi, Zar Amir Ebrahimi, Lir Katz, Jaime Ray Newman, Nadine Marshall…
Musique : Dascha Dauenhauer
Durée : 103 minutes
Image : 1.33 16/9
Son : Persan et Français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : Metropolitain Film & Video
Date de sortie : 10 janvier 2025
LE PITCH
La judokate iranienne Leila et son entraîneuse Maryam se rendent aux Championnats du monde de judo avec l’intention de ramener sa première médaille d’or à l’Iran. Mais au cours de la compétition, elles reçoivent un ultimatum de la République islamique ordonnant à Leila de simuler une blessure et d’abandonner pour éviter une possible confrontation avec l’athlète israélienne. Sa liberté et celle de sa famille étant en jeu, Leila se retrouve face à un choix impossible : se plier au régime iranien, comme l’implore son entraîneuse, ou se battre pour réaliser son rêve.
Sous pression
Quand la parole est liée, l’image peut prendre le relais. L’histoire de Tatami a tout pour être une brève d’un journal télévisé quelconque, coincée entre les sujets primordiaux que sont la réduction de vitesse de dix kilomètres heures sur le périph et les caprices d’une star du football en manque de millions lors de son dernier transfert médiatisé. On peut s’insurger, mais on ne peut passer sur des questions qui visent l’un des droits les plus fondamentaux de l’individu, celui de nos libertés.
L’oppression iranienne n’est une surprise pour personne. Derrière les films d’Asghar Faradi et d’Abbas Kiarostami se dressent d’autres films engagés. Les chats persans ou le plus récent Leila et ses frères en sont d’autres exemples. Des films interdits et des réalisateurs souvent bannis de leur pays (quand ils ne sont pas tout simplement surveillés ou arrêtés pour « troubles à l’ordre public »). Tatami, pour avoir le droit d’exister a dû se faire au-delà de ses frontières, entre la Géorgie, les Etats-Unis et l’Angleterre. Pire, elle voit une collaboration entre une équipe iranienne et israélienne. Une hérésie pour les pessimistes et une victoire pour les optimistes. Collaboration des plus judicieuses vu le sujet : une judoka iranienne est obligée de simuler une blessure car son gouvernement refuse son affrontement avec une athlète israélienne sur le tatami. Intimidation sur l’entraîneuse, violence morale, kidnapping de proches, la politique de la terreur doit triompher. Coréalisé de surcroît par une femme, le film se veut entier par son point de vue féminin et va se vivre de l’intérieur. « Nous avons voulu faire de cette collaboration artistique et cinématographique un hommage à ces artistes et à ces athlètes et à tous ceux qui se battent pour dépasser la folie de la haine aveugle et du désir de destruction mutuelle, et qui, en dépit des épreuves, aspirent à bâtir un avenir ensemble ». Des propos utopiques, que l’on ne peut que valider, revendiqués par les réalisateurs (le logo de la boîte de prod est significatif : Deux personnes se prenant dans les bras l’un de l’autre).
Le cinéma pour arme de paix
Inspiré malheureusement de faits réels, le film fut activé bien avant la courageuse révolte des femmes iraniennes. Le film se lit sur plusieurs niveaux. La suprématie masculine sur le sexe que l’on veut faible, le contrôle des libertés et l’antisémitisme comme excuse pour endormir les foules, pour canaliser la haine comme la colère. La peur est déplacée vers un faux ennemi pour masquer l’oppression du régime totalitaire islamique. Il est toujours plus facile de voir la paille dans l’œil de son voisin que la poutre dans le sien. Le film parsème ce vécu au gré du métrage. L’héroïne doit avoir l’acceptation du mari pour participer aux jeux et sortir du territoire. Les cinéastes abordent intelligemment cet état de fait par un époux présent et en soutien total à son épouse. Des flash-backs montrent également en filigrane la vie au pays où la fête se fait de façon clandestine et sans voile. Enfin, dès l’introduction, la mise en scène s’attarde sur les judokas iranienne et israélienne visiblement heureuses de se revoir au grès des compétitions. On ne critique pas ici un conflit ou une religion mais une dictature, une oppression de tous les jours. Ces actes de refus de compétition ne sont pas des cas isolés, les athlètes Javad Foroughi, Alireza Karami-Machiani, Saeid Molaei peuvent en témoigner. Tourné en Farsi, le film prend le parti pris de se tourner en noir et blanc. Aussi majestueux que sobre, il s’intègre avec gravité dans le format 4:3 voulu par les réalisateurs. Celui-ci s’accorde parfaitement à l’enfermement de l’héroïne dans cet engrenage sans issue. Elle semble coincée dans cet espace de vue trop étroit.
Le film ne montre pas de vainqueur. Les efforts déployés par l’Iran ne servent finalement à rien puisque les deux nations perdent la compétition. Mais l’histoire se répétera. Face caméra, la protagoniste délivrera un discours final accusateur contre le régime islamique d’Iran. Il n’y a pas de gagnant, et certainement pas la liberté.
Image
Le noir et blanc sied merveilleusement bien au film. Usant des contrastes, ceux-ci s’avèrent bien marqués et tranchants jouant sur toutes les subtilités des noirs. Souvent filmé caméra à l’épaule, on garde la patine documentaire tout en maintenant une stabilité d’image bien étudiée.
Son
Le son sait jouer sur les contrastes du film. Il peut se faire intime dans les séquences impliquant les personnages et leurs angoisses. Il est également ambitieux dans sa gestion de l’espace lors des compétitions où le brouhaha de la foule se coordonne avec le souffle des athlètes en plein effort.
Interactivité
Pas d’interactivité proprement dite mais l’édition s’agrémente d’un livret. Celui-ci propose une interview des deux réalisateurs qui reviennent forcément sur le parcours difficile de certains athlètes et artistes qui se retrouvent liés par l’état totalitaire islamique de leur pays ainsi que sur la création de leur film.
Liste des bonus
Livret de 20 pages, Bande annonce (2’).