SUR MES LÈVRES

France– 2001
Support : Bluray
Genre : Policier
Réalisateur : Jacques Audiard
Acteurs : Emmanuelle Devos, Vincent Cassel, Olivier Gourmet…
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 119 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : Pathé
Date de sortie : 26 mars 2025
LE PITCH
Carla est secrétaire dans une boîte de promotion immobilière et en a assez. Mais que peut-on vraiment espérer quand on est une femme dans une société d’hommes, qu’on a 35 ans, un physique plutôt moyen et qu’on porte une prothèse auditive dans chaque oreille ? La solution s’appelle Paul Angeli, le nouveau stagiaire qu’elle réussit à faire engager. Paul a 25 ans et aucune compétence dans la promotion immobilière. Il est même complètement nul. Mais il a d’autres qualités : c’est un voleur qui sort de taule et il a une belle gueule.
Sur le cœur
Le cinéma de Jacques Audiard, c’est un peu comme une boîte de chocolats. On ne sait jamais sur quoi on va tomber, où plutôt on ne sait jamais où le scénario va nous mener. Une marque de fabrique qui empêche le cinéaste de s’enfermer dans des cases.
Le fils de Michel Audiard a tout de même un parcours exemplaire de metteur en scène. Même s’il est arrivé sur un tard derrière la caméra, son empreinte dans le cinéma français est devenue indélébile. Son nom reste marqué dans l’histoire des cinéastes français comme ont pu l’être des Truffaut, Melville ou Sautet, avec qui il partage de nombreux points communs avec ses aînés en matière d’écriture, d’ambiance et de directions d’acteurs. Il faut dire que ses films sont insaisissables. Ils ne restent pas cloisonnés dans un genre ou une thématique. Jacques Audiard touche à tout et sait amener le spectateur là où il le souhaite. Son passif de scénariste ne le quitte pas et l’importance de ses récits n’en sont que plus intenses. Si ses films ne s’enchaînent pas (en moyenne un tous les trois ans), c’est pour mieux se concentrer sur leur qualité d’écriture. A l’heure où son Emilia Perez lui a permis de conquérir le monde en quittant le microcosme hexagonal et les festivals internationaux, il est agréable de pouvoir se plonger à nouveau dans Sur mes lèvres. Pas son film le plus reconnu mais certainement l’un de ses plus réussis.
Sensualité passive
Sur mes lèvres excelle dans ses qualités intrinsèques. Si l’on a déjà évoqué le talent d’Audiard et de son crayon, on aurait tort d’en oublier sa mise en scène. Le film suit une Emmanuelle Devos (impériale-peut-être sa meilleure interprétation) en secrétaire stressée au bord du burn-out, atteinte de surdité. Son personnage s’entiche de son intérimaire tout juste sorti de prison (Vincent Cassel en paumé mal léché). Elle l’imagine dans ses illusions amoureuses et romantiques quand lui flirte avec les magouilles pour rembourser ses dettes. Sommairement résumé en quelques mots, le réalisateur nous emmène dans des chemins de traverse qu’il maîtrise. Comme il le dit lui-même, une fois que le spectateur accepte l’idée d’une standardiste sourde, il peut tout faire passer au spectateur. Et effectivement, il le fait avec une facilité insolente. La caméra, très proche de ses acteurs, s’attarde sur les détails, les corps ; le désir est aussi palpable que discret. Les relations sont ambiguës. Vincent Cassell emmène Emmanuelle Devos dans ses petites combines, la traitant comme un objet qu’il ne peut obtenir. Faussement contrainte, elle y trouve vite son compte et se prend rapidement au jeu. De complice elle devient active pour finalement prendre le dessus sur son acolyte. Le duo Devos/Cassel que tout semble opposer aussi bien dans le film que dans la vie transpire d’alchimie. L’inventivité de la mise en scène est au diapason, par ses focales judicieusement choisies où ses ouvertures et fermetures semblent être comme des murmures. Le metteur en scène nous fait entendre les silences du monde sonore de son actrice, ses plans paraissent l’écraser dans la noirceur des péripéties que lui fait subir Cassel. Pourtant, il n’y a jamais de répulsion, mais une attirance sensuelle sublimée par les cadrages sur les corps et les non-dits. Il n’y a qu’à les voir communiquer lorsqu’elle lit sur ses lèvres… Les scènes en deviennent des déclarations d’amour, les plans font office de désirs, d’orgasmes. Le film frappe haut et juste. Seul bémol, une sous-intrigue avec un contrôleur judiciaire dont le film se serait bien passé mais que l’on retrouve plus développé dans les scènes coupées présentes sur ce Blu-ray.
Sur mes lèvres est une pépite à redécouvrir, un film d’une richesse folle sur deux laissés pour compte comme la vie sait en concocter. Un film charnière dans la carrière de son metteur en scène qui s’accomplit pleinement ici dans celui de cinéaste. Maintenant, lorsque l’on évoquera son paternel, ce sera comme le père de Jacques Audiard.
Image
Le film pour sa première sortie sur support HD a le droit à une magnifique restauration 4K de chez Pathé (bizarrement, Sur mes lèvres ne sort ici qu’en Blu-ray). Le travail est remarquable. Les textures sont pointues et se voient particulièrement sur les nombreux gros plans dont use le réalisateur. Aucun défaut n’est à signaler sur les scènes de jours comme de nuits donnant au film une parfaite homogénéité tout en gardant le côté argentique.
Son
Là aussi nous avons le droit à un très bon mixage. Si le film n’a pas d’effets clinquants hormis ceux en boite de nuit, il sait jouer parfaitement sur les ambiances. Comme pour l’image, le son sait appréhender les effets sonores ressentis par le personnage d’Emmanuelle Devos qui est malentendante tout en mettant en avant les dialogues de manière plus frontale et la musique d’Alexandre Desplat plus spatiale.
Interactivité
C’est toujours un plaisir de retrouver un metteur en scène parler de son film loin du mode promo indigeste. Jacques Audiard revient sur le parcours de Sur mes lèvres, de ses influences, de sa façon de travailler aussi bien sur le scénario qu’avec ses acteurs. Datant de 2002, les modules suivants laissent également une large place à la parole du chef opérateur, du scénariste et du compositeur Alexandre Desplat. Chacun y explique ses méthodes d’approches sans que cela ne soit redondant.
Le film s’accompagne également de 6 scènes bonus et d’une fin alternative donnant plus d’importance au rôle du contrôleur judiciaire interprété par Olivier Perrier. Enfin, deux commentaires audios sont proposés. L’un avec le réalisateur, assez technique et un second en compagnie d’Emmanuelle Devos et de Vincent Cassel visiblement bien complices.
Liste des bonus
Commentaire audio de Jacques Audiard, Commentaire audio de Vincent Cassel et Emmanuelle Devos, Entretiens autour du film avec Jacques Audiard, Tonino Benacquista et Mathieu Vadepied (39’), Scènes inédites (6’), Fin alternative, avec commentaire audio optionnel de Jacques Audiard (2’), Interview de Tonino Benacquista (20’), Interview d’Alexandre Desplat (14’).